À l’origine de l’opéraïsme: les Quaderni rossi

Pour cette impor­tante dias­po­ra d’intellectuels qui se sont éloignés des par­tis de gauche après les « événe­ments de 1956 », la nais­sance des Quaderni rossi con­stitue une expéri­ence cen­trale. Il serait pour­tant faux de la réduire, avec ce qu’elle ­com­porte d’élaborations théoriques, à un épisode – même impor­tant – de dis­si­dence intel­lectuelle. Car très rapi­de­ment, elle agrège de nom­breuses réal­ités du monde ouvri­er ou de la jeunesse, qui témoignent de l’urgence de procéder à un réex­a­m­en à la fois plus pro­fond et plus con­cret de la con­di­tion ouvrière et pro­lé­taire. En effet, l’organisation du cap­i­tal et la com­po­si­tion de la classe ouvrière

1 L’analyse en ter­mes de « com­po­si­tion de classe », notion cen­trale de l’opéraïsme, porte sur le rap­port dynamique entre d’une part la « com­po­si­tion tech­nique » de la classe ouvrière, c’est-à-dire les modal­ités de l’exploitation du tra­vail vivant dans le proces­sus pro­duc­tif, et de l’autre la « com­po­si­tion poli­tique » de la classe, c’est-à-dire la sub­jec­tiv­ité et les com­porte­ments ouvri­ers – aux­quels elle accorde une atten­tion pri­mor­diale, dans une per­spec­tive révo­lu­tion­naire. Sur cette notion, qui trou­ve sa source chez Marx au Livre I du Cap­i­tal, voir la suite de ce texte, ain­si qu’au chapitre 6 – Les Comités Uni­taires de Base (CUB) : la classe ouvrière comme sujet (p. 271 sq.), et Ser­gio Bologna : 68 en usine (p. 285 sqq.), et l’ensemble du chapitre 8 (p. 365 sqq.). Voir aus­si Yann Mouli­er-Boutang, « L’opéraïsme ital­ien : organisation/ représentation/idéologie ou la com­po­si­tion de classe revis­itée », Le Philosophe et le gen­darme, vlb édi­teur, 1986

s’étaient pro­fondé­ment mod­i­fiées, et ni les syn­di­cats ni les par­tis de gauche ne sem­blaient – et c’était le cas – en avoir réelle­ment saisi la portée. Au début des ­années 1960, il devient poli­tique­ment irréfutable qu’une phase impor­tante du proces­sus de développe­ment cap­i­tal­iste est par­v­enue à son terme. Cette restruc­tura­tion pro­duc­tive et tech­nologique touche en pre­mier lieu les indus­tries et les secteurs de pointe (c’est ce qu’on appellera la « ques­tion septen­tri­onale »), mais elle affecte égale­ment la dynamique de la société ital­i­enne dans son ensem­ble. Elle repose prin­ci­pale­ment sur la diminu­tion pro­gres­sive des activ­ités agri­coles et l’extension des secteurs indus­triel et ter­ti­aire. Le vis­age du pays, sa tex­ture sociale, se sont fon­da­men­tale­ment trans­for­més.

« Ce développe­ment s’était appuyé sur une rel­a­tive stag­na­tion des salaires. Entre 1953 et 1960, alors que l’indice de ren­de­ment du tra­vail pas­sait de 100 à 140,6, l’indice de rétri­bu­tion du tra­vail salarié pas­sait de 100 à 108,9. Ces chiffres un peu abstraits dis­simu­lent toute la portée dra­ma­tique de la défaite du mou­ve­ment ­ouvri­er et syn­di­cal des années 1950, qui avait con­nu son apogée juste­ment à la FIAT

2 Gian­piero Mugh­i­ni, « Cronaca polit­i­ca », Cul­tura e ide­olo­gia del­la nuo­va sin­is­tra, Comu­nità, 12.

. » La reprise des luttes ouvrières à la fin des années 1950 oblige même une cen­trale aus­si étroite­ment liée au Par­ti que la CGIL à rou­vrir un débat sur ce que seraient les fonc­tions d’un syn­di­cat mod­erne. On en revient à par­ler, aus­si timide­ment que ce soit, d’« unité syn­di­cale », et de la néces­sité pour le syn­di­cat d’être autre chose que la « cour­roie de trans­mis­sion » de la volon­té hégé­monique du « Par­ti ».

C’est au cœur de cette crise de l’analyse des trans­for­ma­tions pro­duc­tives et des formes de la représen­ta­tion que s’engage, non sans quelques tur­bu­lences, un mou­ve­ment de « révi­sion » des instru­ments de la théorie et de la pra­tique poli­tiques jusqu’alors en usage. Mais des con­flits et des trans­for­ma­tions pro­fondes sont égale­ment en train de se jouer à l’intérieur de l’État. La frange « avancée » du sys­tème des par­tis com­mence à inté­gr­er les exi­gences de « pro­gram­ma­tion » du néo­cap­i­tal­isme, et invite avec insis­tance les syn­di­cats à s’asseoir à la table « déjà dressée » de la « plan­i­fi­ca­tion du développe­ment ». C’est cette même frange tech­nocra­tique qui pousse à une mod­i­fi­ca­tion du cadre poli­tique et fait le pari du cen­tre-gauche. C’est elle qui choisit comme inter­locu­teurs les syn­di­cats les moins antag­o­nistes, ceux qui sont les plus éloignés du développe­ment et sont donc dis­posés à tro­quer l’insubordination ouvrière con­tre quelques con­ces­sions de la par­tie adverse, patronale et gou­verne­men­tale (la « poli­tique des revenus 3 Sur cette ques­tion, voir chapitre 2, note 1, p.57. », c’est-à-dire la monéti­sa­tion des luttes). Comme si le syn­di­cat, écrira Vit­to­rio Foa (l’un des fon­da­teurs des Quaderni rossi), était respon­s­able des « tra­vailleurs devant l’État », et non pas, comme c’est sa fonc­tion, « devant les tra­vailleurs ».

