Danilo Montaldi: Italie, juillet 1960

 Ce texte est paru en 1960 dans les Quaderni di unità pro­le­taria. Il a été traduit en français dans Social­isme ou Bar­barie, n° 31, 1960–1961, sous la sig­na­ture d’Unità pro­le­taria. [N.d.A.] Nous en présen­tons ici une tra­duc­tion légère­ment mod­i­fiée. À pro­pos de Dani­lo Mon­tal­di, voir dans ce chapitre le texte Une généra­tion d’intellectuels com­pé­tents et auto-mar­gin­al­isés, p. 41 sqq..

Dix tra­vailleurs tués lors de man­i­fes­ta­tions de rue; l’annulation du con­grès du MSI 1 Le Movi­men­to sociale ital­iano (MSI) est le par­ti néo­fas­ciste ital­ien né en 1946 après la chute de la République sociale ital­i­enne de Mus­soli­ni et l’interdiction du Par­ti nation­al fas­ciste par le gou­verne­ment pro­vi­soire et les Alliés. . à Gênes; des man­i­fes­ta­tions qui écla­tent dans plusieurs villes; la chute du gou­verne­ment Tam­broni, soutenu par les voix fas­cistes; son rem­place­ment par le gou­verne­ment Fan­fani, « leader » de la gauche démoc­rate chré­ti­enne 2 Dirigeant de la Démoc­ra­tie chré­ti­enne, plusieurs fois min­istre entre 1953 et 1960, Fer­nan­do Tam­broni est nom­mé Prési­dent du Con­seil en mars 1960 en for­mant une majorité avec le sou­tien du MSI. Lorsque son gou­verne­ment autorise la tenue du con­grès du MSI à Gênes, une insur­rec­tion éclate, relayée par d’importantes man­i­fes­ta­tions dans plusieurs villes d’Italie. La répres­sion est très dure : on compte 13 morts et plusieurs blessés. Tam­broni laisse la place au gou­verne­ment d’Amintore Fan­fani, lui aus­si démoc­rate-chré­tien, fer­me­ment épaulé par Mario Scel­ba – ancien min­istre de l’intérieur de 1947 à 1953, péri­ode au cours de laque­lle la police avait causé la mort de 150 grévistes et man­i­fes­tants. .. Tel est le bilan appar­ent des journées de juin et juil­let en Ital­ie…

Une vic­toire de l’antifascisme?

Il serait faux de s’arrêter à ce con­stat, car der­rière ce bilan se cache un enseigne­ment infin­i­ment plus pro­fond que celui que les par­tis de gauche ont bien voulu tir­er. Au cours de ces événe­ments s’est révélée une force entière­ment nou­velle: cette force, qui a bous­culé aus­si bien les pro­jets de la bour­geoisie que ceux des par­tis de gauche, c’est la masse de la jeunesse ouvrière et étu­di­ante. C’est désor­mais vers elle que s’oriente l’effort de pro­pa­gande et de for­ma­tion des groupes qui se sont éloignés des organ­i­sa­tions poli­tiques tra­di­tion­nelles pour appli­quer et dif­fuser une con­cep­tion réelle­ment social­iste de la lutte ­poli­tique.

C’est l’annonce qu’un con­grès du MSI avait reçu l’autorisation de se tenir à Gênes qui a déclenché le mou­ve­ment de juil­let.

Cette autori­sa­tion accordée aux fas­cistes était d’abord un acte de remer­ciement pour le sou­tien apporté par le MSI au gou­verne­ment Tam­broni. Mais au-delà, il s’agissait pour la majorité au pou­voir de se livr­er à une expéri­ence dont la pop­u­la­tion génoise devait être le cobaye. Gênes est une des villes les plus rouges du pays. Lit­térale­ment occupée (en 48 heures) par d’anciens par­ti­sans et des ouvri­ers en armes lors de l’attentat fas­ciste con­tre Togli­at­ti, le 25 juil­let 1948, Gênes est un port dans lequel les luttes ont sou­vent out­repassé les con­signes des direc­tions syn­di­cales. Il s’agit donc d’une réal­ité sig­ni­fica­tive à par­tir de laque­lle il est pos­si­ble de généralis­er à l’échelle du pays entier.

