La préhistoire du mouvement marxiste-léniniste

Comme ils ne dis­posent pas encore d’une organ­i­sa­tion pro­pre, les pre­miers marx­istes-lénin­istes se retrou­vent dans des cen­tres cul­turels de dif­férentes villes (en par­ti­c­uli­er à Milan, Padoue, Pise et Rome). Ils restent toute­fois isolés les uns des autres. On en est encore au stade où le désac­cord avec le PCI s’affiche sans alter­na­tive pré­cise. La révolte con­tre le très-puis­sant père se pré­pare dans l’ombre, avec sa cohorte de dilemmes œdip­i­ens.

« Comme on l’a vu, c’est à cette péri­ode que se for­ment les pre­miers groupes issus de la dis­si­dence social­iste

1 Le texte qui suit est extrait de Wal­ter Toba­gi, Sto­ria del Movi­men­to stu­den­tesco, op. cit

. Lais­sant de côté les idéolo­gies abstraites, ils se lan­cent dans une étude sérieuse et réfléchie du mou­ve­ment ouvri­er ital­ien, à la recherche de nou­veaux débouchés et de nou­velles alter­na­tives glob­ales. Les dis­si­dents du PCI, au con­traire, hési­tent à se rebeller: habitués au cen­tral­isme démoc­ra­tique, ils atten­dent que l’inspiration vienne des chefs incon­testés, d’en haut, de la Chine. […] Pour autant, les pre­miers petits groupes marx­istes-lénin­istes – même s’ils ne sont pas mas­sive­ment suiv­is par les tra­vailleurs – n’en jouent pas moins un rôle impor­tant dans la per­spec­tive d’une large recom­po­si­tion de l’ensemble de la gauche tra­di­tion­nelle […] Et il faut recon­naître au groupe des m‑l de Padoue, auquel par­ticipent Vin­cen­zo Calò et Ugo Duse, le mérite d’avoir fondé en 1962 le pre­mier jour­nal marx­iste-lénin­iste ital­ien. Viva il Lenin­is­mo, qui porte exacte­ment le même titre que le pre­mier opus­cule chi­nois trai­tant du désac­cord avec les com­mu­nistes sovié­tiques, fera paraître trois numéros, tous vio­lem­ment polémiques con­tre les dirigeants révi­sion­nistes ital­iens et sovié­tiques, coupables d’avoir trahi le con­tenu orig­inel de la doc­trine lénin­iste. Mais la dif­fu­sion du jour­nal reste con­fi­den­tielle, ce n’est rien de plus qu’un cail­lou dans la chaus­sure de l’éléphant révi­sion­niste. »

En 1963, en revanche, naît à Milan la pre­mière véri­ta­ble cen­trale de pro­pa­gande marx­iste-lénin­iste: les Edi­zioni Ori­ente, fondées par Maria Reg­is. Et cette ini­tia­tive est autrement plus gênante pour le PCI. Les Edi­zioni Ori­ente se pro­posent de pub­li­er les écrits des com­mu­nistes chi­nois, et de dif­fuser des textes théoriques pour con­tribuer à la for­ma­tion d’importants groupes anti-révi­sion­nistes. Jusqu’au milieu des années 1970, elles éditeront la revue Vente dell’Est, les Quaderni delle edi­zioni Ori­ente, des antholo­gies des œuvres de Mao Tsé-toung, les écrits des dirigeants révo­lu­tion­naires viet­namiens. Elles se rac­corderont en out­re aux Édi­tions en langues étrangères de Pékin (qui pub­lie dans des dizaines de langues dif­férentes) pour importer les « orig­in­aux en ital­ien » des œuvres chi­nois­es, dont le mythique Petit Livre rouge des cita­tions de Mao Tsé-toung. Pen­dant le grand débat sur la « Révo­lu­tion cul­turelle », les Edi­zioni Ori­ente fourniront l’essentiel des matéri­aux de réflex­ion sur les événe­ments chi­nois. Au-delà des querelles* entre marx­istes-lénin­istes, ces pub­li­ca­tions influ­enceront l’ensemble du débat qui se pour­suit dans la gauche révo­lu­tion­naire, jusqu’à devenir pour les étu­di­ants et les jeunes une référence sym­bol­ique et une source de cul­ture poli­tique. Cette ini­tia­tive édi­to­ri­ale joue donc un rôle impor­tant. La rigueur de ses choix et de ses tra­duc­tions, la cul­ture foi­son­nante de ses ini­ti­a­teurs, con­tribueront à dif­fuser la pen­sée maoïste dans des milieux intel­lectuels très dif­férents.