« Il s’agissait donc d’un ulti­ma­tum, adressé expressé­ment au syn­di­cat – et au-delà, à l’ensemble du mou­ve­ment ouvri­er – som­més de choisir entre un max­i­mal­isme stérile et la par­tic­i­pa­tion au “développe­ment” cap­i­tal­iste 

4 Vit­to­rio Foa, « La monar­chia di luglio del cap­i­tal­is­mo ital­iano », Mon­do nuo­vo n° 29, 1962].

. » De fait, le PSI relèvera le gant, bercé par l’illusion que l’État était une sorte de no man’s land dont il était pos­si­ble de s’emparer pour en déter­min­er l’orientation stratégique en ­matière de « développe­ment ». Et c’est sur cette diver­gence de choix stratégique – en même temps que sur le grand trau­ma de 1956 – que s’enracine au sein de la gauche social­iste le pro­fond désac­cord qui mèn­era d’un côté à la nais­sance du cen­tre-gauche, et de l’autre à l’émergence de la gauche extra­parlemen­taire.

Mais le débat qui éloigne les intel­lectuels de la gauche social­iste (ain­si que beau­coup de cadres de la FIOM et de jeunes du PCI) de leurs hiérar­chies respec­tives n’est pas stricte­ment d’ordre « poli­tique » et n’est pas seule­ment affaire de per­spec­tives ­générales: les analy­ses et les « out­ils théoriques » util­isés pour lire les mod­i­fi­ca­tions sur­v­enues dans la com­po­si­tion de la classe ouvrière diver­gent eux aus­si rad­i­cale­ment. Car le « développe­ment » a mod­i­fié non seule­ment l’aspect mais aus­si la sub­stance même des tra­vailleurs des grandes firmes. L’analyse de ces trans­for­ma­tions con­stitue un des élé­ments cen­traux du débat qui agite le syn­di­cat. Dans les « thès­es pré­para­toires » au con­grès du PSI sur la FIAT 

5 « Tesi di Giuseppe Muraro (Con­veg­no del PSI sul­la FIAT, gen­naio 1961) », pub­lié dans les Quaderni rossi, n° 1, sep­tem­bre 1961.

, en jan­vi­er 1961, on lit: « On peut, par exem­ple, iden­ti­fi­er les forces nou­velles qui s’expriment chez les ouvri­ers spé­cial­isés et qual­i­fiés […] notam­ment parce que le pro­grès tech­nologique con­duit à leur ­val­ori­sa­tion pro­fes­sion­nelle; chez les jeunes ouvri­ers, surtout s’ils sont spé­cial­isés, et même dans les cas où ils sont issus de l’école FIAT ou d’organisations catholiques; chez les tech­ni­ciens, surtout chez les jeunes tech­ni­ciens qui, en rai­son des fonc­tions tou­jours plus com­plex­es qu’ils occu­pent, sont directe­ment con­cernés par les prob­lèmes que posent le pro­grès tech­nologique et la ges­tion de l’entreprise […]. » Mais c’est surtout sur l’introduction dans l’usine de dizaines de mil­liers d’immigrés mérid­ionaux que se porte l’attention. « Cire vierge », les immi­grés « sont immé­di­ate­ment jetés dans le proces­sus de pro­duc­tion 

6 « À par­tir de 1958–59, il y a trois ou qua­tre ans, de nou­velles strates d’ouvriers ont été mas­sive­ment injec­tées dans l’usine […]. La FIAT a besoin de “cire vierge”, d’une main‑d’œuvre de pre­mière embauche pour faire accepter ses sys­tèmes de pro­duc­tion », « Relazione di Romano Alquati sulle “Forze nuove” (Con­veg­no del PSI sul­la FIAT, gen­naio 1961) », Quaderni rossi, n° 1, op. cit. Dans ce texte, au terme d’entretiens et de dis­cus­sions avec des ouvri­ers PCI et PSI des Com­mis­sions internes de la FIAT et de « jeunes ouvri­ers non inscrits », Romano Alquati analyse les vagues suc­ces­sives d’embauche à la FIAT con­join­te­ment aux dif­férentes phas­es de ratio­nal­i­sa­tion engagée par l’entreprise depuis 1949, en ten­tant d’identifier « les forces “disponibles” pour une reprise des luttes ouvrières »..

