Cesare Bermani: Il Nuovo Canzoniere italiano, la chanson sociale et « le mouvement »

Dans les années qui suiv­ent juil­let 1960, on assiste à un regain de la tra­di­tion de la chan­son sociale. La dernière efflo­res­cence du genre remon­tait à la bataille con­tre la loi élec­torale de 1953 (plus con­nue sous le nom de legge truf­fa), qui grat­i­fi­ait d’un « bonus » de voix la for­ma­tion poli­tique ayant obtenu la majorité absolue

1 La legge truf­fa (« loi arnaque ») fut pro­mul­guée en 1953 par De Gasperi au nom de la « gou­vern­abil­ité ». Elle prévoy­ait que le par­ti ou la coali­tion qui obtiendrait la majorité absolue se voie attribuer une « prime » lui per­me­t­tant d’atteindre 65 % des sièges. La loi se révéla toute­fois inopérante : il man­qua 200 000 voix au par­ti majori­taire pour béné­fici­er du bonus prévu

.

De petits groupes se con­stituent autour d’un pro­gramme à la fois poli­tique et musi­cal. Le tout pre­mier naît en 1958 à Turin et prend le nom de Can­tachronache. Il se donne pour objet l’écriture de chan­sons qui ren­voient à des sit­u­a­tions con­crètes, à l’opposé des « chan­son­nettes » stéréo­typées de San­re­mo. Par­mi les paroliers, on trou­ve Fran­co For­ti­ni, Ita­lo Calvi­no, Umber­to Eco, Fran­co Anton­i­cel­li et Mario Pogliot­ti; les musiques sont signées Ser­gio Liberovi­ci, Gia­co­mo Man­zoni, Valenti­no Bruc­chi, Piero San­ti, Fioren­zo Carpi. Le tra­vail de Can­tacronache – dont la fig­ure de proue est Ser­gio Liberovi­ci, et auquel par­ticipent aus­si Ser­gio Amod­ei, Michele L. Straniero, Emilio Jona, Gior­gio De Maria et Margheri­ta Galante Gar­rone – part donc d’une cri­tique de la musique légère de l’époque. Ce n’est qu’ensuite, et un peu par hasard, que le groupe décou­vre la chan­son sociale. Il mène en ce sens les toutes pre­mières recherch­es de ter­rain, et y con­sacre une série de dis­ques, I Can­ti di protes­ta del popo­lo ital­iano, qui côtoient au cat­a­logue des dis­ques de « chan­sons nou­velles ». Au nom­bre de celles-ci, on se sou­vient de Per i mor­ti di Reg­gio Emil­ia, qui fut beau­coup chan­tée dans les man­i­fes­ta­tions (et c’est encore le cas aujourd’hui). C’est Faus­to Amod­ei, alors jeune diplômé en archi­tec­ture qui en com­posa le texte et la musique, en juil­let 1960, pen­dant son ser­vice mil­i­taire, alors qu’il suiv­ait avec ses co-con­scrits une instruc­tion pour appren­dre à main­tenir l’ordre pub­lic lors des man­i­fes­ta­tions. On lui doit aus­si la Can­zone del­la Miche­lin, com­posée lors de la dure et longue grève de jan­vi­er 1962 à Turin.

En plus d’organiser des spec­ta­cles (quelques dizaines en tout), Can­tocronache pub­lie une revue (trois numéros ver­ront le jour) et des dis­ques (dont sept 45 tours de chan­sons orig­i­nales et trois 17/33 tours de chants de lutte 2 La pro­duc­tion discographique du groupe s’élève en tout à 33 dis­ques (neuf 30T/33 cm, dix 33T/17 cm, qua­torze 45 tours), qui com­pren­nent les résul­tats des recherch­es de ter­rain menées en Espagne sur les chan­sons de la Résis­tance espag­nole, sur les chan­sons de la résis­tance algéri­enne, sur juil­let 1960, etc. [Note de Cesare Bermani]). Ce tra­vail, qui coïn­cide avec la reprise de la con­flict­ual­ité en Ital­ie au début des années 1960, favorise l’apparition dans les luttes de chan­sons écrites sur des mélodies tra­di­tion­nelles. Si leur cir­cu­la­tion reste encore locale, elles mon­trent toute­fois qu’une petite expéri­ence exem­plaire dans le secteur de la chan­son pou­vait suf­fire à régénér­er une tra­di­tion de la chan­son sociale qui sem­blait défini­tive­ment morte et enter­rée.

L’Inno dei tep­pisti [l’hymne des van­dales], par exem­ple, que l’on chan­tait à Turin sur l’air de l’Hymne des tra­vailleurs après les événe­ments de la piaz­za ­Statu­to, témoigne assez bien du degré d’exaspération de la base du PSI, mais aus­si du PCI, à l’égard de la poli­tique de mod­éra­tion et de per­pétuel com­pro­mis menée par les par­tis, ain­si que de l’intolérance de leurs dirigeants envers les groupes dits « spon­tanés »:

Et ils nous appel­lent van­dales

et ils dis­ent que nous sommes des provo­ca­teurs

mais nous sommes des tra­vailleurs

qui n’aimons pas Togli­at­ti.

Nous ne voulons pas du cen­tre-gauche

nous préférons l’idée social­iste

aux intrigues avec les curés,

le gou­verne­ment et le cap­i­tal.

Allons, cama­rades, en rangs ser­rés

éri­geons les bar­ri­cades

et hissons le dra­peau

le dra­peau rouge du tra­vail 

3 C’est Raniero Panzieri qui me l’a chan­tée en 1963 et j’ai tou­jours pen­sé qu’en réal­ité elle était issue de cette frange des Quaderni rossi qui avait regardé avec intérêt les « événe­ments de piaz­za Statu­to » [NdCB]

.

Mais en 1962, le groupe Can­tachronache doit faire face à une crise. Car, dans l’espoir de béné­fici­er de son impor­tant réseau de dif­fu­sion et de pro­mo­tion, il a choisi le PCI comme inter­locu­teur priv­ilégié et lui a offert la ges­tion de sa mai­son d’édition discographique, Italia Can­ta. Ce choix ne pro­duira rien d’autre que quelques déplaisants épisodes de cen­sure de la part du Par­ti. Les fonc­tion­naires pré­posés à la mai­son de dis­ques min­imisent l’importance de Can­tacronache, qu’ils enten­dent bien utilis­er pour servir leurs ambi­tions per­son­nelles en matière cul­turelle. La créa­tion, au sein d’Italia Can­ta, d’une sec­tion con­sacrée à la pro­mo­tion de chanteurs comme Clau­dio Vil­la, Toni Dal­lara et Adri­ano Celen­tano, c’est-à-dire pré­cisé­ment la musique con­tre laque­lle Can­tacronache s’était con­stru­it non sans visée polémique, met un point final à l’expérience. Liberovi­ci se demande alors: « Que faire? Atten­dre de s’être fait avoir […] sur toute la ligne? Par des ­“cama­rades” qui ont pris le mono­pole sur nos idées pour mieux les étouf­fer, par des indus­triels qui les exploiteront au point de les trav­e­s­tir 4 Let­tre de Ser­gio Liberovi­ci à Daniele Ponchi­roli, datée du 24 mai 1962 à Cervinia, et con­servée à l’Institut Ernesto De Mar­ti­no de Ses­to Fiorenti­no. L’intérêt porté par l’industrie discographique clas­sique à la chan­son sociale, et au boule­verse­ment rad­i­cal dont elle était por­teuse, ne fut cepen­dant sen­si­ble qu’à la fin des années 1960 [NdCB]? »

L’expérience de Can­tacronache avait incité Gian­ni Bosio et Rober­to Ley­di à engager dès 1961 leur pro­pre tra­vail de recherche sur la chan­son sociale au sein des édi­tions Avan­ti! La crise de Can­tacronache les con­va­inc l’année suiv­ante de pub­li­er une revue à même de don­ner une vis­i­bil­ité à leur tra­vail. Ils l’intituleront Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano 

5 Le Nou­veau chan­son­nier ital­ien (NCI). « Chan­son­nier » est pris ici dans le sens de « réper­toire », recueil de chan­sons, mais le terme désign­era aus­si les groupes qui recueil­lent et repren­nent les chan­sons de tra­di­tion pop­u­laire, et sou­vent en pro­posent de nou­velles

, par référence aux « chan­son­niers » soci­aux de la tra­di­tion anar­cho-social­iste antérieure au fas­cisme. Cer­tains numéros de la pre­mière série attein­dront en très peu de temps les 1500 exem­plaires ven­dus, et jusqu’à 3000, voire 3500 au bout de quelques années. En l’espace de peu de mois, un groupe de chanteurs et un groupe de chercheurs s’agrègent à la revue 6 La revue a pub­lié une pre­mière série de huit numéros (dont deux dou­bles) parus entre juil­let 1962 et novem­bre 1968 ; une sec­onde série de deux numéros (novem­bre-décem­bre 1970 et décem­bre 1972) ; et une troisième série de qua­tre numéros (dont un dou­ble) entre avril 1975 et mars 1977 [NdCB]: c’est un véri­ta­ble mou­ve­ment cul­turel qui, sous le nom de Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, prend alors son essor. Il se dote d’une mai­son d’édition discographique, I Dis­chi del Sole, organ­ise des spec­ta­cles de chan­sons sociales anci­ennes et nou­velles et pour­suit une activ­ité de recherche qui sera au cœur du pro­jet d’ensemble. Ce dernier aspect se dévelop­pera au point d’aboutir, en juil­let 1966, à la créa­tion de l’Institut Ernesto De Mar­ti­no 

7 Ernesto De Mar­ti­no (1908–1965) est his­to­rien des reli­gions et anthro­po­logue, mem­bre du PCI à par­tir de 1950. Il a dévelop­pé un type d’enquête mul­ti­dis­ci­plinaire (et d’équipe) dans la recherche ethno­graphique de ter­rain qui n’est pas sans évo­quer le con­cept de con­ricer­ca forgé par la suite, dans le con­texte ouvri­er, par l’opéraïsme ital­ien. De Mar­ti­no s’est par­ti­c­ulière­ment intéressé aux rit­uels mag­iques et de pos­ses­sion du sud ital­ien. Il est l’auteur d’une œuvre riche et abon­dante, mal­heureuse­ment peu con­nue en France, mal­gré plusieurs tra­duc­tions, dont son ouvrage sur le tar­en­tisme du Salen­to : La Terre du remords [1961], Syn­the­labo, 1999.

, « pour la con­nais­sance cri­tique et la présence alter­na­tive du monde pop­u­laire et pro­lé­taire ». Le nom­bre des spec­ta­cles, en con­stante aug­men­ta­tion, avait quant à lui ren­du néces­saire, dès l’année précé­dente, la créa­tion d’une struc­ture ad hoc de pro­mo­tion et de coor­di­na­tion: Il Nuo­vo ­Can­zoniere ital­iano Spet­ta­coli.