S’ils appar­ti­en­nent à la préhis­toire du mou­ve­ment marx­iste-lénin­iste, Viva il Lenin­is­mo et les Edi­zioni Ori­ente sont précurseurs des développe­ments à venir. En 1964, les prin­ci­paux groupes m‑l déci­dent de fonder un men­su­el, qu’ils inti­t­u­lent de manière polémique Nuo­va unità

2 De même, en 1965 les maoïstes français de la Fédéra­tion des cer­cles marx­istes-lénin­istes inti­t­uleront leur jour­nal l’Humanité nou­velle

. C’est une opéra­tion ambitieuse, qui s’inscrit dans un con­texte plus large de redé­cou­verte des courants révo­lu­tion­naires évincés par l’histoire et par l’hégémonie du PCI dans l’Italie d’après-guerre. C’est à cette époque que des pub­li­ca­tions trot­skistes, anar­chistes, bor­digu­istes, etc., com­men­cent à cir­culer hors des cir­cuits con­fi­den­tiels.

Le pre­mier numéro de Nuo­va unità (dont Duse est le directeur et Gey­monat le vice-directeur) pub­lie des « Propo­si­tions pour une plate-forme des marx­istes-lénin­istes d’Italie ». Le jour­nal devient rapi­de­ment une référence pour les petits groupes marx­istes-lénin­istes dis­per­sés sur le ter­ri­toire. Car out­re les qua­tre bas­tions de Milan, Padoue, Pise et Rome, les m‑l sont présents à Udine, Vicence, Bres­cia, Cré­mone, Pavie, Cre­ma, Gênes, Savone, Bologne, Fer­rare, For­lì, Sienne, Cas­tel Fiorenti­no. Et aus­si dans l’Italie mérid­ionale et insu­laire: à Fog­gia, Reg­gio Cal­abria, Lec­ce, Catane, Cagliari, Sas­sari.

La sit­u­a­tion se com­plique dès lors qu’il s’agit de met­tre au clair les rap­ports avec le PCI. La plu­part des mil­i­tants sont issus des rangs du Par­ti, ils s’y sont for­més poli­tique­ment et peinent à rompre com­plète­ment avec lui. Cette dif­fi­culté sus­cite deux atti­tudes dis­tinctes qui occu­per­ont pen­dant des années le cen­tre du débat. D’un côté, les plus « pos­si­bilistes » par­lent du Par­ti com­mu­niste comme « d’une tête malade dans un corps sain »; de l’autre, les cri­tiques les plus rad­i­caux se deman­dent com­ment « un corps sain peut tolér­er une tête malade? » En réal­ité, comme l’écrira Giuseppe Mai, et en dépit de la bonne foi, de la volon­té et des sen­ti­ments de beau­coup de ses adhérents, la ligne poli­tique du PCI, son organ­i­sa­tion, sa com­po­si­tion, les rap­ports entre ses mem­bres et les rap­ports entre le Par­ti et les mass­es en font moins le par­ti marx­iste-lénin­iste du pro­lé­tari­at que celui des ouvri­ers priv­ilégiés [pro­fes­sion­nels, N.d.A.], des employés et des petits-bour­geois qui ne sont qu’une frac­tion de la pop­u­la­tion ital­i­enne.