En autorisant un con­grès fas­ciste à Gênes, la majorité gou­verne­men­tale entendait donc pren­dre la tem­péra­ture du pays et démon­tr­er qu’une ouver­ture vers ­l’extrême-droite fas­ciste était pos­si­ble sans avoir à crain­dre une réac­tion de la ­pop­u­la­tion.

Cette « expéri­ence » a été menée par un gou­verne­ment qui entendait con­tin­uer la poli­tique de ratio­nal­i­sa­tion de la pro­duc­tion et de ren­force­ment de l’État amor­cée en 1953. En prenant des mesures pour accroître la con­som­ma­tion – réduc­tion du prix de l’essence, développe­ment de la vente à crédit –, en encour­ageant les nou­velles méth­odes d’exploitation du cap­i­tal, en favorisant en même temps la ­cléri­cal­i­sa­tion de la vie publique et le con­trôle sur les tra­vailleurs au moyen de toutes sortes d’organismes privés et de struc­tures poli­tiques ou publiques, le gou­verne­ment Tam­broni se présen­tait comme un gou­verne­ment de « trêve sociale » et de tech­ni­ciens, qui se bor­nait à dévelop­per d’une façon un peu plus ferme et engagée la poli­tique des gou­verne­ments précé­dents.

Cepen­dant, ni les frigidaires ni le con­trôle exer­cé par les dif­férentes paroiss­es ne sont par­venus à empêch­er la lutte des class­es. Entre 1953 et 1958 ont sur­gi nom­bre de grèves que les cen­trales syn­di­cales se sont bien gardées de coor­don­ner et d’unifier. Après 1958, si la ten­sion sociale sem­blait avoir dimin­ué, des mou­ve­ments spo­radiques, imprévus et vio­lents con­tin­u­aient pour­tant d’éclater ici et là: les ouvri­ers du Nord, les mieux payés, occupèrent des usines à plusieurs repris­es, tan­dis que les paysans du Sud man­i­fes­taient, se bat­taient con­tre la police, occu­paient des mairies, et accueil­laient à coups de pier­res les députés venus pour les calmer 

3 À par­tir d’avril 1959 et jusqu’à l’automne, une série de con­flits ponc­tués d’affrontements avec la police et de mou­ve­ments insur­rec­tion­nels se suc­cè­dent dans toute l’Italie : dans les grandes usines au Nord, par­mi les petits paysans, les dock­ers au Sud et dans des petites et moyennes entre­pris­es de toute la pénin­sule. Pour une chronolo­gie détail­lée, voir Steve Wright, À l’assaut du ciel, Senon­evero, 2003.

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Les événe­ments de Gênes s’inscrivent donc dans une péri­ode mar­quée par ­l’absence de grands mou­ve­ments soci­aux, mais tra­ver­sée de luttes locales très dures. »

Le 25 juin, des étu­di­ants, des pro­fesseurs, des jeunes organ­isent un meet­ing de protes­ta­tion con­tre la tenue du con­grès fas­ciste, prévu pour le 2 juil­let. La réu­nion a lieu sur une place où se retrou­vent habituelle­ment les dock­ers et les marins. La police arrive et charge. Les sirènes des voitures de la brigade d’intervention rapi­de aler­tent les dock­ers au tra­vail et les ouvri­ers des usines voisines, qui accourent armés de cro­chets et de bar­res de fer pour défendre les étu­di­ants. C’est à par­tir de là que s’organise, en dehors des par­tis et des syn­di­cats, une véri­ta­ble unité entre les ouvri­ers et les étu­di­ants, pour « faire quelque chose de con­cret, d’efficace ». En effet, les organ­i­sa­tions de gauche, qui don­nent à leur cam­pagne con­tre le con­grès un ­car­ac­tère stricte­ment légal, se bor­nent à répéter des slo­gans antifas­cistes et à vot­er des motions pour deman­der au gou­verne­ment de bien vouloir inter­dire le con­grès. Les plus jeunes ne met­tent pas longtemps à con­stater les carences des organ­i­sa­tions. Le 26 juin, une délé­ga­tion de jeunes et de petites organ­i­sa­tions d’opposition se met­tent en rap­port avec des hommes qui avaient joué pen­dant la Résis­tance un rôle déter­mi­nant, mais qui étaient entrés en con­flit après-guerre avec la ligne des par­tis de gauche et s’étaient retirés depuis des années de toute activ­ité poli­tique. En règle générale, les étu­di­ants s’adressent directe­ment aux ouvri­ers, en igno­rant com­plète­ment la struc­ture syn­di­cale offi­cielle.