Une telle expan­sion n’est pos­si­ble que parce que l’ensemble de ces activ­ités est adossé aux édi­tions Avan­ti!, une struc­ture édi­to­ri­ale de petite taille mais remar­quable par bien des aspects 8 Les Édi­tions Avan­ti !, qui allaient par la suite pren­dre le nom d’Edizioni del Gal­lo pro­duisirent, entre 1953 et 1970, 238 ouvrages, 39 numéros de revues, 8 brochures, 14 pub­li­ca­tions hors-série. Le tirage total de l’ensemble des livres entre 1953 et 1965 avait été de 899 541 exem­plaires, celui du reste de la pro­duc­tion citée de 671 303 exem­plaires. À cette époque, il s’était ven­du glob­ale­ment 240 273 exem­plaires des 48 dis­ques pro­duits, ce qui revient à une moyenne de 5 000 exem­plaires cha­cun [NdCB] et qui, bien que sub­mergée en per­ma­nence par une marée de fac­tures impayées, avait su con­quérir un espace autonome au sein de la gauche ital­i­enne. Les édi­tions Avan­ti! sont dirigées par Gian­ni Bosio (Acquane­gra sul Chiese 1923 — Man­toue 1971), un mil­i­tant social­iste lié à Lelio Bas­so 

9 Lelio Bas­so (1903–1978) est un des fon­da­teurs du PSIUP en 1964. Ancien résis­tant antifas­ciste, élu député en 1946, il est secré­taire général du PSI entre 1947 et 1949, et sera exclu de la direc­tion du par­ti en 1951. Mil­i­tant social­iste inter­na­tion­al­iste, il est le fon­da­teur de la revue Quar­to sta­to, et le tra­duc­teur en ital­ien des œuvres de Rosa Lux­em­burg

, qui avait fondé, en octo­bre 1949, Movi­men­to operaio, une revue résol­u­ment inno­vante dans le champ de l’histoire du mou­ve­ment ouvri­er ital­ien. Elle par­tait du pré­sup­posé que le mou­ve­ment ouvri­er pos­sé­dait une cul­ture, des insti­tu­tions et des usages pro­pres, qu’il était pourvu d’une capac­ité d’initiative poli­tique de masse dont la longue his­toire avait com­mencé avant le fas­cisme et avant même la fon­da­tion du Par­ti com­mu­niste d’Italie à Livourne en 1921. L’approche théorique de la revue se dis­tin­guait donc net­te­ment des choix poli­tiques d’unité nationale qui étaient alors ceux de la gauche, et la for­ma­tion autour de Movi­men­to operaio de nom­breux cen­tres locaux de recherche his­torique n’était pas sans inquiéter les bureau­crates du Par­ti. Palmiro Togli­at­ti lui-même expri­ma notam­ment de vives cri­tiques à l’égard de l’orientation don­née par Bosio à la revue. En 1953, ce dernier fut non seule­ment exclu de la direc­tion de Movi­men­to operaio, mais aus­si pure­ment et sim­ple­ment licen­cié par l’éditeur Gian­gia­co­mo Fel­trinel­li. Il s’ensuivit un procès, que Bosio gagna. Avec les deux mil­lions de lires d’indemnités, il fon­da les édi­tions Avan­ti!, qu’il offrit par la suite au PSI sans deman­der la moin­dre con­trepar­tie. Cette déci­sion fut payée d’un intérêt si faible que – par une sorte d’effet boomerang – les édi­tions se retrou­vèrent rapi­de­ment mori­bon­des. En ces temps de gou­verne­ment de cen­tre-gauche, il leur fal­lut donc recon­quérir, même formelle­ment, leur autonomie et le 24 décem­bre 1964 elles furent rebap­tisées Edi­zioni del Gal­lo.

Les édi­tions Avanti!/del Gal­lo avaient été les pre­mières à pub­li­er en Ital­ie La Guerre de guéril­la 

10 Ernesto Che Gue­vara, La Guerre de guéril­la [1960], Maspero, 1962 ; rééd. Flam­mar­i­on, 2010

d’Ernesto « Che » Gue­vara, ou encore les textes de Rosa Lux­em­burg, mais elles avaient égale­ment per­mis le démar­rage des Quaderni rossi, en imp­ri­mant et en dis­tribuant les trois pre­miers numéros. Elles sont à ce ­moment-là la seule struc­ture sus­cep­ti­ble d’héberger l’activité de recherche, ­d’archivage et d’édition de la chan­son sociale que mène le Nuo­vo Can­zoniere ital­iano. Car celui-ci fait par­tie de ces expéri­ences exem­plaires d’organisation poli­tique et cul­turelle qui voient le jour à l’époque par réac­tion à la stag­na­tion poli­tique, ­cul­turelle et théorique des débuts de ce qu’on a appelé le « mir­a­cle ­économique ». Les dirigeants de la gauche offi­cielle, alors engagés dans la voie d’une inté­gra­tion pro­gres­sive mais irréversible, con­tes­teront d’ailleurs de manière générale la per­ti­nence de ces expéri­ences.

Comme s’en sou­vien­dra plus tard Gian­ni Bosio, les débuts du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano furent donc un événe­ment « isolé et unique, reposant sur quelques per­son­nes de très bonne volon­té, le résul­tat d’un choix obstiné d’aller à con­tre-courant. […] La propo­si­tion sem­blait bien sûr provo­ca­trice: à l’égard des habi­tudes et du con­formisme qui tran­scendait les bar­rières de classe, à l’égard d’un proces­sus de mas­si­fi­ca­tion déjà avancé, à l’égard des options sociales-démoc­rates pris­es par le mou­ve­ment ouvri­er, à l’égard de ceux qui ne croy­aient plus à la capac­ité de réac­tion de notre pro­lé­tari­at, à l’égard de toute la bureau­cratie, de la gri­saille de la poli­tique cul­turelle, etc. 

11 Gian­ni Bosio : « Dal­la can­zone popo­lare alla dram­matur­gia popo­lare e opera­ia », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, IIe série, novem­bre-décem­bre 1970, p. 2–4. Cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to. Inter­ven­ti e ricerche sul­la emer­gen­za d’interesse ver­so le forme di espres­sione e di orga­niz­zazione « spon­ta­nee » nel mon­do popo­lare e pro­le­tario (gen­naio 1963-agos­to 1971), ed. Bel­la Ciao, 1975, p. 282–283 [NdCB]

».

Tant et si bien que, au moins pen­dant la péri­ode qui précé­da 1968, les spec­ta­cles du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano se heurtèrent sou­vent à la méfi­ance des fonc­tion­naires du PCI, du PSI et des autres organ­i­sa­tions de masse. Le pub­lic de base en revanche était con­fron­té à « une série de choix immé­di­ats (applaudir ou ne pas applaudir telle ou telle chan­son, ou plutôt: le con­tenu de ces chan­sons) qui l’amenèrent à exam­in­er de manière plus ou moins appro­fondie les deux esprits qui l’habitaient (et qui habitent encore aujourd’hui le mou­ve­ment ouvri­er dans son ensem­ble) : l’esprit révo­lu­tion­naire et l’esprit bureau­cra­tique 

12 Gian­ni Bosio, Rober­to Ley­di, « Dis­cus­sone aper­ta », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano n°5, Ière série, févri­er 1965, p. 6 [NdCB]

». En d’autres ter­mes – et c’est cela qui était intolérable aux bureau­crates de par­ti – la chan­son sociale avait puis­sam­ment con­tribué « à empêch­er les mil­i­tants et les nou­velles généra­tions de sub­stituer la stratégie du front uni, ou le cen­tre-gauche, au social­isme 

13 Let­tre de Gian­ni Bosio à Dino Gen­tili, Milan, 4 juin 1963. Citée dans Cesare Bermani (dir.), Bosio oggi : rilet­tura di una espe­rien­za, Province de Man­toue – Bib­liote­ca Archiv­io – Casa del Man­teg­na – Insti­tut Ernesto De Mar­ti­no, 1986, p. 237 [NdCB]

».

La par­tic­i­pa­tion du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano au Fes­ti­val des deux mon­des à Spo­le­to en juin 1964, avec le spec­ta­cle Bel­la ciao, un pro­gramme de chan­sons pop­u­laires ital­i­ennes pro­posé par Rober­to Ley­di et Fil­ip­po Criv­el­li, fit scan­dale. C’est un cou­plet d’une chan­son de la Pre­mière Guerre mon­di­ale, O Gorizia, tu sei maledet­ta, qui mit le feu aux poudres. Une plainte en jus­tice fut même déposée.

Messieurs les traîtres officiers

vous qui avez voulu cette guerre

écorcheurs de chair à ven­dre

vous êtes la ruine de la jeunesse

Lorsqu’il l’entendit, une par­tie du pub­lic bour­geois qui assis­tait au con­cert déchaî­na ses fureurs aux cris de « Vive les officiers ». La bagarre* qui s’ensuivit dans la presse dura plusieurs jours, et con­tribua à faire con­naître le Nuo­vo ­Can­zoniere ital­iano mieux que n’importe quelle cam­pagne pub­lic­i­taire (en 15 ans, le disque du spec­ta­cle allait se ven­dre à plus de 100000 exem­plaires, un suc­cès non nég­lige­able pour une activ­ité qui con­ser­va tou­jours un car­ac­tère ­under­ground).

Pour­tant, même propul­sées au cœur d’une polémique cul­turelle d’ampleur nationale, les édi­tions Avan­ti! échouèrent dans leur pro­jet de fonder « une mai­son d’édition de classe, en dehors des par­tis, dont la majorité ne soit ni aux mains des par­tis ni dans celles des struc­tures économiques et syn­di­cales de la classe. Il fal­lait pour cela répar­tir les parts de la mai­son d’édition 

14 Let­tre de Gian­ni Bosio à Gia­co­mo Brodoli­ni, Milan, 16 sep­tem­bre 1964, loc. cit, p. 230 [NdCB]

» afin d’en faire une « zone franche d’élaboration idéologique à l’intérieur du mou­ve­ment ouvri­er social­iste ital­ien, qui en accueille tout l’éventail poli­tique et reste ouverte aux dif­férents points de vue de manière à per­me­t­tre un large débat 

15 Let­tre de Gian­ni Bosio à Dino Gen­tili, loc. cit., p. 237 et suiv­antes [NdCB]

».