. Et ils con­tribuent de manière déter­mi­nante à généralis­er une con­di­tion nou­velle, celle du nou­v­el ouvri­er de type par­cel­laire, du pré­posé à la machine de troisième caté­gorie »: l’« ouvri­er-masse » ain­si que le nom­meront divers­es pro­duc­tions théoriques ultérieures.

Les jeunes ouvri­ers spé­cial­isés orig­i­naires du Nord, comme les immi­grés ­mérid­ionaux, se sont for­més poli­tique­ment en dehors du mou­ve­ment ouvri­er ­tra­di­tion­nel. Ils sont étrangers à son his­toire et à ses sédi­men­ta­tions, et ils sont ­extrême­ment sen­si­bles au cli­mat social et cul­turel à l’extérieur de l’usine, dont ils provi­en­nent. L’hebdomadaire Mon­do nuo­vo, qui est alors l’organe de la gauche du PSI (il sera plus tard à l’origine du PSIUP, qui jouera un rôle poli­tique impor­tant dans le développe­ment de la nou­velle gauche 7 Le Par­ti­to social­ista ital­iano di unità pro­le­taria naît en 1964, de l’opposition d’un cer­tain nom­bre de mil­i­tants social­istes à la par­tic­i­pa­tion du PSI au gou­verne­ment Moro de cen­tre-gauche. PSIUP avait été le pre­mier nom du PSI entre 1943 et 1947 .), se donne régulière­ment pour tâche de définir les car­ac­téris­tiques, la phénoménolo­gie et les artic­u­la­tions du néo­capitalisme, aus­si bien dans l’agriculture que dans l’industrie. Deux des arti­cles du pre­mier numéro des Quaderni rossi sont d’abord parus dans Mon­do nuo­vo: l’éditorial de Vit­to­rio Foa et l’analyse de Gio­van­ni Mot­tura sur la lutte des 10 000 ­ouvri­ers des coton­ner­ies du Val di Susa (en grande par­tie des femmes, et dont 10 % seule­ment émar­gent au syn­di­cat).

Le groupe des Quaderni rossi est né à Turin, berceau du cap­i­tal­isme ital­ien et de son con­trechamp ouvri­er. Il évolue sous l’impulsion de Raniero Panzieri, et s’engage dans un proces­sus de recherche qui porte à la fois sur le « plan du cap­i­tal » et sur la phy­s­ionomie de la nou­velle classe ouvrière 

8 Sur la con­cep­tion du plan par Raniero Panzieri, voir le texte suiv­ant. On peut lire aus­si ce qu’en dit Mario Tron­ti dans « Le plan du cap­i­tal », Ouvri­ers et Cap­i­tal, op. cit..

. Au groupe rédac­tion­nel se joignent « des cama­rades qui mili­tent au PSI, au PCI, ou dans aucun par­ti, à la CGIL ou dans aucun syn­di­cat, qui provi­en­nent d’expériences poli­tiques divers­es, mais qui adoptent une posi­tion com­mune face à la sit­u­a­tion de la lutte ouvrière durant cette péri­ode 

9 Giampero Mugh­i­ni, « Cronaca polit­i­ca », Cul­tura e ide­olo­gia del­la nuo­va sin­is­tra, op. cit..

». Les luttes de la « nou­velle classe ouvrière » avaient fondé leur uni­ver­sité.

Déjà aupar­a­vant, un cer­tain nom­bre de petits groupes avaient mené des expéri­ences théoriques et poli­tiques minori­taires au sein du mou­ve­ment ouvri­er. Celle que l’on devait à Dani­lo Mon­tal­di était par­ti­c­ulière­ment orig­i­nale. À l’instar de beau­coup de rédac­teurs des Quaderni rossi, Mon­tal­di était repar­ti de la pen­sée et des pra­tiques de la « gauche com­mu­niste 

10 Sur la gauche com­mu­niste et Dani­lo Mon­tal­di, voir égale­ment His­toire cri­tique de l’ultra-gauche, Tra­jec­toire d’une balle dans le pied, Senon­evero, 2009] .

» qui a plus à voir avec le com­mu­nisme ­lib­er­taire qu’avec la « forme par­ti » du lénin­isme clas­sique. Ce courant plaçait donc au cen­tre de son ques­tion­nement et de son action poli­tique les com­porte­ments autonomes de la classe, et non les prob­lèmes qui agi­taient les groupes ­dirigeants.

Et c’est pré­cisé­ment l’investigation, la recherche, l’enquête ouvrière, qui ori­en­tent une par­tie impor­tante du tra­vail des Quaderni rossi. Au fonde­ment de ce renou­velle­ment de l’analyse, il y a ce que Romano Alquati (l’une des plus extra­or­di­naires intel­li­gences du moment) com­mence à nom­mer co-recherche (con­ricer­ca), et qui est une activ­ité pra­tique de con­nais­sance: « On com­mence donc par aller voir com­ment sont faites les usines et com­ment elles fonc­tion­nent réelle­ment, com­ment sont les ouvri­ers, com­ment est organ­isé le com­man­de­ment dans l’usine, on com­mence à faire cir­culer le mot d’ordre juste­ment de l’enquête ouvrière, faite avec les ouvri­ers, à par­tir de leur point de vue sub­jec­tif. Les objec­tifs de l’enquête et de la recherche con­sis­tent à pro­duire à la fois de la con­nais­sance et des pra­tiques, pour la lutte, pour que des ini­tia­tives se pren­nent à la base, en dehors (et sou­vent con­tre) la fonc­tion de médi­a­tion des par­tis et des syn­di­cats 