Le 28 juin néan­moins, les par­tis de gauche, qui ont eu le temps de se con­cert­er, annon­cent pour le 30 une grève à Gênes et à Savone. La grève se pré­pare, tan­dis que 15 000 policiers sont con­cen­trés à Gênes. Les organ­i­sa­tions de gauche tien­nent un meet­ing auquel assis­tent 30 000 per­son­nes; un député social­iste, emporté par sa pro­pre élo­quence, y promet d’abandonner son immu­nité par­lemen­taire et de « descen­dre dans la rue, comme tout le monde ». La gauche offi­cielle est cepen­dant décidée à faire en sorte que la journée du 30 juin se déroule dans le calme, sans « provo­ca­tions ». Au même moment, les « provo­ca­teurs » se rassem­blent: ce sont des groupes d’étudiants, d’anciens par­ti­sans, des com­mu­nistes dis­si­dents, des anar­cho-syn­di­cal­istes. L’élément nou­veau ici, ce n’est pas tant que ces mil­i­tants se ­réu­nis­sent, mais que les jeunes et les tra­vailleurs se rassem­blent en vue d’une action com­mune.

La grève générale donne lieu à des affron­te­ments extrême­ment vio­lents entre les policiers et les man­i­fes­tants qui se bat­tent à coups de pier­res, de boulons et de bar­res de fer. Par­mi les man­i­fes­tants, les plus décidés et les plus vio­lents sont égale­ment les plus jeunes. Les dirigeants syn­di­caux et poli­tiques s’efforcent de ramen­er le calme. Le prési­dent de l’Association nationale des par­ti­sans ital­iens (ANPI) ­inter­vient per­son­nelle­ment. Les man­i­fes­tants se retirent: tous regret­tent le manque d’armes, tous récla­ment l’intervention des par­ti­sans. Le lende­main (1er juil­let), alors que les lead­ers offi­ciels ont dis­paru et qu’aucune man­i­fes­ta­tion n’est prévue, la grève se pour­suit spon­tané­ment. Pour étouf­fer le mou­ve­ment, la CGIL dif­fuse un com­mu­niqué annonçant que des trac­ta­tions sont en cours et que le con­grès va être inter­dit; au même moment, le Con­seil de la Résis­tance 4 Il s’agit vraisem­blable­ment du « Con­seil fédéral de la Résis­tance », l’instance lig­ure de l’Associazione nazionale par­ti­giani d’Italia (ANPI) qui, le 10 juin 1960, avait envoyé aux représen­tants poli­tiques de l’époque un com­mu­niqué con­tre la tenue du con­grès du MSI à Gênes : « Gênes brûle encore ! Et elle ne veut pas qu’une honte imméritée vienne assom­brir son éten­dard de ville médaille d’or de la Résis­tance. C’est ain­si que l’ordonnent les morts pour la lib­erté, et per­son­ne ne saurait rester sourd à leurs voix. ». men­ace de ne plus inter­venir en faveur des man­i­fes­tants qui seraient désor­mais arrêtés.