La propo­si­tion fut dis­cutée avec le PCI, le PSI, le PSIUP et la CGIL entre 1965 et le print­emps 1967. Mais au moment de con­cré­tis­er son entrée au con­seil d’administration – et donc sa par­tic­i­pa­tion finan­cière – le PCI exigea en sub­stance un pou­voir de con­trôle sur la pro­duc­tion cul­turelle de la mai­son d’édition. Devant le refus de Bosio, le PCI se reti­ra du pro­jet, vidant du même coup l’opération de son sens poli­tique et déclen­chant des défec­tions en chaîne, si bien qu’à la fin seul le PSIUP souscriv­it la par­tic­i­pa­tion action­naire prévue. Et comme un mal­heur n’arrive jamais seul (et ce n’est presque jamais par hasard), juste après cet épisode, au mois de mai, la Guardia di Finan­za 16 La Guardia di Finan­za est le corps mil­i­taire chargé de la police finan­cière en Ital­ie s’installa pour un mois dans les locaux de la mai­son d’édition. Bosio, qui en était l’administrateur délégué, éco­pa de plus de cent mil­lions de lires d’amende. Il ne lui restait plus rien de cette expéri­ence, sinon qu’à tir­er les con­clu­sions suiv­antes: « Quand le tra­vail cul­turel est conçu sur un plan stratégique, il s’affronte en pre­mier lieu aux par­tis offi­ciels de la classe, et cela peut par­fois s’avérer utile sur les deux plans. Mais ce tra­vail se sous­trait objec­tive­ment à toute pos­si­bil­ité de cap­ture de la part de l’adversaire, et il signe ain­si sa pro­pre fin: l’adversaire le per­sé­cutera en le main­tenant à l’écart des out­ils de com­mu­ni­ca­tion con­trôlés par l’État; l’adversaire cherchera à le bris­er avec des plaintes en jus­tice; l’adversaire ten­tera de l’étouffer économique­ment et fis­cale­ment […] Le tra­vail cul­turel est ain­si poussé par la logique de non-inté­gra­tion à se forg­er des armes pour se garan­tir la pos­si­bil­ité de sur­vivre; le tra­vail cul­turel ne peut que se trans­former en lutte poli­tique pour sa pro­pre défense, puisque la lutte poli­tique devient le degré le plus élevé de tout tra­vail cul­turel 

17 Gian­ni Bosio, let­tre à Giuseppe Moran­di, Milan, 25–26 mai 1967. Cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to, op. cit., p. 185 et suiv­antes [NdCB]

. »

Entre autres con­séquences, le suc­cès de Bel­la ciao sus­ci­ta une véri­ta­ble « mode » de la chan­son pop­u­laire et sociale, si bien qu’à l’intérieur même du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, il y eut quelques ten­dances à la « mon­dani­sa­tion » du tra­vail et à cer­taines formes d’académisme. Des rup­tures s’ensuivirent, il y eut des défec­tions et Rober­to Ley­di lui-même s’éloigna pro­gres­sive­ment du groupe avant de le quit­ter défini­tive­ment à l’été 1967. Dans ces cir­con­stances, il faut recon­naître à Gian­ni Bosio le mérite d’avoir réus­si à mobilis­er ces mil­i­tants et ex-mil­i­tants du PCI et du PSI qui, au moment de la régres­sion sociale-démoc­rate et bureau­cra­tique de leurs par­tis et des syn­di­cats, s’étaient momen­tané­ment retranchés dans le tra­vail de recherche, et pour qui la resti­tu­tion des chan­sons, et plus large­ment de la cul­ture de base, était un mode de rela­tion à la réal­ité de classe: Dante Bel­lamìo, Cesare Bermani, Gualtiero Bertel­li, Fran­co Cog­gi­o­la, Gioi­et­ta Dal­lò, Ivan Del­la Mea, Gio­van­na Mari­ni, Giuseppe Moran­di, Tul­lio Savi, Michele L. Straniero, Gio­van­ni Pirelli. Bosio eut sur eux une influ­ence déci­sive et les pous­sa à con­serv­er l’intégrité du « matériel pop­u­laire et à le préserv­er d’une homolo­ga­tion rapi­de. Le prix à pay­er était le refus d’une poli­tique d’alliances qui, dans ce con­texte, aurait inévitable­ment affaib­li ce choix. Ce matériel fut donc resti­tué dans sa dimen­sion polémique et son immé­di­ateté, de la classe à la classe. Le mou­ve­ment allait ain­si pou­voir se dévelop­per et se struc­tur­er sur la base de la non-délé­ga­tion et du refus de toutes les médi­a­tions “éclairées”, en par­tant d’une recherche sur la cul­ture de classe, et de sa com­plète resti­tu­tion 

18 Le attiv­ità del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano come retroter­ra per nuove espe­rien­ze (Propo­si­tion de doc­u­ment pré­parée par Cesare Bermani et approu­vée par le col­lec­tif et le con­seil d’administration du 24 avril 1969), in Il Nuo­vo Can­zoniere Ital­iano del 1962 al 1968, Maz­zot­ta – Insti­tut Ernesto De Mar­ti­no, 1978, p. 38–39 [NdCB].

».

Car « une vraie cir­cu­la­tion cul­turelle n’est pos­si­ble que lorsque l’intellectuel, renonçant à son priv­ilège de trans­met­teur cul­turel, est dis­posé à pren­dre en compte et à recevoir les formes d’expression cul­turelle qui exis­tent dans le monde pop­u­laire et pro­lé­taire; sa tâche con­siste à recenser, à ren­dre évi­dentes, man­i­festes, con­scientes, ces réal­ités cul­turelles sou­vent ignorées. La con­tri­bu­tion la plus impor­tante du NCI à la cul­ture ital­i­enne est d’avoir ren­du vis­i­ble cette cul­ture de base vio­lem­ment polémique, dure et vive si on la com­pare à d’autres formes cul­turelles en vase clos, pater­nal­istes ou “éclairées”. De là découlait l’analyse cri­tique des formes tra­di­tion­nelles de la com­mu­ni­ca­tion de masse et l’exigence d’instituer un rap­port dialec­tique entre la cul­ture mil­i­tante et les réal­ités cul­turelles de base. C’est ce que l’on nom­ma, de manière un peu réduc­trice, la com­mu­ni­ca­tion de classe 

19Gian­ni Bosio, Esten­sione dei risul­tati del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano. Note orga­niz­za­tive svolte al con­veg­no dei grup­pi di stu­dio pro­mosso dal Folk Fes­ti­val 1, Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, Ière série, n° 7–8, 1966, p. 3 à 8, cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to, op. cit., p. 140–141 [NdCB]

».

C’est pré­cisé­ment le refus de la fonc­tion tra­di­tion­nelle de médi­a­tion de l’intellectuel qui allait être à l’origine de la rup­ture avec Dario Fo et Nan­ni Ricor­di, en 1967, après deux années de col­lab­o­ra­tion sur le spec­ta­cle Ci ragiono e can­to 

20 Ci ragiono e can­to, est un spec­ta­cle de chan­sons pop­u­laires mis en scène par Dario Fo avec le col­lec­tif théâ­tral La Comune en 1966. Il naît au sein de l’Institut Ernesto De Mar­ti­no grâce aux recherch­es de Cesare Bermani et Fran­co Cog­gi­o­la et fut représen­té pour la pre­mière fois le 16 avril 1966 au Teatro Carigliano de Turin. Par­mi les inter­prètes, on retrou­ve Gio­van­na Mari­ni, Gio­van­na Daffi­ni, Cate­ri­na Bueno, Ivan Del­la Mea, il Grup­po Padano di Piade­na, il Coro del Gal­let­to di Gal­lu­ra… Le disque est disponible aux Édi­tions Le Chant du monde sous le titre « Les travaux et les jours »

. Nan­ni Ricor­di avait fait pres­sion sur Arman­do Cos­su­ta pour faire échouer les négo­ci­a­tions en cours au sujet de l’entrée du PCI au con­seil d’administration des édi­tions del Gal­lo. C’est ain­si qu’à la faveur d’une alliance tem­po­raire avec le PCI et l’ARCI, naquirent Nuo­va Sce­na et ce qu’on allait appel­er le « cir­cuit alter­natif » – lequel à l’origine avait été surtout conçu comme alter­natif au Nuo­vo Can­zoniere ital­iano

21 Depuis leur créa­tion en 1957, les cer­cles de l’ARCI (Asso­ci­azione ricre­ati­va cul­tur­ale ital­iana) avaient tis­sés, en lien avec le PCI et le PSI, un réseau de lieux cul­turels sur l’ensemble du ter­ri­toire.  Nuo­va Sce­na (et Dario Fo, pour « son oppor­tunisme ») fut ain­si sévère­ment jugée par Bosio : « Avec Nuo­va Sce­na, une fois encore la cul­ture se présente dans la tête d’un intel­lectuel qui la fil­tre à tra­vers des modes pop­u­laires. Le NCI visait au con­traire à sup­primer cette médi­a­tion », cité par C. Bermani, Una sto­ria can­ta­ta, 1962–1997. Trentac­inque anni di vita del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, Milan, Isti­tu­to De Mar­ti­no / Jaca Book, 1997. Fo rompt ensuite lui-même avec le PCI et les cer­cles ARCI, et en 1970, « il réus­sira au sein du Col­lec­tif théâ­tral La Comune à créer un cir­cuit alter­natif qui avait le mou­ve­ment pour inter­locu­teur direct », ibi­dem

. Et puis, fin 1967, une véri­ta­ble scis­sion survint au sein du groupe, à la fois parce que la sit­u­a­tion économique de la mai­son d’édition était dev­enue extrême­ment frag­ile et parce que cer­tains mil­i­tants souhaitaient par­ticiper au mou­ve­ment en leur nom pro­pre. Ivan Del­la Mea, Pao­lo Cia­rchi, Cati Mat­tea, Sil­via Malagug­i­ni, Nuc­cio Ambrosi­no et tous les autres par­tic­i­pants à l’expérience du Teatro d’Ottobre (qui avait fait par­tie du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano) quit­tèrent le groupe. Peu de temps après, Gio­van­na Mari­ni allait elle aus­si se met­tre « à son compte », alors même que les Edi­zioni del Gal­lo tra­ver­saient une crise économique majeure. Elle fut pen­dant quelques années son pro­pre agent au sein du cir­cuit ARCI et, parce que les Edi­zioni del Gal­lo n’étaient plus en mesure de le faire, elle dut pro­duire ailleurs deux de ses dis­ques 

22 Le pre­mier est le poème épique La vivazione (La par­ti­ta truc­ca­ta) pub­lié en 1969 par la Com­pag­nia editrice e discografi­ca inter­nazionale di Tori­no. Il s’agit d’une des cri­tiques les plus acérées des tra­vers de l’assembléisme et de la vie grou­pus­cu­laire. Le sec­ond, Con­tro­canale, fut pro­duit par Mari­ni elle-même en 1970, puis repris dans le cat­a­logue des Dis­chi del Sole en novem­bre 1971 lorsque les rap­ports avec les édi­tions del Gal­lo – qui n’avaient jamais cessé – regag­nèrent en inten­sité [NdCB]

. En 1968–69, l’activité du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano régres­sa donc beau­coup. Entre 1963 et 1967, il avait don­né en moyenne 100 spec­ta­cles par an. En 1968–69, cette moyenne chuta à 35, avant de remon­ter à 77 en 1970–71, grâce à La grande pau­ra, un spec­ta­cle sur l’occupation des usines, pro­duit en col­lab­o­ra­tion avec le Cen­tro uni­ver­si­tario teatrale de Parme 23 Les 702 spec­ta­cles pro­duits dans cette pre­mière péri­ode se répar­tis­sent comme suit : 1962, 1 ; 1963, 57 ; 1964, 81 ; 1965, 114 ; 1966, 110 ; 1967, 139 ; 1968, 39 ; 1969, 27 ; 1970, 70 ; 1971, 64 [NdCB]. En revanche, sur un total de 278 dis­ques pro­duits entre 1960 et 1980, seuls 98 datent de la péri­ode 1960–1967 24 La mai­son d’éditions pro­duisit entre 1960 et 1980 : 101 30T/33 cm, 75 33T/17 cm, 34 45T et 58 cas­settes soit un total de 276. Ajou­tons que la pro­duc­tion discographique se maintint à un bon niveau entre 1964 et 1975, avec des pics en 1968–69 et 1972 et une chute en 1971, l’année de la mort de Gian­ni Bosio [NdCB]. En fait, mal­gré les lour­des défec­tions subies par le groupe, la pro­duc­tion discographique ne régres­sa pas, et même elle aug­men­ta. Non seule­ment elle offrit au mou­ve­ment des antholo­gies de chants com­mu­nistes et anar­chistes, mais elle s’ouvrit à d’autres can­zonieri du mou­ve­ment, avec des dis­ques con­sacrés au Canzoniere de Pise, au Canzoniere de Rim­i­ni et au Canzoniere pop­u­laire de Vénétie.