Les marx­istes-lénin­istes (comme les opéraïstes avant eux) avaient saisi le change­ment rad­i­cal qui était inter­venu dans l’organisation de l’usine, et la nais­sance de la fig­ure de l’ouvrier-masse. Mais les dif­férences entre ces deux courants étaient pro­fondes et n’allaient jamais se résor­ber. Les opéraïstes fai­saient de l’usine le cen­tre du con­flit. Les nou­velles généra­tions ouvrières, leur « spon­tanéité » (au-delà même de la con­science de classe) étaient au cœur de toutes leurs analy­ses, ils exclu­aient donc toute forme d’organisation extérieure à l’usine. Ils s’opposaient au con­cept d’« avant-garde externe », au rôle du par­ti et des bureau­craties syn­di­cales, et priv­ilé­giaient, sur le plan tac­tique et stratégique, les formes d’autogestion des luttes et l’organisation autonome de base qui allait être, quelques années plus tard, à l’origine de l’« autonomie ouvrière ».

Les marx­istes-lénin­istes con­sid­èrent au con­traire que la mod­i­fi­ca­tion de la com­po­si­tion du pro­lé­tari­at néces­site un par­ti révo­lu­tion­naire de type nou­veau, pour pren­dre en main la direc­tion des luttes, pour favoris­er par l’intervention de ses avant-gardes la for­ma­tion de la con­science de classe des mass­es ouvrières et paysannes, et pour les guider dans le proces­sus révo­lu­tion­naire con­tre le cap­i­tal­isme. Par-delà les sim­pli­fi­ca­tions, il s’agit là d’une polémique d’une très grande com­plex­ité qui touche aux racines mêmes du lénin­isme et de ses inter­pré­ta­tions. Or le lénin­isme est encore à ce moment l’unique théorie de l’organisation du par­ti révo­lu­tion­naire élaborée pen­dant le siè­cle. La ques­tion de l’organisation domin­era les débats dans les années qui vont suiv­re, et divis­era sou­vent les opéraïstes eux-mêmes.

Deux lignes s’affrontent dans l’aire m‑l sur la ques­tion des rap­ports avec le PCI: d’une part celle qui promeut la for­ma­tion d’une nou­velle organ­i­sa­tion révo­lu­tion­naire, de l’autre celle qui insiste sur la tâche his­torique de con­stituer un pôle d’avant-garde interne/externe au PCI, pour influ­encer sa ligne et mod­i­fi­er ses ori­en­ta­tions et sa direc­tion. Cette sec­onde posi­tion, autrement appelée « entrisme » est large­ment priv­ilégiée par les mil­i­tants qui con­tin­u­ent à espér­er en une « frac­ture ver­ti­cale » du PCI per­me­t­tant de recom­pos­er la dis­si­dence et le proces­sus révo­lu­tion­naire (cette ten­dance non nég­lige­able à l’intérieur du PCI s’est main­tenue jusqu’à aujourd’hui). Le débat entre les deux ten­dances est resti­tué en temps réel dans la Nuo­va unità. Il lui sera fatal à court terme.

Suite à une longue série de défec­tions, le jour­nal cesse de paraître en jan­vi­er 1965. Une par­tie de ses rédac­teurs relance, sous le même titre, une sec­onde édi­tion du jour­nal. Une autre par­tie d’entre eux, sous la férule d’Ugo Duse, fonde Il ­Comu­nista. Cette nou­velle pub­li­ca­tion com­bat âpre­ment les thès­es des « entristes », éla­bore une réflex­ion cri­tique com­plexe sur le rôle du PCI, dénonce l’embourgeoisement pro­fond de la classe ouvrière occi­den­tale, et proclame la néces­sité de soutenir les groupes réelle­ment révo­lu­tion­naires – avec une lourde référence aux guéril­las en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud (il prend notam­ment l’initiative de trou­ver des volon­taires pour le Viet­nam). Mais, out­re un cer­tain nom­bre d’erreurs de ges­tion et de recrute­ment, Il Comu­nista som­bre dans l’équivoque, en sou­tenant les groupes sud-tyroliens qui se bat­tent pour l’indépendance de la province de Bolzano