Le 30 juin, une grève de sol­i­dar­ité est organ­isée à Turin. Le ser­vice d’ordre de la CGIL s’oppose vio­lem­ment à des groupes d’ouvriers et d’étudiants qui veu­lent s’attaquer aux forces de police.

Le 2 juil­let, les autorités font un ultime effort pour calmer l’agitation en faisant inter­venir l’ANPI, mais les tra­vailleurs se mon­trent de plus en plus déter­minés et men­a­cent de pass­er out­re les con­signes de leurs direc­tions si le con­grès fas­ciste com­mence sans qu’on soit passés à l’action. Des jeunes des villes voisines et ­d’anciens par­ti­sans armés arrivent de toute la région, con­trevenant ain­si au mot d’ordre de l’ANPI.

Le gou­verne­ment finit par faire marche arrière. Le con­grès est inter­dit à Gênes, les fas­cistes renon­cent à le tenir ailleurs.

Prenant acte du suc­cès de la résis­tance à Gênes, les par­tis essaient alors de ­récupér­er le mou­ve­ment pour en tir­er prof­it sur le plan par­lemen­taire. Ils organ­isent des man­i­fes­ta­tions un peu partout. Mais, de nou­veau, rien ne se déroule comme prévu. Le 6 juil­let à Rome, des affron­te­ments opposent pen­dant ­plusieurs heures des man­i­fes­tants et les policiers. Le 7 juil­let, à Reg­gio Emil­ia, la police tire: cinq ouvri­ers sont tués. Une nou­velle grève est décrétée, cette fois-ci à l’échelle nationale.

Le 1er juil­let, en Sicile, un ouvri­er agri­cole avait été tué par la police au cours d’une man­i­fes­ta­tion pour la défense des salaires. Le 9 juil­let, à Palerme et à Catane, la police tire à nou­veau et tue qua­tre autres ouvri­ers.

Mal­gré la répres­sion poli­cière, et prob­a­ble­ment même à cause d’elle, des excès qu’elle révèle et des réac­tions qu’elle sus­cite, il appa­raît alors claire­ment que les jours du gou­verne­ment Tam­broni sont comp­tés. L’union, qu’il incar­ne, entre le cen­tre et la droite néo­fas­ciste est con­damnée. La solu­tion à la crise: le retour de Fan­fani à la tête du gou­verne­ment et de Scel­ba, l’homme à poigne, au min­istère de l’Intérieur. La bour­geoisie est sat­is­faite. Fan­fani ras­sure la gauche à bon compte, tan­dis que Scel­ba garan­tit l’ordre pub­lic.