Mais le véri­ta­ble tour­nant qui se joue au cours de ces années, c’est l’orientation pro­gres­sive de l’activité de recherche vers les métrop­o­les et des expéri­ences de mou­ve­ment. C’est ain­si que l’Institut Ernesto De Mar­ti­no devien­dra le plus impor­tant fonds oral sur 1968 en France et en Ital­ie. Bosio à ce moment-là se con­sacre prin­ci­pale­ment au tra­vail de l’Institut, qui se développe et se pré­cise en ver­tu du con­stat suiv­ant: « aux yeux des mil­i­tants poli­tiques qui accor­daient quelque impor­tance au tra­vail du NCI, le développe­ment du mou­ve­ment réel représente le suc­cès le plus sig­ni­fi­catif qui soit, quand bien même ce suc­cès a pu con­trari­er la voca­tion provo­ca­trice de la chan­son, dépassée et finale­ment abolie par son usage immé­di­at

25 Gian­ni Bosio, Del­la can­zone popo­lare…, op. cit., p. 283

. » Les inter­locu­teurs de l’Institut ne sont alors pas tant les groupes de chant que les « Ligues de cul­ture », en par­ti­c­uli­er celle, très active, de Pià­de­na. Ces organ­ismes cul­turels de base, créés en 1966, « peu­vent se met­tre au ser­vice du ­pro­lé­tari­at, afin que ce dernier retrou­ve un vis­age et une présence; ils doivent servir à faire le lien entre la sit­u­a­tion objec­tive de base et l’action poli­tique du pro­lé­tari­at, selon les formes et les modal­ités qu’indiquent l’ensemble des minorités révo­lu­tion­naires ital­i­ennes recon­nues coupables de se situer à la gauche des par­tis offi­ciels dom­i­nants

26 Gian­ni Bosio, let­tre à Giuseppe Moran­di, cit., p. 186

». Dans une con­ver­sa­tion avec le groupe musi­cal « Come Yu Kung mosse le mon­tagne », Bosio pré­cis­era la posi­tion poli­tique qui avait été la sienne à ce moment: « L’un des objec­tifs du NCI était de clore une phase qui avait sim­ple­ment servi à véri­fi­er l’existence d’une réal­ité sub­jec­tive très en avance sur les ­pré­ten­dues avant-gardes de Par­ti, […] et de trou­ver une manière de faire sauter les ver­rous de la ville cap­i­tal­iste. Il faut trou­ver le courage de con­clure des expéri­ences aus­si impor­tantes que peut l’avoir été celle du NCI, et de dire: “Ici s’arrête le NCI, parce que ce n’est pas en créant de nou­velles chan­sons qu’on mèn­era l’offensive con­tre la ville cap­i­tal­iste. Con­tes­sa

27 La chan­son Con­tes­sa, dont le texte est repro­duit plus loin fut l’une des plus repris­es par les man­i­fes­ta­tions de 1968

a eu son util­ité. Mais il s’agit à présent de sub­stituer à l’intervention stricte­ment super­struc­turelle des chan­sons, l’intervention poli­tique dans la ville.” Si nous réus­sis­sons à com­pren­dre quelle est la dynamique de la ville cap­i­tal­iste, quelle est la fonc­tion pré­cise de la classe ouvrière, et de quelle manière elle peut se met­tre en mou­ve­ment et frap­per, cela n’est pas rien 28 Con­ver­sa­tion entre Gian­ni Bosio, Cesare Bermani, Clau­dio Berneri, Loren­za Bor­des, 14 avril 1970 [NdCB]. »

Cette posi­tion poussera les chercheurs, pour mieux doc­u­menter leur objet, à se mêler aux occu­pa­tions d’usines, d’universités et d’« insti­tu­tions totales », avec des résul­tats très probants. Cela per­me­t­tra par exem­ple à San­dro Portel­li, qui s’était rat­taché à l’Institut en 1969 avec son groupe romain, de pro­duire en 1970 un impor­tant disque d’« his­toire immé­di­ate »: Roma. La bor­ga­ta e la lot­ta del­la casa 29 Rome. Le quarti­er et la lutte pour le loge­ment. C’est Bosio qui avait don­né l’impulsion de cette « recherche-inter­ven­tion », au début de la même année, avec une recon­sti­tu­tion sonore des « événe­ments du Lyrique » et de leurs suites, entre le 19 novem­bre et le 4 décem­bre 1969 

30 Sur les événe­ments au Théâtre lyrique le 19 novem­bre 1969 et la « guerre de l’information » qui s’ensuivit, voir au chapitre 6 – Pao­lo Virno : Le tra­vail ne rend pas libre, et La stratégie de la ten­sion

. Au même moment, le groupe tra­vaille assidû­ment à la pub­li­ca­tion des pre­miers livres d’histoire com­posés à par­tir des témoignages oraux des pro­tag­o­nistes

31 Il me revien­dra de pub­li­er le pre­mier de ces livres : Pagine di guer­riglia. L’esperienza dei garibal­di­ni nel­la Valsesia, Sapere, 1971, vol. I. En effet, Gian­ni Bosio mou­rut cette année-là sans ter­min­er son Il trat­tore ad Acquane­gra, auquel il tra­vail­lait depuis 1958 et qu’il avait bien l’intention d’achever. Ce tra­vail sera pub­lié par mes soins chez De Dona­to en 1981 sous le titre Il trat­tore ad Acquane­gra. Pic­co­la e grande sto­ria in una comu­nità con­tad­i­na [NdCB]

. Les ori­en­ta­tions don­nées par ces recherch­es sur la sub­jec­tiv­ité de base seront, quelques années plus tard, mas­sive­ment repris­es par le mou­ve­ment, jusqu’à en devenir un leit­mo­tiv. Elles nour­riront notam­ment, dans les années 1970, les mul­ti­ples expéri­ences didac­tiques d’avant-garde menées dans le cadre des 150 heures 32 Les 150 heures sont une con­quête syn­di­cale des ouvri­ers de la métal­lurgie (élargie ensuite à l’ensemble des ouvri­ers) qui imposèrent en 1972 que les employeurs finan­cent un dis­posi­tif de for­ma­tion con­tin­ue com­prise dans l’horaire de tra­vail. De fait, de nom­breux intel­lectuels proches du mou­ve­ment (enseignants, étu­di­ants) pos­tulèrent pour y enseign­er et il en naquit ce que l’on peut briève­ment retenir comme une « expéri­ence péd­a­gogique de mou­ve­ment » où ouvri­ers et intel­lectuels, enseignants et enseignés, ten­taient de mod­i­fi­er leur rap­port au savoir et à l’autorité savante.

Quant aux spec­ta­cles de chan­sons, ceux qui avaient quit­té le NCI con­tin­uèrent en 1968–69 à les organ­is­er par eux-mêmes. Et ceux qui étaient restés étaient sou­vent con­traints d’en faire autant, étant don­né que le NCI n’était pas même en mesure à ce moment d’organiser la dif­fu­sion de manière autonome. De fait, cet aspect était géré tant bien que mal par les édi­tions del Gal­lo: Michele L. Straniero s’en occu­pa jusqu’à l’été 1969, date à laque­lle il quit­ta lui aus­si la mai­son d’édition.

Tout cela se pas­sait pré­cisé­ment au moment où on assis­tait à un phénomène très remar­quable d’appropriation par le « mou­ve­ment » d’une grande par­tie des chan­sons que le NCI avait fait con­naître au cours des années précé­dentes. Les textes étaient mod­i­fiés, trans­for­més mais aus­si hybridés, dans la plus pure tra­di­tion de la chan­son pop­u­laire.

Par exem­ple, La briga­ta Garibal­di, enreg­istrée aux Dis­chi del Sole par la grande Gio­van­na Daffi­ni 

33 La « grande » Gio­van­na Daffi­ni (1914–1969) incar­ne à elle seule la chan­son pop­u­laire ital­i­enne et sa renais­sance dans les années 1960, quand elle est « décou­verte » par Gian­ni Bosio et Rober­to Ley­di. Repiqueuse de riz dès l’âge de 13 ans, elle inter­prétera le réper­toire des mon­dine, auquel elle saura imprimer, avec sa voix incom­pa­ra­ble, son style si par­ti­c­uli­er. Pen­dant la guerre, elle est aux côtés des par­ti­sans, avec son mari le vio­loniste Vit­to­rio Carpi, et enri­chit son réper­toire des chants des luttes sociales et de la résis­tance. Elle fera par­tie de la Nuo­va com­pa­nia del can­to popo­lare et par­ticipera à plusieurs spec­ta­cles, dont le célèbre Bel­la ciao, dont elle inter­prète la ver­sion orig­i­nale, ou Ci ragiono e can­to, sous la direc­tion de Dario Fo

, était reprise dans les man­i­fes­ta­tions du mou­ve­ment étu­di­ant, mais précédée de cette vari­ante de l’Italia l’è mal­a­da – qui fai­sait égale­ment par­tie du cat­a­logue:

L’Italie l’est malade

Capan­na est le doc­teur

pour que l’Italie guérisse

tombons leur dessus à ces messieurs 

34 L’Italia l’è mal­a­da est une chan­son poli­tique apparue en 1885 au cours du mou­ve­ment paysan de la boje, qui mobil­isa 40 000 ouvri­ers agri­coles dans la région de Man­toue. Le « doc­teur » était à l’époque Sar­tori, le meneur d’une des asso­ci­a­tions où s’organisaient les paysans. La chan­son a con­nu par la suite de nom­breuses ver­sions où le « doc­teur » appa­raît sous les traits de Garibal­di, Lénine, Togli­at­ti, Malat­es­ta… jusqu’à Mario Capan­na, l’un des lead­ers des luttes de 1968 à Milan. Voir au chapitre 5 – Des mess­es aux mass­es, les luttes à l’université catholique, p. 237 sqq

.

Et à la prison de Gênes, des mem­bres des Brigades rouges chanteront sur l’air de Fes­ta d’aprile 35 « Cela fait déjà quelque temps que nos fas­cistes / ne se font plus trop voir, sem­blent tou­jours plus tristes / peut-être ont-ils com­pris, s’ils ne sont pas stu­pides / que l’heure est venue des règle­ments de compte. / Allez l’heure est venue, la bataille fait rage… » de Ser­gio Liberovi­ci et Fran­co Anton­i­cel­li – enreg­istrée aux Dis­chi del Sole en 1967 par Gio­van­na Daffi­ni,

C’était le dix-huit avril 36Cette chan­son me fut rap­portée dans un train par un anonyme ex-détenu en jan­vi­er 1978 et je l’ai notée. Comme on sait, Mario Sos­si fut enlevé le 18 avril 1974 parce que les BR le tenaient pour respon­s­able d’avoir manip­ulé l’instruction con­tre le groupe génois du « 22 otto­bre ». Elles demandèrent en échange – exacte­ment comme le dit la chan­son – la libéra­tion des détenus appar­tenant à ce groupe, dont Mario Rossi était l’une des fig­ures les plus remar­quables [NdCB]

un peu après huit heures

que passèrent à l’action

les rouges Brigades.