11 Quaderni rossi n° 2, juin 111 Les écrits de Romano Alquati (1935–2010) ne sont pas traduits en français. Une antholo­gie de ses textes, parus dans les revues Quaderni rossi et classe opera­ia, a été pub­liée aux édi­tions Fel­trinel­li en 1975 : Sul­la FIAT e altri scrit­ti. Sur son par­cours et sa con­tri­bu­tion à l’enquête comme méth­ode de tra­vail poli­tique, on peut lire « Inter­vista a Romano Alquati » in Francesca Pozzi, Gigi Rog­gero, Gui­do Borio, Gli operaisti, DeriveAp­pro­di, 2005

. » Le va-et-vient entre l’analyse et l’expérience est une source d’enrichissement per­ma­nent aus­si bien pour les intel­lectuels que pour les avant-gardes ouvrières. Il per­met surtout à la théorie de se renou­vel­er et de gag­n­er con­tin­uelle­ment en com­plex­ité, en incor­po­rant les com­porte­ments réels de la classe, plutôt que d’imposer au mou­ve­ment réel ses pro­pres caté­gories.

L’expérience des Quaderni rossi, bien que con­trar­iée et sou­vent dépré­ciée par les par­tis, devient un mod­èle qui se dif­fuse rapi­de­ment. Des groupes ana­logues se con­stituent dans d’autres grandes villes indus­trielles, à Milan, à Venise (Por­to Marghera), à Rome, où une bonne par­tie de la sec­tion uni­ver­si­taire du PCI se réfère à l’expérience du groupe turi­nois.

Panzieri est une source inépuis­able d’hypothèses de recherche. Dans un pre­mier temps, il est ques­tion de men­er une enquête aux côtés du syn­di­cat, en lien avec des mil­i­tants de base, des ouvri­ers, des syn­di­cal­istes 

12 Bien qu’il ne soit formelle­ment cité que plus bas, le pas­sage qui suit com­porte de larges extraits (par­fois légère­ment récrits) du texte d’Antonio Negri Dall’operaio mas­sa all’operaio sociale, Multh­ipla, 1979, réédité avec le sous-titre Inter­vista sull’operaismo, Ombre corte, 2007 Nous avons choisi de réin­tro­duire les for­mu­la­tions orig­inelles du texte de Negri là où elles nous sem­blaient éclair­er le pro­pos..

. Il est notoire qu’à ce moment la FIOM, par exem­ple, est en train d’ouvrir un débat sur sa fonc­tion poli­tique et organ­i­sa­tion­nelle, mais cha­cun a aus­si en tête que la plu­part des luttes se déter­mi­nent alors de manière « autonome », en dehors du PCI et du syn­di­cat, qui sont per­pétuelle­ment con­traints à essay­er de repren­dre la main.

Mais après les événe­ments de la piaz­za Statu­to 13 Toni Negri dans son texte situe plutôt ce moment de rup­ture aux émeutes de Gênes en juil­let 113., même ce type de col­lab­o­ra­tion informelle devien­dra impos­si­ble. « Il n’y a plus rien à faire, le Par­ti est com­plète­ment bureau­cratisé, le syn­di­cat est com­plète­ment bureau­cratisé, les hypothès­es de renou­velle­ment que cer­tains dirigeants con­tin­u­ent à met­tre en avant sont pleines d’ambiguïtés. Loin de s’orienter vers un nou­veau cycle de luttes, elles restent totale­ment dic­tées par des objec­tifs de récupéra­tion et de con­trôle. » Il est donc néces­saire de chercher d’autres voies, d’affiner les instru­ments théoriques, de con­solid­er les liens avec la nou­velle classe ouvrière.

« Lire Le Cap­i­tal devient le prob­lème fon­da­men­tal. C’est le cœur de la méth­ode nou­velle qui s’expérimente à ce moment. Lire Le Cap­i­tal, cela veut essen­tielle­ment dire lire le Livre I, c’est-à-dire les chapitres sur les machines et le chapitre sur la grande indus­trie. La thèse fon­da­men­tale qui en ressort, c’est que nous sommes désor­mais entrés dans la phase de la grande indus­trie telle que Marx l’a décrite, et qu’à par­tir de cette déf­i­ni­tion générale, il s’agit de recon­stru­ire les caté­gories de l’intervention, les caté­gories de la lutte, en des ter­mes qui soient juste­ment adéquats. »

L’usage créatif, non idéologique de Marx, devient l’arme méthodologique fon­da­men­tale de la « co-recherche ». « On va regarder pré­cisé­ment si ces caté­gories marx­i­ennes sont encore opérantes dans le cadre d’une pra­tique poli­tique, si elles cor­re­spon­dent encore à l’état actuel, déter­miné, du développe­ment cap­i­tal­iste, si elles per­me­t­tent de com­pren­dre l’exploitation en des ter­mes adéquats. Eh bien je crois qu’en effet, ce tra­vail a été d’une impor­tance fon­da­men­tale. Quelle est la ­décou­verte qui se trou­ve à son fonde­ment? À la base, il y a cette décou­verte que Le Cap­i­tal, et l’œuvre de Marx en général, sont des œuvres qui représen­tent le point de vue ouvri­er. C’est-à-dire que Le Cap­i­tal n’est pas ce panet­tone 