3 La province de Bolzano est située au nord-est de l’Italie, dans la région du Trentin-Haut-Adi­ge. Autrichi­enne jusqu’en 1919, puis rat­tachée à l’Italie, cette région voit s’étendre, à par­tir des années 1960, les reven­di­ca­tions de rat­tache­ment à l’Autriche (« Befreiungsauss­chuss Südtirol » : Comité pour la libéra­tion du Tyrol du Sud). Les deux provinces du Trentin-Haut-Adi­ge (Bolzano et Trente) obti­en­nent en 1972 le trans­fert de com­pé­tences lég­isla­tives et admin­is­tra­tives qui leur octroie une cer­taine autonomie

, sans se ren­dre compte (ou beau­coup trop tard) que cer­tains d’entre eux éma­nent de la droite néon­azie autrichi­enne. La somme de ces fac­teurs pré­cip­ite la désagré­ga­tion du groupe, et les mil­i­tants rejoignent d’autres organ­i­sa­tions.

La sec­onde série de Nuo­va unità con­naît un des­tin dif­férent. Le nou­veau groupe dirigeant (Pesce, Gey­monat, Din­uc­ci), après avoir clar­i­fié les motifs de la rup­ture et dure­ment attaqué les scis­sion­nistes pour leur sec­tarisme, fonde le Movi­men­to marx­ista-lenin­ista. Celui-ci entend jouer un rôle de liai­son et d’ancrage dans le champ de la dis­si­dence, en recueil­lant tous les « entristes ». Cette ini­tia­tive sus­cite des réac­tions favor­ables jusque dans les rangs du PCI: une « let­tre anonyme » dira son assen­ti­ment à la nou­velle ligne du jour­nal. Le mou­ve­ment s’ouvre égale­ment aux cama­rades « engagés dans la lutte à l’intérieur du PCI » et organ­ise plusieurs réu­nions au plan région­al. En jan­vi­er 1966, il tient un con­grès nation­al et com­mence de fait à fonc­tion­ner comme un par­ti cen­tral­isé. Un mois plus tard, le jour­nal pub­lie son Pro­gramme d’action, et en juin, un appel inti­t­ulé En avant vers la con­struc­tion du par­ti. Dès lors, la mécanique organ­i­sa­tion­nelle est en marche, elle con­duira en octo­bre de la même année à la fon­da­tion du Par­ti com­mu­niste d’Italie marx­iste-lénin­iste (PCd’I m‑l).

Ce proces­sus ne sem­ble pour­tant pas sat­is­faire les aspi­ra­tions de l’ensemble de l’aire m‑l: les ex-mil­i­tants d’Il Comu­nista et les dis­si­dents de Nuo­va unità et d’Azione comu­nista (un groupe et un jour­nal nés de la scis­sion-exclu­sion de mil­i­tants du PCI) organ­isent à Milan en 1966 un con­grès qui donne nais­sance à la Fédéra­tion marx­iste-lénin­iste d’Italie, bien­tôt pourvue de son pro­pre organe de presse: Riv­o­luzione pro­le­taria. La Fédéra­tion opte pour une organ­i­sa­tion con­fédérale qui coïn­cide aus­si avec « une hétérogénéité per­sis­tante sur le plan idéologique et poli­tique ».