Allez les Brigades rouges

les fusils lev­és

que chaque jour soit

un dix-huit avril.

Pour arrêter Sos­si

le juge f..37 Aujourd’hui retraité, Mario Sos­si a été élu en 2008 coor­di­na­teur d’Azione sociale (le par­ti d’Alessandra Mus­soli­ni) en Lig­urie, après avoir été can­di­dat au Con­seil com­mu­nal de Gênes dans les rangs d’Alleanza nazionale. Il a été égale­ment can­di­dat de Forza nuo­va (un par­ti qu’on peut qual­i­fi­er de néo­fas­ciste) aux élec­tions européennes de 2009. Le slo­gan des BR « Sos­si, fas­ciste, tu es le pre­mier sur la liste ! » n’était donc pas dénué de fonde­ment his­torique

dont le peu­ple dis­ait

« tu es le pre­mier sur la liste »

Allez les Brigades rouges etc.

Qui avait con­damné

tant de pro­lé­taires

encore incar­cérés

dans les pris­ons d’État

Allez les Brigades rouges etc.

Du Vingt-deux octo­bre,

nous récla­m­ons les com­mu­nistes

ils ont été les pre­miers

les pre­miers brigadistes

Allez les Brigades rouges etc.

À présent chers bour­geois

si vous voulez Sos­si

libérez tout de suite

le cama­rade Rossi

Allez les Brigades rouges etc.

La chan­son sociale était donc plus vivante que jamais, et ce n’était pas étranger au tra­vail réal­isé par le Nuo­vo Can­zoniere ital­iano au cours des années précé­dentes. Cette appro­pri­a­tion « par le mou­ve­ment » des chan­sons qu’il avait fait con­naître pas­sa entière­ment par les canaux de la com­mu­ni­ca­tion de classe: occu­pa­tions, cortèges, man­i­fes­ta­tions de rue, mul­ti­pli­ca­tion des chorales de mou­ve­ment, pub­li­ca­tion des chan­son­niers, etc. Les cir­cuits de la com­mu­ni­ca­tion de masse (qui avaient tou­jours fer­mé leur porte au NCI) n’y jouèrent pas le moin­dre rôle, et même la dif­fu­sion par les Dis­chi del Sole n’eut dans ce domaine que peu d’effet. Des chan­sons comme Con­tes­sa, Il vesti­to di Rossi­ni ou Valle Giu­lia 

38 Le texte de cette chan­son fig­ure au chapitre 5 – La bataille de Valle Giu­lia, p. 235

de Pao­lo Pietrangeli (sor­ties en 45 tours en mars 1968), ou Cara moglie d’Ivan del­la Mea (énor­mé­ment chan­tée pen­dant l’Automne chaud, mais qui était sor­tie en 45 tours dès octo­bre 1966) se vendirent la pre­mière année à 2500 exem­plaires env­i­ron, ce qui est peu. Et pour­tant, comme le remar­quait Pao­lo Pietrangeli: « Il n’y a pas de musique de 68 si ce n’est la nôtre, nous qui n’étions même pas de vrais musi­ciens 

39 Pao­lo Pietrangeli, « Gli anni can­tati », in Mas­si­mo Ghirelli, 68. Vent’anni dopo, Edi­tori Riu­ni­ti, 1988, p. 200 [NdCB]

. » Car à ce moment-là, c’était le « mou­ve­ment » qui, par la com­mu­ni­ca­tion orale, fai­sait bouger les choses et trans­for­mait les chan­sons en fonc­tion des échos, des cor­re­spon­dances qu’il y entendait: il les util­i­sait et les mod­i­fi­ait selon ses besoins. De fait, beau­coup des ques­tions qui étaient débattues pen­dant ces années de mou­ve­ment de masse avaient déjà été chan­tées par le Nuo­vo Can­zoniere ital­iano. Et l’on peut sans doute affirmer que les spec­ta­cles, qui con­tin­uèrent bon an mal an entre 1963 et 1967, exer­cèrent une influ­ence non nég­lige­able sur nom­bre de ceux qui allaient devenir les con­tes­tataires de 68, en les amenant à pren­dre con­science que la réal­ité n’était pas exacte­ment celle que propageaient les médias ou les organ­i­sa­tions offi­cielles de la gauche.

Lorsqu’après 1968, Tul­lio Savi fait le bilan de l’apport théorique du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano au mou­ve­ment, il souligne à juste titre que celui-ci a « ren­du tan­gi­ble le dis­sensus, la frac­ture entre le mou­ve­ment réel et la bureau­cratie des organ­i­sa­tions poli­tiques tra­di­tion­nelles; et […] révélé le fait qu’il ne s’agit pas là d’un désac­cord mar­gin­al, lié à la stratégie du moment, mais d’une scis­sion adv­enue lorsque la “mag­i­s­tra­ture ouvrière” a recon­nu de fait le pri­mat de la cul­ture et des valeurs bour­geois­es, et a com­plète­ment déplacé la con­tes­ta­tion sur leur ter­rain. En adop­tant le lan­gage, les critères et même les modes de vie pro­mus par la société des pro­prié­taires, les mag­is­trats ouvri­ers ont implicite­ment crédité le mou­ve­ment réel d’une indé­pass­able dimen­sion minori­taire et affir­mé son inca­pac­ité à exis­ter comme sujet de cul­ture 

40 Tul­lio Savi, « Uti­liz­zazioni del­la ricer­ca ed elab­o­razione ide­o­log­i­ca », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano n° 9–10, Ière série, 1968, p. 19 [NdCB]

».

Les chan­sons avaient joué un rôle fon­da­men­tal dans la mise en évi­dence de ce dis­sensus dans les années qui ont précédé 68. Mais elles avaient aus­si révélé l’existence d’une réal­ité de base, surtout dans les rangs du PCI, qui avait fort peu à voir avec les « mag­is­trats ouvri­ers » dont par­lait Savi.

Dans un pays où l’école enseignait depuis 100 ans com­bi­en la présence des troupes autrichi­ennes dans la pénin­sule avait été écras­ante au XIXe siè­cle, où elle marte­lait depuis l’après-guerre com­bi­en l’occupation de l’armée alle­mande de 1943–45 avait été atroce, mais où per­son­ne ne sem­blait remar­quer que depuis la Libéra­tion les troupes améri­caines s’étaient instal­lées sur le ter­ri­toire, il fal­lait bien une chan­son (Le basi amer­i­cane de Rudi Assunti­no) pour dire:

Jetons à la mer les bases améri­caines

ces­sons d’aider les assas­sins

tournons une page qui a duré vingt ans

allons con­quérir notre lib­erté.

Les direc­tions des par­tis de gauche en restaient très embar­rassées tan­dis que les mil­i­tants de base don­naient libre cours à leur ent­hou­si­asme.

Pour con­tr­er le réc­it pacifi­ca­teur d’une Résis­tance décrite comme tris­te­ment acon­flictuelle et qui ser­vait de cau­tion idéologique à l’indispensable unité retrou­vée des asso­ci­a­tions de par­ti­sans, le com­mu­niste de base Ivan Del­la Mea chan­tait, à Ses­to San Gio­van­ni, devant Lui­gi Lon­go 41 Lui­gi Lon­go (1900–1980) ancien com­bat­tant de la Guerre d’Espagne, arrêté en 1940 par la police française puis incar­céré en Ital­ie jusqu’en 1943, résis­tant et mem­bre des Brigades Garibal­di aux côtés d’autres futurs dirigeants du PCI (Pajet­ta, Amen­dola, etc.), il est élu député en 1946. Il suc­cé­da à Togli­at­ti comme secré­taire général du PCI (1964–1972) et s’employa à définir une « voie ital­i­enne vers le social­isme »:

Et aux jours de la lutte

le rouge était ma couleur

mais à l’heure du sou­venir

aujourd’hui je porte le tri­col­ore.

Tri­col­ore est la rue

tri­col­ores les par­ti­sans

« nous sommes tous ital­iens

et vive la nou­velle unité ».

Et quelle fête et quels chants

et quels cris, quels feux d’artifice

et il y a Lon­go et il y a Par­ri 

42 Fer­ruc­cio Par­ri (1890–1981) est un ancien chef de la Résis­tance lié au Par­ti­to d’Azione (d’inspiration répub­li­caine et sociale-démoc­rate, l’un des sept par­tis qui com­po­saient le CLN), prési­dent du Con­seil et min­istre de l’Intérieur du gou­verne­ment d’union à l’issue de la guerre, séna­teur à vie en 1963. Il joue son pro­pre rôle en 1972 dans le film Il caso Mat­tei de Francesco Rosi. Lors de la grève du 30 juin 1960 à Gênes, il défile en tête du cortège des offi­ciels aux côtés des com­man­dants de la Résis­tance et de Lui­gi Lon­go

et il y a aus­si Andreot­ti 43 Giulio Andreot­ti (1919–2013) est une des prin­ci­pales fig­ures de la Démoc­ra­tie chré­ti­enne après guerre. Sept fois prési­dent du con­seil, huit fois min­istre, député sans inter­rup­tion de 1946 à 1991, date à laque­lle il est séna­teur à vie, il a pour­suivi son activ­ité poli­tique jusqu’à sa mort en 2013. Traduit en jus­tice en 1992 pour asso­ci­a­tion mafieuse et pour avoir com­man­dité l’assassinat d’un jour­nal­iste, il est d’abord relaxé (1999) puis con­damné en appel à 24 ans de prison (2002), avant d’être de nou­veau blanchi par la Cour de Cas­sa­tion en 2003.

Et il y a mon patron

celui qui m’a licen­cié

ce dégueu­lasse libéral

lui aus­si est en tri­col­ore.

J’ai enlevé mon foulard

celui qui est blanc, vert et rouge

et autour de mon cou j’ai mis

celui qui est sim­ple­ment rouge.

Ils m’ont traité de « chi­nois »

ils m’ont traité de « défaitiste »

j’ai répon­du aus­si sec:

« J’étais et je suis com­mu­niste ».

Hier j’ai fait la guerre

con­tre le fas­cisme et l’envahisseur

aujourd’hui je lutte con­tre le patron

pour la même lib­erté.

Si le libéral vous va bien

avec Andreot­ti et le tri­col­ore

moi je vous dis « vous êtes fou­tus

vous vous êtes bien fait coin­cer ».

Ils m’ont traité de « chi­nois »

ils m’ont traité de « défaitiste »

j’ai répon­du aus­si sec:

« J’étais et je suis com­mu­niste ».

Et tan­dis qu’au milieu de la chan­son, Lon­go se lev­ait brusque­ment et quit­tait les lieux, le « peu­ple com­mu­niste » explo­sait en applaud­isse­ments.