14 Le panet­tone est une brioche four­rée de raisins secs et de fruits con­fits, tra­di­tion­nelle­ment con­som­mée à Noël en Ital­ie. « J’étais dans un endroit où on fai­sait la pâte, puis on la tra­vail­lait avec des out­il­lages. Quand la pâte sor­tait, on met­tait dessous des char­i­ots de plas­tique, des espèces de gross­es bassines. La pâte tombait dedans, nous il fal­lait qu’on y mette d’abord de la farine, et la pâte restait là à lever. Un jour, je lisais Dia­bo­lik à la pen­sion, j’ai oublié d’aller au boulot. J’y ai pen­sé au dernier moment, je suis descen­du qua­tre à qua­tre, j’ai pris le métro, je suis arrivé en retard… », Nan­ni Balestri­ni, Nous voulons tout, op. cit..

qui con­tiendrait une théorie objec­tive du développe­ment cap­i­tal­iste: il est la sci­ence de l’antagonisme de classe tel qu’il existe à chaque stade du développe­ment cap­i­tal­iste. Chercher à saisir le noy­au, la cel­lule fon­da­men­tale d’une for­ma­tion his­torique don­née du cap­i­tal revient à chercher l’antagonisme fon­da­men­tal qui est à la base de la société bour­geoise, de la société du cap­i­tal.

Mais cela ne suf­fit pas: le prob­lème, c’est que les caté­gories mêmes du cap­i­tal sont immé­di­ate­ment pris­es dans le rap­port d’exploitation, en tant qu’il se représente sub­jec­tive­ment du point de vue de la classe, du point de vue des sujets; donc les caté­gories du cap­i­tal dans la mesure même où elles expliquent le développe­ment cap­i­tal­iste, expliquent la syn­thèse for­cée qui s’impose à une lutte tou­jours ouverte. Met­tre à jour, à l’intérieur du développe­ment cap­i­tal­iste, et à l’intérieur de l’usine mod­erne en par­ti­c­uli­er, le rap­port de com­man­de­ment en tant qu’il s’articule au rap­port de tra­vail, met­tre en lumière la lutte comme élé­ment per­ma­nent et fon­da­men­tal du développe­ment du proces­sus de pro­duc­tion – et du proces­sus de tra­vail en par­ti­c­uli­er: voilà ce qui sus­cite le grand ent­hou­si­asme des cama­rades. On décou­vre que ces usines dans lesquelles on croy­ait qu’il ne se pas­sait rien sont au con­traire le lieu d’une con­flict­ual­ité extrême­ment pro­fonde, que le cap­i­tal doit réprimer en per­ma­nence. On décou­vre que le prob­lème n’est absol­u­ment pas (comme l’affirmaient toutes les idéolo­gies en vogue à l’époque) celui de l’intégration de cette classe ouvrière, mais que cette classe ouvrière était sim­ple­ment assu­jet­tie, soumise à des formes on ne peut plus vio­lentes de répres­sion, lesquelles (et c’est le sec­ond point absol­u­ment fon­da­men­tal) n’étaient pas sans lien avec la ­modal­ité même du tra­vail: elles étaient com­plète­ment inhérentes au con­traire au proces­sus de pro­duc­tion. Il deve­nait impos­si­ble de dis­tinguer le com­man­de­ment du proces­sus de val­ori­sa­tion. Le com­man­de­ment et le proces­sus de val­ori­sa­tion étaient une seule et même chose. On décou­vrait que la vio­lence, c’était la vio­lence du rap­port de pro­duc­tion cap­i­tal­iste; que la résis­tance se jouait sur la chaîne de pro­duc­tion, là où chaque acte de pro­duc­tion était dic­té par la machine et par l’ensemble des élé­ments de com­man­de­ment qui déter­mi­naient la posi­tion de l’ouvrier à l’intérieur de l’usine. La méth­ode était donc la suiv­ante: il fal­lait décou­vrir la ­vérité de la syn­thèse cap­i­tal­iste à tra­vers l’émergence de la résis­tance ouvrière. C’était la lutte qui, à chaque instant, expli­quait la struc­ture objec­tive du cap­i­tal en tant qu’il était lutte, c’étaient tous les moments de refus, de rébel­lion, de sab­o­tage qui révélaient jour après jour com­ment était organ­isé le pou­voir du cap­i­tal dans l’usine. Lire en ces ter­mes Le Cap­i­tal – et l’œuvre de Marx en général – ­deve­nait une arme puis­sante pour l’interprétation des faits. »