Les événe­ments inter­na­tionaux ont tou­jours pro­fondé­ment influ­encé le débat des m‑l et si la « Révo­lu­tion cul­turelle » prend de court les « entristes » du Pcd’I m‑l, la vic­to­rieuse Révo­lu­tion cubaine est une source inépuis­able de dis­ser­ta­tions sur la pen­sée cas­triste, et plus encore sur la fig­ure de Che Gue­vara. Chez Cas­tro, on appré­cie l’action pra­tique, l’usage de la force – même s’il n’est pas tou­jours étayé par une théorie adéquate. Mais chez Cas­tro comme chez le Che, on recon­naît aus­si la « juste exi­gence, celle du lénin­isme, que le par­ti révo­lu­tion­naire soit une organ­i­sa­tion de type poli­tique et mil­i­taire pro­fondé­ment liée aux mass­es, mais dis­tincte d’elles sur le plan organ­i­sa­tion­nel

4 Wal­ter Toba­gi, Sto­ria del Movi­men­to stu­den­tesco, op. cit

». Cette com­bi­nai­son entre lénin­isme et cas­trisme, comme la référence à la tac­tique de la guéril­la urbaine en Amérique latine, influ­enceront notable­ment la pen­sée des pre­miers fon­da­teurs des Brigades rouges.

Pen­dant le court moment qui précède 68, les deux organ­i­sa­tions monop­o­lisent le débat dans l’aire m‑l. Des jeunes et des étu­di­ants d’origine petite-bour­geoise com­men­cent à se rap­procher d’elles. Ils sont attirés par la morale rigide du mil­i­tan­tisme, par le besoin de se puri­fi­er de leurs « dou­teuses » orig­ines bour­geois­es, par le désir – d’ordre moral avant même que poli­tique – de « servir le peu­ple ». Pen­dant 68, les organ­i­sa­tions m‑l con­naîtront de mul­ti­ples scis­sions et recom­po­si­tions (la plus impor­tante don­nera nais­sance à l’Unione dei marx­isti-lenin­isti). Elles joueront un rôle notable dans le proces­sus de ver­ti­cal­i­sa­tion bureau­cra­tique du mou­ve­ment étu­di­ant.

La fig­ure de Mao Tsé-toung, par sa manière d’agir sin­gulière, se prê­tait aux ­inter­pré­ta­tions les plus divers­es. Grand dirigeant poli­tique, let­tré raf­finé au style sim­ple et pro­fond, où le recours à la métaphore ser­vait à la fois la com­préhen­sion immé­di­ate et sa dif­fu­sion sous la forme de slo­gans et de mots d’ordre, Mao était devenu (et il allait le rester longtemps) une référence fon­da­men­tale au plan ­inter­na­tion­al.

En réal­ité, la Révo­lu­tion chi­noise (qui avait duré vingt ans, de 1929 à 1949) n’avait pas eu grande réso­nance en Ital­ie au cours des années 1950. L’expérience de la con­struc­tion du social­isme dans le pays le plus peu­plé du monde ne sem­blait pas intéress­er les com­mu­nistes ital­iens, tout occupés à met­tre en œuvre l’« idéolo­gie de la Recon­struc­tion ». Lors de l’invasion sovié­tique de la Hon­grie, Mao s’était à peu près aligné sur les thès­es com­mu­nistes offi­cielles du com­plot. Il écrira à ce pro­pos: « Lorsque les événe­ments de Hon­grie ont éclaté, cer­tains dans notre pays étaient ravis. Ils espéraient que quelque chose d’analogue aurait lieu égale­ment en Chine, que des mil­liers et des dizaines de mil­liers de per­son­nes descendraient dans la rue, pour man­i­fester con­tre le gou­verne­ment pop­u­laire. Cet espoir qu’ils avaient était con­traire aux intérêts des mass­es pop­u­laires et ne pou­vait béné­fici­er de l’appui des mass­es pop­u­laires. Une par­tie des mass­es hon­grois­es, trompées par les forces con­tre-révo­lu­tion­naires de l’intérieur et de l’extérieur, a com­mis l’erreur de se livr­er à des actes de vio­lence con­tre le gou­verne­ment pop­u­laire, et le résul­tat fut amer aus­si bien pour l’État que pour le peu­ple

5 Dis­cours pronon­cé le 27 févri­er 1957 lors de la 11e ses­sion élargie de la con­férence suprême de l’État

. »

Le désac­cord avec les Sovié­tiques et avec la plu­part des autres par­tis com­mu­nistes éclat­era plus tard, sur la ques­tion de la « coex­is­tence paci­fique » (voir « Les diver­gences entre le cama­rade Togli­at­ti et nous ») et sur celle des luttes révo­lu­tion­naires aus­si bien dans les pays tiers que dans les métrop­o­les cap­i­tal­istes.