Si des chan­sons comme Nina (1966) de Gualtiero Bertel­li, ou Cara moglie d’Ivan Del­la Mea furent énor­mé­ment chan­tées, le véri­ta­ble hymne de 1968 fut indu­bitable­ment Con­tes­sa, de Pao­lo Pietrangeli. Pietrangeli était un étu­di­ant com­mu­niste, lecteur de classe opera­ia et d’Ouvri­ers et Cap­i­tal. Il l’écrivit en une nuit, en mai 1966, pen­dant l’occupation de l’Université de Rome, après l’assassinat par les fas­cistes de l’étudiant Pao­lo Rossi. Le texte s’inspire des dis­cours que tenait la vieille bour­geoisie à pro­pos de l’occupation et des sup­posées orgies sex­uelles qu’elle abri­tait, ain­si que du réc­it d’une grève dans une petite usine romaine au cours de laque­lle le patron, un cer­tain Aldo, avait req­uis les forces de police con­tre les ouvri­ers qui fai­saient le piquet:

« Quelle affaire, Comtesse, dans l’usine d’Aldo

ils ont fait la grève, cette poignée d’ignorants

ils voulaient que leurs salaires soient aug­men­tés

ils cri­aient, fig­urez-vous, qu’ils étaient exploités.

Et quand la police est arrivée

ces qua­tre va-nu-pieds ont crié plus fort

ils ont sali de leur sang la cour et les portes

qui sait com­bi­en de temps il fau­dra pour net­toy­er. »

Cama­rades des cam­pagnes et des ate­liers

prenez la fau­cille, bran­dis­sez le marteau

descen­dons dans la rue et util­isons-les pour frap­per

descen­dons dans la rue et enter­rons le sys­tème.

Vous, les gens comme il faut, qui désirez la paix

la paix pour faire tout ce que vous voulez

mais si c’est le prix à pay­er, nous voulons la guerre

nous voulons vous voir finir sous la terre.

Mais si c’est le prix, nous l’avons payé

plus per­son­ne au monde ne doit être exploité.

« Si vous saviez, Comtesse, ce que m’a dit

un proche par­ent au sujet de l’occupation

que cette racaille enfer­mée là-dedans

fai­sait pro­fes­sion d’amour libre.

Du reste, ma chère, de quoi s’étonne-t-on?

Même l’ouvrier veut que son fils soit doc­teur

pensez au cli­mat que cela peut génér­er

il n’y a plus de morale, Comtesse. »

Si le vent sif­flait, à présent il sif­fle plus fort

les idées de révolte ne sont jamais mortes

si quelqu’un l’affirme, ne l’écoutez pas

celui-là ne cherche qu’à trahir.

Si quelqu’un l’affirme, crachez-lui dessus

celui-là a jeté le dra­peau rouge au fos­sé.

Vous, les gens comme il faut, qui désirez la paix

la paix pour faire tout ce que vous voulez

mais si c’est le prix à pay­er, nous voulons la guerre

nous voulons vous voir finir sous la terre.

Mais si c’est le prix, nous l’avons payé

plus per­son­ne au monde ne doit être exploité.

Si le mou­ve­ment s’était appro­prié beau­coup des chan­sons que le Nuo­vo Can­zoniere ital­iano avait fait con­naître, il faut égale­ment soulign­er qu’à par­tir de 1968 les spec­ta­cles de chan­sons se mul­ti­plièrent dans des pro­por­tions con­sid­érables, suite à la for­ma­tion de très nom­breux groupes de chant – de qual­ité, il est vrai, très iné­gale. Par­mi les plus intéres­sants, on peut citer le Can­zoniere del Lazio, le Can­zoniere inter­nazionale, le Can­zoniere pisano (qui devien­dra par la suite le Canzion­iere del pro­le­tari­a­to, lié à Lot­ta con­tin­ua, et qui pro­duira seul ou avec les Cir­coli Otto­bre 44 Les Cir­coli Otto­bre sont un réseau de lieux cul­turels créé par Lot­ta con­tin­ua au début des années 1970. Ils organ­isent des fes­ti­vals de théâtre ou de musique, des pro­jec­tions, des spec­ta­cles, édi­tent un bul­letin. L’auteur-interprète Pino Masi en sera le dirigeant jusqu’en 1975. , vingt-deux 45 tours et un 33T/17 cm de chan­sons sociales anci­ennes et nou­velles), le Can­zoniere di Rim­i­ni, le Can­zoniere popo­lare vene­to, le Can­zoniere nazionale del ven­to rosso (lié au Par­ti­to comu­nista marx­ista-lenin­ista ital­iano, dont les groupes don­nèrent 523 spec­ta­cles en un an, en 1972–73, et qui pro­duisit un 33T/17 cm), le Can­zoniere delle Lame (lié au PCI, qui auto­pro­duisit quelques dis­ques) ou encore le Can­zoniere del Val­darno. Mais au cours de ces années, même des groupes poli­tiques enreg­istrent sur 45 tours leurs pro­pres hymnes et autres chan­sons sociales: il Man­i­festo (avec Gualtiero Bertel­li), Potere operaio (avec Oreste Scal­zone qui s’était impro­visé chanteur), le Movi­men­to stu­den­tesco milanais, le Cir­co­lo anar­chico Giuseppe Pinel­li de Milan. Deux 33T/17 cm seront égale­ment édités par le Can­zoniere fem­min­ista, un groupe musi­cal créé en 1974, qui était l’émanation du Comi­ta­to per il salario al lavoro domes­ti­co de Padoue

45Comité pour la rétri­bu­tion du tra­vail domes­tique. Sur ces ques­tions, voir le chapitre 9, p. 445 sq

.

Ce très large mou­ve­ment, capa­ble de pro­duire des mil­liers de spec­ta­cles par an jusqu’à la sec­onde moitié des années 1970, don­na quelques bonnes chan­sons par­mi lesquelles on peut retenir au moins celles d’Alfredo Ban­del­li (Pise, 1945–1994), qui reste sans doute avec Pao­lo Pietrangeli l’auteur le plus orig­i­nal des années 68.

Après avoir été vendeur à la gare de Pise, puis manœu­vre dans une usine alle­mande, Ban­del­li est ouvri­er à l’usine Piag­gio de Pont­ed­era entre 1972 et 1979. ­Licen­cié par mesure de repré­sailles (on ne lui par­donne pas d’être venu tra­vailler un réveil sus­pendu au cou pour pro­test­er con­tre les cadences tou­jours plus pénibles), il devient aide-soignant à l’hôpital de Pise. C’est un mil­i­tant act­if et com­bat­if, d’abord à la FGCI46 La Fed­er­azione gio­vanile comu­nisti ital­iani est l’organisation de jeunesse du PCI, puis à Il Potere operaio de Pise et à Lot­ta con­tin­ua. Ses chan­sons cir­culeront de manière anonyme de 1968 à avril 1974

47 Il a en effet fal­lu atten­dre avril 1974 pour qu’elles soient enreg­istrées, chan­tées par lui, dans son unique album, aux Dis­chi del Sole : Fab­bri­ca, galera, piaz­za (DS 1039/41) [NdCB]

et c’est Pino Masi qui le pre­mier les ren­dra célèbres en les reprenant sur les dis­ques de Lot­ta con­tin­ua. Car en 1968, Ban­del­li était à peine capa­ble de jouer les accords qui lui ser­vaient à com­pos­er les musiques de ses chan­sons. Deux d’entre elles seront par­ti­c­ulière­ment repris­es par le mou­ve­ment.

La pre­mière s’intitule La vio­len­za:

[…]

Mais aujourd’hui j’ai vu dans la manif

tant de vis­ages souri­ants

les cama­rades, des filles de quinze ans,

les ouvri­ers avec les étu­di­ants.

« Le pou­voir aux ouvri­ers

pas au sys­tème des patrons

tou­jours unis nous vain­crons

vive la révo­lu­tion. »

Et puis quand les camion­nettes

ont chargé les man­i­fes­tants

les cama­rades ont empoigné

les manch­es en bois des pan­car­tes.

Et j’ai vu les autos blind­ées

ren­ver­sées et puis brûlées

tant et tant de policiers

avec la tête fra­cassée.

La vio­lence la vio­lence

la vio­lence et la révolte

celui qui a hésité cette fois-ci

lut­tera avec nous demain.

[…]

La sec­onde, écrite en 1969, s’intitule La bal­la­ta del­la FIAT et s’inspire d’un texte de l’assemblée ouvri­ers-étu­di­ants de Turin à pro­pos des événe­ments sur­venus sur le Cor­so Tra­iano le 3 juil­let

48101. Le texte de la chan­son fig­ure au chapitre 8 – La Nais­sance des Brigades rouges, p. 377. Sur la bataille du Cor­so Tra­iano, voir Nan­ni Balestri­ni, Nous voulons tout, op. cit

.

Au terme de ces deux ans de con­tes­ta­tion (1968–69), Bosio lui-même écrira: « le mou­ve­ment nous a mon­tré qu’au-delà de la cohérence abstraite de notre ­dis­cours et de nos analy­ses, cette activ­ité [d’édition et de pub­li­ca­tion des chan­sons sociales] tirait sa néces­sité de l’importance que lui con­férait le mou­ve­ment réel

49 Gian­ni Bosio, Dal­la can­zone popo­lare…, op. cit., p. 284

. » Cette façon, plus pru­dente, d’envisager le rôle de la chan­son fut rel­a­tive­ment déter­mi­nante pour la reprise du Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, qui atten­dit toute­fois 1973 pour se dot­er à nou­veau d’une véri­ta­ble struc­ture de dif­fu­sion autonome – bien après la mort de Gian­ni Bosio, sur­v­enue en août 1971. Il rassem­bla alors ses troupes, et l’on vit notam­ment revenir Gio­van­na Mari­ni, puis Pao­lo Cia­rchi et Ivan Del­la Mea qui prit en charge l’organisation des spec­ta­cles. Entre 1973 et 1977, le Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, avec dif­férents groupes, assura en moyenne 500 spec­ta­cles par an, c’est-à-dire qu’en l’espace de cinq ans, il don­na deux fois et demi plus de spec­ta­cles qu’au cours de la décen­nie précé­dente

50Le Nuo­vo Canzionere ital­iano eut un « cor­re­spon­dant » très act­if en France, en la per­son­ne d’Aldo Vitale (décédé en 1986), fon­da­teur, en mai 68, du « Comité d’action étu­di­ants-enseignants pour la dif­fu­sion de la chan­son pop­u­laire et engagée », qui devien­dra l’année suiv­ante l’« Asso­ci­a­tion pour la dif­fu­sion de la chan­son pop­u­laire ital­i­enne », rat­tachée à l’UER d’italien et de roumain de l’université Paris III. De 1968 à 1979, cette asso­ci­a­tion organ­is­era en France, un très grand nom­bre de con­certs à la Mai­son d’Italie (dont Vitale était le directeur), où se pro­duisirent non seule­ment les nou­veaux can­tau­tori cités dans l’article, mais nom­bre de chanteurs et chanteuses pop­u­laires, jusqu’à un mémorable con­cert organ­isé au Théâtre de l’Aquarium, Car­toucherie de Vin­cennes, le 18 mars 1979, en clô­ture d’une « semaine de la cul­ture pop­u­laire ital­i­enne », où se pro­duisirent plusieurs généra­tions de chanteurs et musi­ciens de toute l’Italie.