Dans ce témoignage de Toni Negri, on peut déjà iden­ti­fi­er quelques-uns des moments poli­tiques et théoriques qui influ­enceront toutes les expéri­ences à venir. Mais à la lec­ture de ces réflex­ions, on mesure aus­si à quel point ce mod­èle de recherche et d’intervention était inc­on­cil­i­able avec les straté­gies du PCI et du ­syn­di­cat. L’un comme l’autre con­tin­u­aient en effet à con­sid­ér­er avec con­fi­ance le développe­ment des forces pro­duc­tives comme les prémices d’une future société social­iste. Le prob­lème de la con­di­tion ouvrière était donc relégué dans la sphère des reven­di­ca­tions économiques ou des « réformes de struc­ture » – c’est-à-dire d’une stratégie qui visait à con­cili­er le développe­ment cap­i­tal­iste avec les exi­gences ouvrières. Or, si l’on admet que seules la « lutte con­tin­ue 

15 Avant de devenir le nom d’un groupe extra­parlemen­taire, « lot­ta con­tin­ua » sera le mot d’ordre de l’assemblée ouvri­ers-étu­di­ants de la FIAT de Turin en 1969 pen­dant « l’Automne chaud »..

» et l’insubordination ouvrière sont à même de « révéler » le proces­sus réel d’exploitation et de dom­i­na­tion (non seule­ment dans l’usine mais plus générale­ment dans l’ensemble de la ­société que le néo­cap­i­tal­isme tend à « plan­i­fi­er » et à organ­is­er comme une entre­prise pro­duc­tive), alors toute hypothèse de col­lab­o­ra­tion dans la ges­tion du « développe­ment » devient imprat­i­ca­ble, et tout doit être ren­voyé à la con­flict­ual­ité ouvrière, au mou­ve­ment réel et à son autonomie. Ce dif­férend inter­pré­tatif prend plus de sens encore lorsque cette dynamique « spon­tanée » de luttes et de résis­tance est con­fron­tée au prob­lème de la tech­nolo­gie, ou du développe­ment tech­nologique. L’idée de pro­grès, et son dérivé l’« idéolo­gie du tra­vail », qui imprég­naient la classe poli­tique com­mu­niste et le syn­di­cat depuis la Recon­struc­tion, con­tin­u­aient en effet à assign­er à la tech­nolo­gie une mis­sion his­torique « objec­tive », à laque­lle il fal­lait se con­fron­ter mais qui pou­vait toute­fois ten­dan­cielle­ment libér­er l’ouvrier du tra­vail.

Panzieri con­teste vio­lem­ment cette posi­tion et, en par­tant de Marx, il se place directe­ment sur le ter­rain du con­flit poli­tique. Mais ce n’est pas le Marx prophé­tique ou le théoricien de la philoso­phie qui l’intéresse: dans l’un de ses textes les plus fameux, Sur l’usage cap­i­tal­iste des machines dans le néo­cap­i­tal­isme 

16 « Sull’uso cap­i­tal­is­ti­co delle mac­chine nel neo­cap­i­tal­is­mo », Quaderni rossi n° 1, sep­tem­bre 116 Ce texte a été repub­lié dans Lotte operaie nel­lo svilup­po cap­i­tal­is­ti­co, Ein­au­di, 1976, et traduit en français dans Quaderni rossi, Luttes ouvrières et cap­i­tal­isme d’aujourd’hui, Maspero, 1968.

, c’est l’analyste et le soci­o­logue du cap­i­tal­isme avancé de son temps qu’il sol­licite. Pour Marx, et plus encore dans l’interprétation nou­velle qu’en fait Panzieri, le développe­ment tech­nologique est tout entier con­tenu dans le développe­ment cap­i­tal­iste. La machine, la sci­ence, se détachent du pro­duc­teur et devi­en­nent une fonc­tion du cap­i­tal: « La machine ne libère pas l’ouvrier du tra­vail, elle vide le tra­vail de son con­tenu. » « Plus » de tech­nolo­gie sig­ni­fie « plus » de cap­i­tal­isme, la con­sol­i­da­tion du cap­i­tal­isme, une exten­sion quan­ti­ta­tive et qual­i­ta­tive de sa dom­i­na­tion. Il n’existe pas un seul moment où l’ouvrier tra­vaille « libre­ment », pas un instant où la sci­ence (quelle qu’elle soit) se développe indépen­dam­ment du cap­i­tal. Col­la­bor­er de quelque manière que ce soit au développe­ment du « plan » cap­i­tal­iste revient donc à s’en ren­dre com­plice y com­pris dans sa dimen­sion la plus « despo­tique ».

Il appa­raît claire­ment ici que le thème du « refus du tra­vail » était déjà présent dans la rad­i­cal­ité du dis­cours des Quaderni rossi, et que le cor­pus théorique aus­si bien que la pra­tique poli­tique per­me­t­taient déjà à l’époque d’envisager l’« autonomie ouvrière » non pas comme la réitéra­tion du vieux con­cept d’indépendance pro­lé­tari­enne, mais comme la qual­i­fi­ca­tion com­mu­niste de cette indépen­dance.

Et c’est pré­cisé­ment autour des ques­tions de l’auto-organisation de la classe ouvrière et du « refus du tra­vail » que se con­som­mera la scis­sion dont sor­ti­ra, comme nous le ver­rons, l’expérience de la revue classe opera­ia.