Les journées de juin et juil­let ont eu une réso­nance pro­fonde au sein du pro­lé­tari­at ital­ien. Tan­dis qu’à Gênes l’expression « faire comme à Tokyo 5 En juin 1960 ont lieu au Japon des man­i­fes­ta­tions con­tre le traité de sécu­rité nip­po-améri­cain, qui fer­ont finale­ment tomber le gou­verne­ment Kishi le 15 juil­let.. » courait de bouche en bouche, devenant une sorte de mot d’ordre, à Turin et dans les autres villes ­ital­i­ennes, les tra­vailleurs dis­aient: « il faut faire comme à Gênes », et les ouvri­ers ajoutaient: « notre patron, c’est le fas­cisme. » Et pour­tant, à Gênes comme ailleurs, les tra­vailleurs et les jeunes ne se sont pas heurtés seule­ment aux forces de répres­sion: ils ont égale­ment dû affron­ter les dirigeants de gauche qui ten­taient de frein­er leur action, de la con­fin­er dans une dimen­sion stricte­ment légale et inof­fen­sive. Ils ont réa­gi, par­fois bru­tale­ment: à Gênes, ils ont ren­ver­sé une voiture de la Cam­era del ­lavoro qui sil­lon­nait les rues en invi­tant au calme; à Rome, ils ont cassé la gueule à un fonc­tion­naire du PCI qui leur tenait des pro­pos lénifi­ants. Un peu partout, les lead­ers de la gauche ont été cri­tiqués, et mêmes sif­flés, pour leurs ater­moiements. Certes, on ne peut pas par­ler d’une rup­ture nette entre les tra­vailleurs et leurs direc­tions bureau­cra­tiques, mais bon nom­bre d’ouvriers, de jeunes, d’anciens par­ti­sans, com­pren­nent à présent que le prob­lème ne se lim­ite pas à savoir si les direc­tions des par­tis sont plus ou moins molles, ou plus ou moins dures, mais qu’il est bien plus com­plexe. Il faut soulign­er ceci: en juil­let, les ouvri­ers et les jeunes revendi­quaient des formes de lutte que les organ­i­sa­tions tra­di­tion­nelles n’étaient pas en mesure de pro­pos­er. Le manque total de liens entre les groupes autonomes et les mil­i­tants ­révo­lu­tion­naires qui, dans dif­férentes villes, avaient pris les ini­tia­tives les plus effi­caces, n’était pour­tant pas prop­ice à la cristalli­sa­tion et à l’extension de ces formes de lutte. Mais eussent-ils existé, ces liens n’auraient prob­a­ble­ment pas changé le vis­age du mou­ve­ment, et par con­séquent l’empreinte qu’il a lais­sée dans la con­science de ses pro­tag­o­nistes. Il nous faut par ailleurs dégager un autre enseigne­ment des journées de juil­let: les ouvri­ers, par leur com­porte­ment, ont démon­tré qu’en dépit de la ­poli­tique de « prospérité » et de hauts salaires par laque­lle le cap­i­tal cher­chait à les neu­tralis­er, ils ne s’intégraient pas. Les man­i­fes­ta­tions ont eu pour pro­tag­o­nistes les ouvri­ers les plus « prospères » et en apparence les plus « inté­grés » d’Italie.

Mais la leçon la plus impor­tante con­cerne la forme d’activité des groupes ­révo­lu­tion­naires. Il existe des groupes « féro­ce­ment » marx­istes qui se sont bornés jusqu’ici à men­er un tra­vail d’étude. Leur ori­en­ta­tion stricte­ment théorique fait qu’ils ne peu­vent en aucun cas influer sur la lutte. Il existe aus­si à peu près dans toutes les villes ital­i­ennes des groupes de jeunes qui, plutôt que de s’enfermer dans de petits cer­cles pour dis­cuter de théorie, cherchent d’une part à met­tre en com­mun avec les tra­vailleurs l’expérience accu­mulée au cours de ces dernières années – que ce soit dans les par­tis, les syn­di­cats, dans les usines ou dans la vie quo­ti­di­enne – et de l’autre à inter­venir effi­cace­ment dans les luttes. Ce tra­vail exige dans la pra­tique une étroite coopéra­tion entre ouvri­ers et intel­lectuels, afin de pro­duire des textes et des doc­u­ments qui soient à la fois des out­ils de liai­son entre les luttes ­ouvrières, et des instru­ments de com­préhen­sion de l’expérience 

6 Sur l’interprétation de cette séquence his­torique, on pour­ra lire le texte de Mario Tron­ti, « Une vieille tac­tique au ser­vice d’une nou­velle stratégie », Ouvri­ers et Cap­i­tal, op. cit. : « Il est faux de dire que les événe­ments de juil­let 1960 ont ouvert la voie à l’insurrection ouvrière. L’insurrection, elle, avait déjà eu lieu, et la lutte dans la rue n’a été que le dernier mail­lon d’une longue chaîne d’affrontements dans les usines sur le ter­rain de la pro­duc­tion con­tre le patron direct. Juil­let 1960 a con­sti­tué une relance de la lutte ouverte à un niveau général en démon­trant que les ouvri­ers étaient disponibles à bien d’autres objec­tifs et pos­sé­daient une force tout à fait capa­ble de les attein­dre. ».