. 70% d’entre eux étaient organ­isés par le PCI, les 30% restants par les Cir­coli Otto­bre, Avan­guardia opera­ia et quelques autres. Si le nom­bre des spec­ta­cles fut donc quin­tu­plé, le tra­vail col­lec­tif finit toute­fois par per­dre pro­gres­sive­ment sa dimen­sion provo­ca­trice. La dis­so­lu­tion du lien qui, par le passé, avait étroite­ment asso­cié recherche et inter­pré­ta­tion, com­por­tait pour la pre­mière le risque de tomber par­fois dans l’académisme, tan­dis que la sec­onde finit le plus sou­vent par s’intégrer au paysage cul­turel. À ce sujet, Ivan Del­la Mea dira juste­ment: « Nous ne nous sommes pas aperçus tout de suite que nous étions en train de devenir des can­tau­tori, que nous étions en train de per­dre le fil rouge qui nous avait liés à l’activité de recherche. À force de courir der­rière la demande, der­rière le marché, même si c’était un “marché de gauche”, celui des fêtes de L’Unità

51104. Fondé en 1924 par Anto­nio Gram­sci, L’Unità est le jour­nal du PCI. Les fêtes de L’Unità, créées en 1945 en Lom­bardie avant de se généralis­er à l’ensemble du ter­ri­toire, sont organ­isées locale­ment par les sec­tions du par­ti dans les dif­férentes com­munes, aggloméra­tions ou provinces : con­certs, ren­con­tres, gas­tronomie, on retrou­ve dans les Fêtes de L’Unità l’ensemble des ingré­di­ents qui font la fête de l’Humanité en France, mais à une échelle locale.

(très grat­i­fi­antes du point de vue du rap­port avec le pub­lic), nous avons de fait accep­té de devenir des can­tau­tori. En ce qui con­cerne la chan­son protes­tataire et sociale, notre activ­ité a alors rad­i­cale­ment per­du son car­ac­tère d’étrangeté et de sub­ver­sion, juste­ment parce que ses modal­ités étaient dev­enues les mêmes que celles du marché. À ce stade, nous avions accep­té, cer­tains plus que d’autres, de revenir sur les raisons pour lesquelles nous avions com­mencé à faire ce tra­vail. À par­tir du moment où la per­spec­tive d’un pro­jet poli­tique et cul­turel glob­al se dérobait, nous étions devenus, nous aus­si, des can­tau­tori. Des can­tau­tori capa­bles peut-être d’atteindre le sum­mum du suc­cès au Fes­ti­val nation­al de L’Unità de Flo­rence, en chan­tant devant 30 ou 40 000 spec­ta­teurs. Mais au moment où cer­tains de mes cama­rades dis­aient “on y est arrivés”, moi j’ai dit: “nous avons per­du”52105. Témoignage oral d’Ivan Del­la Mea recueil­li par Fab­rizio Borsel­la, Milan, 23 juil­let 1992. »

À ce moment, le PCI et l’ARCI sem­blaient surtout préoc­cupés par l’organisation de méga-con­certs qui per­me­t­taient des ren­trées d’argent faciles. La mode des can­tau­tori, déjà soutenue par l’industrie discographique et large­ment pro­mue ­auprès des jeunes, rég­nait désor­mais égale­ment sur le fes­ti­val de L’Unità et influ­ençait même l’activité cul­turelle des groupes extra­parlemen­taires.

Et puis, à par­tir de 1977, les spec­ta­cles com­men­cent à se faire moins nom­breux, et en 1978 – alors que la destruc­tion du mou­ve­ment, par un effet de miroir, mène à un affaib­lisse­ment extrême du PCI – la chute devient irré­sistible. Entre la fin du mou­ve­ment de 77 – lorsque la police expulse Radio Alice

53Radio Alice est une radio libre de l’Autonomie à Bologne. On peut lire la retran­scrip­tion de l’expulsion ici men­tion­née dans le n° 30 de la revue Recherch­es, Les Untorel­li, 1977

juste au moment où elle s’apprête à dif­fuser un pro­gramme com­posé à par­tir des Dis­chi del Sole – et l’« après-défaite à la FIAT

54107. En 1980, la défaite ouvrière à la FIAT après 5 mois de con­tes­ta­tion mar­que la fin du cycle de luttes inau­guré en 1969. Voir à ce sujet les textes de Pao­lo Virno aux chapitres 6 (p. 299 sqq.) et 12 (p. 595 sqq.)

», l’activité des Edi­zioni del Gal­lo et du Nuo­vo ­Can­zoniere ital­iano s’amenuise elle aus­si. Ils finis­sent par être emportés par la régres­sion poli­tique de la gauche et la crise de l’édition du disque.

