Les expériences menées par les femmes dans le mouvement féministe se sont multipliées, parfois dans des sens très différents. Cette prolifération, si elle a été bien sûr positive, a posé le problème de l’échange et de la communication entre les collectifs. Lorsqu’on réussit finalement à entrer en contact, il est souvent difficile de se comprendre, peut-être parce que les intérêts divergent, mais surtout parce que les formes d’expression, les langages, sont différents.
Le problème se pose aussi pour d’autres formes de communication, comme le cinéma, les arts visuels ou l’écriture, avec quelques problèmes supplémentaires. En dépit des obstacles, les moyens de communication des expériences personnelles et collectives se multiplient, en particulier les journaux et les revues.
Certains de ces médias, généralement autogérés, se développent au rythme des collectifs dont ils sont issus ; d’autres en passent par l’industrie de l’édition et les circuits officiels de distribution.
Toutes ces façons de communiquer ont une chose en commun : on n’écrit pas seulement pour soi, mais pour quelqu’un d’autre, pour les femmes du mouvement, pour « les autres », pour celles qu’on ne connaît pas. Dès lors, quelle que soit sa situation, chaque femme qui écrit et qui sait que son travail sera publié fait face à un interlocuteur, même s’il reste indéfini. Les écrits voyagent au dehors, une partie de soi est « publique ».
C’est, pour les femmes, une relative nouveauté. « Après avoir repris la parole en criant notre vie à la face du monde, aujourd’hui, nous nous réapproprions l’écrit. »
En partant de leur pratique dans le mouvement, des groupes de femmes repartent à la recherche d’un langage qui n’efface pas la différence, la spécificité des femmes, et qui aille au-delà de leur condition immédiate.
Nous présentons ici brièvement une liste des principales revues féministes publiées dans les années 1970, qui sont souvent des numéros uniques ou des encarts périodiques.
Sottosopra naît en 1973 à l’initiative de plusieurs groupes féministes milanais. Il se veut un instrument de débat et un outil de liaison entre les groupes féministes, à Milan et ailleurs. Au-delà, il entend dépasser l’échelle du groupe, et constituer une réalité plus vaste, plus ample, plus complexe. La mise en page, le graphisme, les images y tiennent une place importante ; on y expérimente l’usage de langages différents. La revue prend fin en décembre 1976, mais des opuscules continuent à paraître de manière irrégulière.
Differenze naît à Rome en 1976. « Différences entre homme et femme, entre classe et classe, entre femme et femme, entre féminisme du XIXe siècle et féminisme d’aujourd’hui, entre émancipation et libération, entre féminisme et féminisme, entre un numéro et l’autre de cette revue. » Cette publication n’a pas vocation à représenter le mouvement féministe ; chacune de ses parutions sera conçue par un groupe différent, les textes n’engagent que leurs signataires, et n’incarnent pas le point de vue ultime du mouvement féministe sur le sujet abordé. La revue cesse de paraître en 1977.
Nuova dwf – donnawomenfemme est une revue trimestrielle d’études internationales sur la femme, liée à la partie du mouvement qui est active dans les universités et les lieux de recherche en Italie et à l’étranger. Elle se donne pour objectif non seulement de revisiter le champ culturel pour mettre en lumière les nombreuses contributions des femmes à l’histoire, mais surtout d’élaborer une méthodologie et une approche de recherche sur la femme qui ne soit pas la plate application des schémas préétablis, de réinventer de manière créative les outils d’une culture différente. Les numéros de la revue sont toujours thématiques : femmes et recherche scientifique, femmes et transmission de la culture, femmes et recherche historique, mouvement et institutions, femme et littérature, impérialisme et maternité.
Quotidiano donna est né d’une réflexion de plusieurs camarades du mouvement sur la manière dont les femmes sont depuis toujours conditionnées par les flux d’information, aussi bien par les contenus qui leur sont imposés que par l’image des « femmes » qu’ils véhiculent. D’où la nécessité d’une information différente, des femmes pour les femmes, mais qui reste encore entièrement à inventer.
Le operaie della casa paraît en 1976, à l’initiative du groupe de rédaction du Comitato per il salario al lavoro domestico de Padoue. Les rédactrices le définissent comme un « journal-collage » de textes, de dessins, de photographies. Il diffuse des informations sur les luttes des femmes dans les maisons, dans les usines, dans les écoles, contre le travail et l’exploitation qu’elles subissent.
… e siamo tante… est le bulletin du Mouvement féministe romain de la via Pompeo Magno (qui reparaîtra en 1976 après deux ans d’interruption). Il a pour objet de diffuser les positions du groupe et de « créer entre nous les rapports nécessaires à l’analyse des contenus que nous voulons porter ».
Lilith est le journal du Movimento di liberazione della donna autonoma, créé par un groupe de militantes d’inspiration marxiste qui ont scissionné du Movimento di liberazione della donna lorsque celui-ci a réaffirmé, à son congrès de 1975, ses liens avec le Parti radical. L’objectif du groupe est « de garantir à la lutte féministe un espace suffisant dans le cadre plus général de la lutte des classes […], et de comprendre que la lutte pour la libération de la femme est une composante décisive de la lutte révolutionnaire ».