Après le XXe Con­grès du PCUS, Panzieri cherche à gauche une issue à la crise du stal­in­isme, en refu­sant de se laiss­er enfer­mer dans la fausse alter­na­tive entre dog­ma­tisme et réformisme. Il voit bien sûr dans la nou­velle ori­en­ta­tion de Khrouchtchev une étape irréversible dans la voie qui mène au dépasse­ment du stal­in­isme, con­di­tion indis­pens­able d’un authen­tique renou­velle­ment du mou­ve­ment ouvri­er. Mais deux élé­ments con­tra­dic­toires coex­is­tent toute­fois dans les thès­es du XXe Con­grès. Car si l’autocritique et la recon­nais­sance des erreurs du passé y sont incon­testable­ment présentes, la réaf­fir­ma­tion des « voies nationales vers le social­isme » et de la démoc­ra­tie social­iste ne per­me­t­tent pas de remet­tre en cause les fonde­ments mêmes de la dévi­a­tion autori­taire du marx­isme: la théorie de l’État-guide et celle du Par­ti comme déposi­taire de la « vérité » révo­lu­tion­naire, et unique inter­prète légitime des intérêts des mass­es. La cri­tique de Panzieri s’applique donc à désenchevêtr­er l’instance de réno­va­tion et le dog­ma­tisme autori­taire, pour ten­ter d’en finir avec l’héritage per­sis­tant de l’ère stal­in­i­enne qui entrave le développe­ment de la démoc­ra­tie dans les insti­tu­tions du mou­ve­ment ouvri­er. Pour engager une véri­ta­ble poli­tique de renou­velle­ment du mou­ve­ment ouvri­er nation­al, ce qui sup­pose que les posi­tions puis­sent s’y con­fron­ter libre­ment, il estime néces­saire de recon­sid­ér­er l’interprétation tra­di­tion­nelle du cap­i­tal­isme ital­ien (qui abso­lutise ses goulets d’étranglement et ses inca­pac­ités struc­turelles) pour la met­tre en adéqua­tion avec la réal­ité du cap­i­tal­isme con­tem­po­rain, car­ac­térisé par une forte aug­men­ta­tion de la pro­duc­tion. Mais au-delà, l’aspect le plus préoc­cu­pant de la crise du mou­ve­ment ouvri­er ital­ien tient à la dis­tance gran­dis­sante qui sépare les par­tis à la fois des tra­vailleurs et de la struc­ture de l’économie. Cette sépa­ra­tion pro­gres­sive s’explique par la dis­jonc­tion entre la tac­tique et la stratégie dans la poli­tique des par­tis his­toriques: en ren­voy­ant la ques­tion du pou­voir à un avenir vague et indéter­miné, ils cèdent à un empirisme qui se refuse à affron­ter les prob­lèmes fon­da­men­taux de la con­struc­tion du social­isme. Inca­pables de for­muler la moin­dre propo­si­tion réelle sur les prob­lèmes de la pro­duc­tion, les par­tis ont aban­don­né l’usine aux syn­di­cats. Et en faisant du Par­lement leur ter­rain d’action priv­ilégié, ils se sont éloignés des besoins et des con­tra­dic­tions de la classe ouvrière.