Si la dis­si­dence m‑l en Ital­ie se réfère très tôt à la Chine (et à l’Albanie), et que les Edi­zioni Ori­ente con­tribuent à une bonne infor­ma­tion sur le proces­sus révo­lu­tion­naire qui s’y déroule, ce n’est qu’au milieu des années 1960, à tra­vers les échos de la « Révo­lu­tion cul­turelle », que la Chine et la « pen­sée-Mao » com­men­cent à devenir un réel élé­ment du débat. Leur influ­ence se fait sen­tir sur nom­bre de ques­tions qui se posent aus­si en Ital­ie: celles de l’édification du social­isme, du rap­port entre le par­ti et les mass­es, ou bien entre les insti­tu­tions et le mou­ve­ment, du rôle des intel­lectuels et de la cul­ture, du rap­port entre la démoc­ra­tie et la révo­lu­tion. Même posées dans des con­textes dif­férents, elles con­ser­vent une portée générale, et la façon qu’ont Mao et les acteurs de la « Révo­lu­tion cul­turelle » de les traiter n’en est pas moins un enrichisse­ment pro­fond et inven­tif de la tra­di­tion marx­iste.

Car Mao Tsé-toung, indépen­dam­ment de sa posi­tion sur les événe­ments de Hon­grie, ou peut-être même à par­tir d’eux, s’était posé de manière aiguë le prob­lème de la lutte pour la démoc­ra­tie et le social­isme à l’intérieur du proces­sus révo­lu­tion­naire. En reprenant la méthodolo­gie et les con­tenus de l’un de ses essais les plus célèbres (De la con­tra­dic­tion, août 1937), qui reste aus­si un de ses apports majeurs au cor­pus théorique m‑l, Mao avait anticipé une par­tie des ques­tions qui allaient domin­er l’histoire de la « Révo­lu­tion cul­turelle », et qu’il allait dévelop­per ensuite dans Sur la juste solu­tion des con­tra­dic­tions au sein du peu­ple (févri­er 1957).

dans ce chapitre« Les diver­gences entre le cama­rade Togli­at­ti et nous (extraits)Mao Tsé-toung: Que cent fleurs s’épanouissent »
  • 1
    Le texte qui suit est extrait de Wal­ter Toba­gi, Sto­ria del Movi­men­to stu­den­tesco, op. cit
  • 2
    De même, en 1965 les maoïstes français de la Fédéra­tion des cer­cles marx­istes-lénin­istes inti­t­uleront leur jour­nal l’Humanité nou­velle
  • 3
    La province de Bolzano est située au nord-est de l’Italie, dans la région du Trentin-Haut-Adi­ge. Autrichi­enne jusqu’en 1919, puis rat­tachée à l’Italie, cette région voit s’étendre, à par­tir des années 1960, les reven­di­ca­tions de rat­tache­ment à l’Autriche (« Befreiungsauss­chuss Südtirol » : Comité pour la libéra­tion du Tyrol du Sud). Les deux provinces du Trentin-Haut-Adi­ge (Bolzano et Trente) obti­en­nent en 1972 le trans­fert de com­pé­tences lég­isla­tives et admin­is­tra­tives qui leur octroie une cer­taine autonomie
  • 4
    Wal­ter Toba­gi, Sto­ria del Movi­men­to stu­den­tesco, op. cit
  • 5
    Dis­cours pronon­cé le 27 févri­er 1957 lors de la 11e ses­sion élargie de la con­férence suprême de l’État