Sergio Bianchi : Note à la deuxième édition (1997)

La pre­mière édi­tion de ce livre remonte à dix ans. Elle a été rapi­de­ment épuisée et il n’y a pas eu d’autre tirage. Le livre a néan­moins con­tin­ué à cir­culer sous forme de pho­to­copies, et ces dernières années de larges extraits ont égale­ment été dif­fusés sur des réseaux télé­ma­tiques, petits et grands.

Si l’on regarde les trans­for­ma­tions qui ont mar­qué cette décen­nie, au plan ­nation­al et inter­na­tion­al, on s’aperçoit que les auteurs et les col­lab­o­ra­teurs de ce livre en ont eu l’intuition – par­fois approx­i­ma­tive –, qu’ils les ont annon­cées avec beau­coup d’avance. C’est à cette clair­voy­ance et à la méth­ode de l’enquête que tient l’actualité de cette recon­struc­tion his­torique. Celle d’un cycle de la lutte des class­es qui a accom­pa­g­né la fin d’une société fondée sur l’organisation de la pro­duc­tion cap­i­tal­iste « fordiste ». Cette phase his­torique, tout entière mar­quée par la con­flict­ual­ité de masse, s’est con­clue par une com­plète réor­gan­i­sa­tion de l’ensemble de la société sous l’égide de nou­veaux par­a­digmes pro­duc­tifs et cul­turels. Ce saut his­torique a eu lieu, mais on n’est pas par­venu jusqu’ici à le lire, à le com­pren­dre.

Dans cette nou­velle édi­tion, nous avons voulu enrichir l’approche, mêlant théorie et témoignages, qui était celle du livre, en par­ti­c­uli­er sur les ques­tions de la trans­for­ma­tion de la pro­duc­tion et du con­flit autour de ses modal­ités et de ses fins. En ce sens, il nous a sem­blé utile d’ajouter les textes de Pao­lo Virno et de ­Ser­gio Bologna qui trait­ent du cycle de luttes ouvrières de 1968–1969. Pour ce qui con­cerne le débat théorique à l’intérieur du mou­ve­ment, nous avons ajouté une note de San­dro Manci­ni sur la scis­sion inter­v­enue au début des années 1960 dans les Quaderni rossi, la mère de toutes les revues opéraïstes. Une con­tri­bu­tion de Lucio Castel­lano et une autre écrite par des mil­i­tants poli­tiques de Vénétie vien­nent éclair­er la spé­ci­ficité de l’aire théori­co-mil­i­tante que l’on a appelée Autonomie ­ouvrière, sa genèse, son développe­ment et sa crise. Enfin, un texte de Lan­fran­co ­Camini­ti porte sur le mou­ve­ment de 77 dans le Sud de l’Italie.

Afin d’éclairer l’histoire et les par­cours des organ­i­sa­tions poli­tiques révo­lu­tion­naires des années 1970, nous nous sommes appuyés sur des notices rédigées par Andrea Colom­bo. Sur les phénomènes cul­turels qui ont mar­qué les mou­ve­ments dans les années 1960, nous avons don­né la parole à Bruno Car­to­sio et à Cesare Bermani : le pre­mier traite de la récep­tion en Ital­ie des luttes des Afro-améri­cains, le sec­ond de l’extraordinaire expéri­ence du Nuo­vo can­zoniere ital­iano, et plus ­générale­ment de l’engagement mil­i­tant dans la dif­fu­sion de la musique pop­u­laire. Pao­lo Virno, enfin, livre une syn­thèse brève, mais acérée des prin­ci­paux événe­ments sur­venus dans l’Italie des années 1980 et 1990.

Dans un appen­dice au livre, Rossana Rossan­da com­mente l’incapacité de la classe poli­tique actuelle à sor­tir de l’urgence qui a servi de réponse aux épisodes les plus dra­ma­tiques des vingt ans de con­flit de classe dont traite ce livre. Pour des cen­taines de mil­i­tants, qui furent les acteurs de ce mou­ve­ment, la ques­tion de la lib­erté reste encore en sus­pens.

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