dans ce chapitre« Une généra­tion d’intellectuels com­pé­tents et auto-mar­gin­al­isésRaniero Panzieri: inté­gra­tion et équili­bre du sys­tème »
  • 1
    L’analyse en ter­mes de « com­po­si­tion de classe », notion cen­trale de l’opéraïsme, porte sur le rap­port dynamique entre d’une part la « com­po­si­tion tech­nique » de la classe ouvrière, c’est-à-dire les modal­ités de l’exploitation du tra­vail vivant dans le proces­sus pro­duc­tif, et de l’autre la « com­po­si­tion poli­tique » de la classe, c’est-à-dire la sub­jec­tiv­ité et les com­porte­ments ouvri­ers – aux­quels elle accorde une atten­tion pri­mor­diale, dans une per­spec­tive révo­lu­tion­naire. Sur cette notion, qui trou­ve sa source chez Marx au Livre I du Cap­i­tal, voir la suite de ce texte, ain­si qu’au chapitre 6 – Les Comités Uni­taires de Base (CUB) : la classe ouvrière comme sujet (p. 271 sq.), et Ser­gio Bologna : 68 en usine (p. 285 sqq.), et l’ensemble du chapitre 8 (p. 365 sqq.). Voir aus­si Yann Mouli­er-Boutang, « L’opéraïsme ital­ien : organisation/ représentation/idéologie ou la com­po­si­tion de classe revis­itée », Le Philosophe et le gen­darme, vlb édi­teur, 1986
  • 2
    Gian­piero Mugh­i­ni, « Cronaca polit­i­ca », Cul­tura e ide­olo­gia del­la nuo­va sin­is­tra, Comu­nità, 12.
  • 3
    Sur cette ques­tion, voir chapitre 2, note 1, p.57.
  • 4
    Vit­to­rio Foa, « La monar­chia di luglio del cap­i­tal­is­mo ital­iano », Mon­do nuo­vo n° 29, 1962].
  • 5
    « Tesi di Giuseppe Muraro (Con­veg­no del PSI sul­la FIAT, gen­naio 1961) », pub­lié dans les Quaderni rossi, n° 1, sep­tem­bre 1961.
  • 6
    « À par­tir de 1958–59, il y a trois ou qua­tre ans, de nou­velles strates d’ouvriers ont été mas­sive­ment injec­tées dans l’usine […]. La FIAT a besoin de “cire vierge”, d’une main‑d’œuvre de pre­mière embauche pour faire accepter ses sys­tèmes de pro­duc­tion », « Relazione di Romano Alquati sulle “Forze nuove” (Con­veg­no del PSI sul­la FIAT, gen­naio 1961) », Quaderni rossi, n° 1, op. cit. Dans ce texte, au terme d’entretiens et de dis­cus­sions avec des ouvri­ers PCI et PSI des Com­mis­sions internes de la FIAT et de « jeunes ouvri­ers non inscrits », Romano Alquati analyse les vagues suc­ces­sives d’embauche à la FIAT con­join­te­ment aux dif­férentes phas­es de ratio­nal­i­sa­tion engagée par l’entreprise depuis 1949, en ten­tant d’identifier « les forces “disponibles” pour une reprise des luttes ouvrières »..
  • 7
    Le Par­ti­to social­ista ital­iano di unità pro­le­taria naît en 1964, de l’opposition d’un cer­tain nom­bre de mil­i­tants social­istes à la par­tic­i­pa­tion du PSI au gou­verne­ment Moro de cen­tre-gauche. PSIUP avait été le pre­mier nom du PSI entre 1943 et 1947 .
  • 8
    Sur la con­cep­tion du plan par Raniero Panzieri, voir le texte suiv­ant. On peut lire aus­si ce qu’en dit Mario Tron­ti dans « Le plan du cap­i­tal », Ouvri­ers et Cap­i­tal, op. cit..
  • 9
    Giampero Mugh­i­ni, « Cronaca polit­i­ca », Cul­tura e ide­olo­gia del­la nuo­va sin­is­tra, op. cit..
  • 10
    Sur la gauche com­mu­niste et Dani­lo Mon­tal­di, voir égale­ment His­toire cri­tique de l’ultra-gauche, Tra­jec­toire d’une balle dans le pied, Senon­evero, 2009] .
  • 11
    Quaderni rossi n° 2, juin 111 Les écrits de Romano Alquati (1935–2010) ne sont pas traduits en français. Une antholo­gie de ses textes, parus dans les revues Quaderni rossi et classe opera­ia, a été pub­liée aux édi­tions Fel­trinel­li en 1975 : Sul­la FIAT e altri scrit­ti. Sur son par­cours et sa con­tri­bu­tion à l’enquête comme méth­ode de tra­vail poli­tique, on peut lire « Inter­vista a Romano Alquati » in Francesca Pozzi, Gigi Rog­gero, Gui­do Borio, Gli operaisti, DeriveAp­pro­di, 2005
  • 12
    Bien qu’il ne soit formelle­ment cité que plus bas, le pas­sage qui suit com­porte de larges extraits (par­fois légère­ment récrits) du texte d’Antonio Negri Dall’operaio mas­sa all’operaio sociale, Multh­ipla, 1979, réédité avec le sous-titre Inter­vista sull’operaismo, Ombre corte, 2007 Nous avons choisi de réin­tro­duire les for­mu­la­tions orig­inelles du texte de Negri là où elles nous sem­blaient éclair­er le pro­pos..
  • 13
    Toni Negri dans son texte situe plutôt ce moment de rup­ture aux émeutes de Gênes en juil­let 113.
  • 14
    Le panet­tone est une brioche four­rée de raisins secs et de fruits con­fits, tra­di­tion­nelle­ment con­som­mée à Noël en Ital­ie. « J’étais dans un endroit où on fai­sait la pâte, puis on la tra­vail­lait avec des out­il­lages. Quand la pâte sor­tait, on met­tait dessous des char­i­ots de plas­tique, des espèces de gross­es bassines. La pâte tombait dedans, nous il fal­lait qu’on y mette d’abord de la farine, et la pâte restait là à lever. Un jour, je lisais Dia­bo­lik à la pen­sion, j’ai oublié d’aller au boulot. J’y ai pen­sé au dernier moment, je suis descen­du qua­tre à qua­tre, j’ai pris le métro, je suis arrivé en retard… », Nan­ni Balestri­ni, Nous voulons tout, op. cit..
  • 15
    Avant de devenir le nom d’un groupe extra­parlemen­taire, « lot­ta con­tin­ua » sera le mot d’ordre de l’assemblée ouvri­ers-étu­di­ants de la FIAT de Turin en 1969 pen­dant « l’Automne chaud »..
  • 16
    « Sull’uso cap­i­tal­is­ti­co delle mac­chine nel neo­cap­i­tal­is­mo », Quaderni rossi n° 1, sep­tem­bre 116 Ce texte a été repub­lié dans Lotte operaie nel­lo svilup­po cap­i­tal­is­ti­co, Ein­au­di, 1976, et traduit en français dans Quaderni rossi, Luttes ouvrières et cap­i­tal­isme d’aujourd’hui, Maspero, 1968.