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Cer­tains groupes se sont déjà engagés dans cette voie. Il sera néces­saire de co­ordonner et d’approfondir ces expéri­ences afin qu’elles aboutis­sent, dans un temps plus ou moins long, à la con­sti­tu­tion d’une avant-garde organ­isée, capa­ble de ­répon­dre aux prob­lèmes et aux besoins actuels des mass­es tra­vailleuses ital­i­ennes.

dans ce chapitre« Les années dures à la FIATMais d’où venaient ces garçons aux mail­lots rayés? »
  • 1
    Le Movi­men­to sociale ital­iano (MSI) est le par­ti néo­fas­ciste ital­ien né en 1946 après la chute de la République sociale ital­i­enne de Mus­soli­ni et l’interdiction du Par­ti nation­al fas­ciste par le gou­verne­ment pro­vi­soire et les Alliés. .
  • 2
    Dirigeant de la Démoc­ra­tie chré­ti­enne, plusieurs fois min­istre entre 1953 et 1960, Fer­nan­do Tam­broni est nom­mé Prési­dent du Con­seil en mars 1960 en for­mant une majorité avec le sou­tien du MSI. Lorsque son gou­verne­ment autorise la tenue du con­grès du MSI à Gênes, une insur­rec­tion éclate, relayée par d’importantes man­i­fes­ta­tions dans plusieurs villes d’Italie. La répres­sion est très dure : on compte 13 morts et plusieurs blessés. Tam­broni laisse la place au gou­verne­ment d’Amintore Fan­fani, lui aus­si démoc­rate-chré­tien, fer­me­ment épaulé par Mario Scel­ba – ancien min­istre de l’intérieur de 1947 à 1953, péri­ode au cours de laque­lle la police avait causé la mort de 150 grévistes et man­i­fes­tants. .
  • 3
    À par­tir d’avril 1959 et jusqu’à l’automne, une série de con­flits ponc­tués d’affrontements avec la police et de mou­ve­ments insur­rec­tion­nels se suc­cè­dent dans toute l’Italie : dans les grandes usines au Nord, par­mi les petits paysans, les dock­ers au Sud et dans des petites et moyennes entre­pris­es de toute la pénin­sule. Pour une chronolo­gie détail­lée, voir Steve Wright, À l’assaut du ciel, Senon­evero, 2003.
  • 4
    Il s’agit vraisem­blable­ment du « Con­seil fédéral de la Résis­tance », l’instance lig­ure de l’Associazione nazionale par­ti­giani d’Italia (ANPI) qui, le 10 juin 1960, avait envoyé aux représen­tants poli­tiques de l’époque un com­mu­niqué con­tre la tenue du con­grès du MSI à Gênes : « Gênes brûle encore ! Et elle ne veut pas qu’une honte imméritée vienne assom­brir son éten­dard de ville médaille d’or de la Résis­tance. C’est ain­si que l’ordonnent les morts pour la lib­erté, et per­son­ne ne saurait rester sourd à leurs voix. ».
  • 5
    En juin 1960 ont lieu au Japon des man­i­fes­ta­tions con­tre le traité de sécu­rité nip­po-améri­cain, qui fer­ont finale­ment tomber le gou­verne­ment Kishi le 15 juil­let..
  • 6
    Sur l’interprétation de cette séquence his­torique, on pour­ra lire le texte de Mario Tron­ti, « Une vieille tac­tique au ser­vice d’une nou­velle stratégie », Ouvri­ers et Cap­i­tal, op. cit. : « Il est faux de dire que les événe­ments de juil­let 1960 ont ouvert la voie à l’insurrection ouvrière. L’insurrection, elle, avait déjà eu lieu, et la lutte dans la rue n’a été que le dernier mail­lon d’une longue chaîne d’affrontements dans les usines sur le ter­rain de la pro­duc­tion con­tre le patron direct. Juil­let 1960 a con­sti­tué une relance de la lutte ouverte à un niveau général en démon­trant que les ouvri­ers étaient disponibles à bien d’autres objec­tifs et pos­sé­daient une force tout à fait capa­ble de les attein­dre. ».