dans ce chapitre« Bruno Car­to­sio: La récep­tion de la cul­ture afro-améri­caine en Ital­ieL’aire de la con­tre-cul­ture »
  • 1
    La legge truf­fa (« loi arnaque ») fut pro­mul­guée en 1953 par De Gasperi au nom de la « gou­vern­abil­ité ». Elle prévoy­ait que le par­ti ou la coali­tion qui obtiendrait la majorité absolue se voie attribuer une « prime » lui per­me­t­tant d’atteindre 65 % des sièges. La loi se révéla toute­fois inopérante : il man­qua 200 000 voix au par­ti majori­taire pour béné­fici­er du bonus prévu
  • 2
    La pro­duc­tion discographique du groupe s’élève en tout à 33 dis­ques (neuf 30T/33 cm, dix 33T/17 cm, qua­torze 45 tours), qui com­pren­nent les résul­tats des recherch­es de ter­rain menées en Espagne sur les chan­sons de la Résis­tance espag­nole, sur les chan­sons de la résis­tance algéri­enne, sur juil­let 1960, etc. [Note de Cesare Bermani]
  • 3
    C’est Raniero Panzieri qui me l’a chan­tée en 1963 et j’ai tou­jours pen­sé qu’en réal­ité elle était issue de cette frange des Quaderni rossi qui avait regardé avec intérêt les « événe­ments de piaz­za Statu­to » [NdCB]
  • 4
    Let­tre de Ser­gio Liberovi­ci à Daniele Ponchi­roli, datée du 24 mai 1962 à Cervinia, et con­servée à l’Institut Ernesto De Mar­ti­no de Ses­to Fiorenti­no. L’intérêt porté par l’industrie discographique clas­sique à la chan­son sociale, et au boule­verse­ment rad­i­cal dont elle était por­teuse, ne fut cepen­dant sen­si­ble qu’à la fin des années 1960 [NdCB]
  • 5
    Le Nou­veau chan­son­nier ital­ien (NCI). « Chan­son­nier » est pris ici dans le sens de « réper­toire », recueil de chan­sons, mais le terme désign­era aus­si les groupes qui recueil­lent et repren­nent les chan­sons de tra­di­tion pop­u­laire, et sou­vent en pro­posent de nou­velles
  • 6
    La revue a pub­lié une pre­mière série de huit numéros (dont deux dou­bles) parus entre juil­let 1962 et novem­bre 1968 ; une sec­onde série de deux numéros (novem­bre-décem­bre 1970 et décem­bre 1972) ; et une troisième série de qua­tre numéros (dont un dou­ble) entre avril 1975 et mars 1977 [NdCB]
  • 7
    Ernesto De Mar­ti­no (1908–1965) est his­to­rien des reli­gions et anthro­po­logue, mem­bre du PCI à par­tir de 1950. Il a dévelop­pé un type d’enquête mul­ti­dis­ci­plinaire (et d’équipe) dans la recherche ethno­graphique de ter­rain qui n’est pas sans évo­quer le con­cept de con­ricer­ca forgé par la suite, dans le con­texte ouvri­er, par l’opéraïsme ital­ien. De Mar­ti­no s’est par­ti­c­ulière­ment intéressé aux rit­uels mag­iques et de pos­ses­sion du sud ital­ien. Il est l’auteur d’une œuvre riche et abon­dante, mal­heureuse­ment peu con­nue en France, mal­gré plusieurs tra­duc­tions, dont son ouvrage sur le tar­en­tisme du Salen­to : La Terre du remords [1961], Syn­the­labo, 1999.
  • 8
    Les Édi­tions Avan­ti !, qui allaient par la suite pren­dre le nom d’Edizioni del Gal­lo pro­duisirent, entre 1953 et 1970, 238 ouvrages, 39 numéros de revues, 8 brochures, 14 pub­li­ca­tions hors-série. Le tirage total de l’ensemble des livres entre 1953 et 1965 avait été de 899 541 exem­plaires, celui du reste de la pro­duc­tion citée de 671 303 exem­plaires. À cette époque, il s’était ven­du glob­ale­ment 240 273 exem­plaires des 48 dis­ques pro­duits, ce qui revient à une moyenne de 5 000 exem­plaires cha­cun [NdCB]
  • 9
    Lelio Bas­so (1903–1978) est un des fon­da­teurs du PSIUP en 1964. Ancien résis­tant antifas­ciste, élu député en 1946, il est secré­taire général du PSI entre 1947 et 1949, et sera exclu de la direc­tion du par­ti en 1951. Mil­i­tant social­iste inter­na­tion­al­iste, il est le fon­da­teur de la revue Quar­to sta­to, et le tra­duc­teur en ital­ien des œuvres de Rosa Lux­em­burg
  • 10
    Ernesto Che Gue­vara, La Guerre de guéril­la [1960], Maspero, 1962 ; rééd. Flam­mar­i­on, 2010
  • 11
    Gian­ni Bosio : « Dal­la can­zone popo­lare alla dram­matur­gia popo­lare e opera­ia », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, IIe série, novem­bre-décem­bre 1970, p. 2–4. Cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to. Inter­ven­ti e ricerche sul­la emer­gen­za d’interesse ver­so le forme di espres­sione e di orga­niz­zazione « spon­ta­nee » nel mon­do popo­lare e pro­le­tario (gen­naio 1963-agos­to 1971), ed. Bel­la Ciao, 1975, p. 282–283 [NdCB]
  • 12
    Gian­ni Bosio, Rober­to Ley­di, « Dis­cus­sone aper­ta », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano n°5, Ière série, févri­er 1965, p. 6 [NdCB]
  • 13
    Let­tre de Gian­ni Bosio à Dino Gen­tili, Milan, 4 juin 1963. Citée dans Cesare Bermani (dir.), Bosio oggi : rilet­tura di una espe­rien­za, Province de Man­toue – Bib­liote­ca Archiv­io – Casa del Man­teg­na – Insti­tut Ernesto De Mar­ti­no, 1986, p. 237 [NdCB]
  • 14
    Let­tre de Gian­ni Bosio à Gia­co­mo Brodoli­ni, Milan, 16 sep­tem­bre 1964, loc. cit, p. 230 [NdCB]
  • 15
    Let­tre de Gian­ni Bosio à Dino Gen­tili, loc. cit., p. 237 et suiv­antes [NdCB]
  • 16
    La Guardia di Finan­za est le corps mil­i­taire chargé de la police finan­cière en Ital­ie
  • 17
    Gian­ni Bosio, let­tre à Giuseppe Moran­di, Milan, 25–26 mai 1967. Cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to, op. cit., p. 185 et suiv­antes [NdCB]
  • 18
    Le attiv­ità del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano come retroter­ra per nuove espe­rien­ze (Propo­si­tion de doc­u­ment pré­parée par Cesare Bermani et approu­vée par le col­lec­tif et le con­seil d’administration du 24 avril 1969), in Il Nuo­vo Can­zoniere Ital­iano del 1962 al 1968, Maz­zot­ta – Insti­tut Ernesto De Mar­ti­no, 1978, p. 38–39 [NdCB].
  • 19
    Gian­ni Bosio, Esten­sione dei risul­tati del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano. Note orga­niz­za­tive svolte al con­veg­no dei grup­pi di stu­dio pro­mosso dal Folk Fes­ti­val 1, Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, Ière série, n° 7–8, 1966, p. 3 à 8, cité dans L’intellettuale roves­ci­a­to, op. cit., p. 140–141 [NdCB]
  • 20
    Ci ragiono e can­to, est un spec­ta­cle de chan­sons pop­u­laires mis en scène par Dario Fo avec le col­lec­tif théâ­tral La Comune en 1966. Il naît au sein de l’Institut Ernesto De Mar­ti­no grâce aux recherch­es de Cesare Bermani et Fran­co Cog­gi­o­la et fut représen­té pour la pre­mière fois le 16 avril 1966 au Teatro Carigliano de Turin. Par­mi les inter­prètes, on retrou­ve Gio­van­na Mari­ni, Gio­van­na Daffi­ni, Cate­ri­na Bueno, Ivan Del­la Mea, il Grup­po Padano di Piade­na, il Coro del Gal­let­to di Gal­lu­ra… Le disque est disponible aux Édi­tions Le Chant du monde sous le titre « Les travaux et les jours »
  • 21
    Depuis leur créa­tion en 1957, les cer­cles de l’ARCI (Asso­ci­azione ricre­ati­va cul­tur­ale ital­iana) avaient tis­sés, en lien avec le PCI et le PSI, un réseau de lieux cul­turels sur l’ensemble du ter­ri­toire.  Nuo­va Sce­na (et Dario Fo, pour « son oppor­tunisme ») fut ain­si sévère­ment jugée par Bosio : « Avec Nuo­va Sce­na, une fois encore la cul­ture se présente dans la tête d’un intel­lectuel qui la fil­tre à tra­vers des modes pop­u­laires. Le NCI visait au con­traire à sup­primer cette médi­a­tion », cité par C. Bermani, Una sto­ria can­ta­ta, 1962–1997. Trentac­inque anni di vita del Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, Milan, Isti­tu­to De Mar­ti­no / Jaca Book, 1997. Fo rompt ensuite lui-même avec le PCI et les cer­cles ARCI, et en 1970, « il réus­sira au sein du Col­lec­tif théâ­tral La Comune à créer un cir­cuit alter­natif qui avait le mou­ve­ment pour inter­locu­teur direct », ibi­dem
  • 22
    Le pre­mier est le poème épique La vivazione (La par­ti­ta truc­ca­ta) pub­lié en 1969 par la Com­pag­nia editrice e discografi­ca inter­nazionale di Tori­no. Il s’agit d’une des cri­tiques les plus acérées des tra­vers de l’assembléisme et de la vie grou­pus­cu­laire. Le sec­ond, Con­tro­canale, fut pro­duit par Mari­ni elle-même en 1970, puis repris dans le cat­a­logue des Dis­chi del Sole en novem­bre 1971 lorsque les rap­ports avec les édi­tions del Gal­lo – qui n’avaient jamais cessé – regag­nèrent en inten­sité [NdCB]
  • 23
    Les 702 spec­ta­cles pro­duits dans cette pre­mière péri­ode se répar­tis­sent comme suit : 1962, 1 ; 1963, 57 ; 1964, 81 ; 1965, 114 ; 1966, 110 ; 1967, 139 ; 1968, 39 ; 1969, 27 ; 1970, 70 ; 1971, 64 [NdCB]
  • 24
    La mai­son d’éditions pro­duisit entre 1960 et 1980 : 101 30T/33 cm, 75 33T/17 cm, 34 45T et 58 cas­settes soit un total de 276. Ajou­tons que la pro­duc­tion discographique se maintint à un bon niveau entre 1964 et 1975, avec des pics en 1968–69 et 1972 et une chute en 1971, l’année de la mort de Gian­ni Bosio [NdCB]
  • 25
    Gian­ni Bosio, Del­la can­zone popo­lare…, op. cit., p. 283
  • 26
    Gian­ni Bosio, let­tre à Giuseppe Moran­di, cit., p. 186
  • 27
    La chan­son Con­tes­sa, dont le texte est repro­duit plus loin fut l’une des plus repris­es par les man­i­fes­ta­tions de 1968
  • 28
    Con­ver­sa­tion entre Gian­ni Bosio, Cesare Bermani, Clau­dio Berneri, Loren­za Bor­des, 14 avril 1970 [NdCB]
  • 29
    Rome. Le quarti­er et la lutte pour le loge­ment
  • 30
    Sur les événe­ments au Théâtre lyrique le 19 novem­bre 1969 et la « guerre de l’information » qui s’ensuivit, voir au chapitre 6 – Pao­lo Virno : Le tra­vail ne rend pas libre, et La stratégie de la ten­sion
  • 31
    Il me revien­dra de pub­li­er le pre­mier de ces livres : Pagine di guer­riglia. L’esperienza dei garibal­di­ni nel­la Valsesia, Sapere, 1971, vol. I. En effet, Gian­ni Bosio mou­rut cette année-là sans ter­min­er son Il trat­tore ad Acquane­gra, auquel il tra­vail­lait depuis 1958 et qu’il avait bien l’intention d’achever. Ce tra­vail sera pub­lié par mes soins chez De Dona­to en 1981 sous le titre Il trat­tore ad Acquane­gra. Pic­co­la e grande sto­ria in una comu­nità con­tad­i­na [NdCB]
  • 32
    Les 150 heures sont une con­quête syn­di­cale des ouvri­ers de la métal­lurgie (élargie ensuite à l’ensemble des ouvri­ers) qui imposèrent en 1972 que les employeurs finan­cent un dis­posi­tif de for­ma­tion con­tin­ue com­prise dans l’horaire de tra­vail. De fait, de nom­breux intel­lectuels proches du mou­ve­ment (enseignants, étu­di­ants) pos­tulèrent pour y enseign­er et il en naquit ce que l’on peut briève­ment retenir comme une « expéri­ence péd­a­gogique de mou­ve­ment » où ouvri­ers et intel­lectuels, enseignants et enseignés, ten­taient de mod­i­fi­er leur rap­port au savoir et à l’autorité savante
  • 33
    La « grande » Gio­van­na Daffi­ni (1914–1969) incar­ne à elle seule la chan­son pop­u­laire ital­i­enne et sa renais­sance dans les années 1960, quand elle est « décou­verte » par Gian­ni Bosio et Rober­to Ley­di. Repiqueuse de riz dès l’âge de 13 ans, elle inter­prétera le réper­toire des mon­dine, auquel elle saura imprimer, avec sa voix incom­pa­ra­ble, son style si par­ti­c­uli­er. Pen­dant la guerre, elle est aux côtés des par­ti­sans, avec son mari le vio­loniste Vit­to­rio Carpi, et enri­chit son réper­toire des chants des luttes sociales et de la résis­tance. Elle fera par­tie de la Nuo­va com­pa­nia del can­to popo­lare et par­ticipera à plusieurs spec­ta­cles, dont le célèbre Bel­la ciao, dont elle inter­prète la ver­sion orig­i­nale, ou Ci ragiono e can­to, sous la direc­tion de Dario Fo
  • 34
    L’Italia l’è mal­a­da est une chan­son poli­tique apparue en 1885 au cours du mou­ve­ment paysan de la boje, qui mobil­isa 40 000 ouvri­ers agri­coles dans la région de Man­toue. Le « doc­teur » était à l’époque Sar­tori, le meneur d’une des asso­ci­a­tions où s’organisaient les paysans. La chan­son a con­nu par la suite de nom­breuses ver­sions où le « doc­teur » appa­raît sous les traits de Garibal­di, Lénine, Togli­at­ti, Malat­es­ta… jusqu’à Mario Capan­na, l’un des lead­ers des luttes de 1968 à Milan. Voir au chapitre 5 – Des mess­es aux mass­es, les luttes à l’université catholique, p. 237 sqq
  • 35
    « Cela fait déjà quelque temps que nos fas­cistes / ne se font plus trop voir, sem­blent tou­jours plus tristes / peut-être ont-ils com­pris, s’ils ne sont pas stu­pides / que l’heure est venue des règle­ments de compte. / Allez l’heure est venue, la bataille fait rage… »
  • 36
    Cette chan­son me fut rap­portée dans un train par un anonyme ex-détenu en jan­vi­er 1978 et je l’ai notée. Comme on sait, Mario Sos­si fut enlevé le 18 avril 1974 parce que les BR le tenaient pour respon­s­able d’avoir manip­ulé l’instruction con­tre le groupe génois du « 22 otto­bre ». Elles demandèrent en échange – exacte­ment comme le dit la chan­son – la libéra­tion des détenus appar­tenant à ce groupe, dont Mario Rossi était l’une des fig­ures les plus remar­quables [NdCB]
  • 37
    Aujourd’hui retraité, Mario Sos­si a été élu en 2008 coor­di­na­teur d’Azione sociale (le par­ti d’Alessandra Mus­soli­ni) en Lig­urie, après avoir été can­di­dat au Con­seil com­mu­nal de Gênes dans les rangs d’Alleanza nazionale. Il a été égale­ment can­di­dat de Forza nuo­va (un par­ti qu’on peut qual­i­fi­er de néo­fas­ciste) aux élec­tions européennes de 2009. Le slo­gan des BR « Sos­si, fas­ciste, tu es le pre­mier sur la liste ! » n’était donc pas dénué de fonde­ment his­torique
  • 38
    Le texte de cette chan­son fig­ure au chapitre 5 – La bataille de Valle Giu­lia, p. 235
  • 39
    Pao­lo Pietrangeli, « Gli anni can­tati », in Mas­si­mo Ghirelli, 68. Vent’anni dopo, Edi­tori Riu­ni­ti, 1988, p. 200 [NdCB]
  • 40
    Tul­lio Savi, « Uti­liz­zazioni del­la ricer­ca ed elab­o­razione ide­o­log­i­ca », Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano n° 9–10, Ière série, 1968, p. 19 [NdCB]
  • 41
    Lui­gi Lon­go (1900–1980) ancien com­bat­tant de la Guerre d’Espagne, arrêté en 1940 par la police française puis incar­céré en Ital­ie jusqu’en 1943, résis­tant et mem­bre des Brigades Garibal­di aux côtés d’autres futurs dirigeants du PCI (Pajet­ta, Amen­dola, etc.), il est élu député en 1946. Il suc­cé­da à Togli­at­ti comme secré­taire général du PCI (1964–1972) et s’employa à définir une « voie ital­i­enne vers le social­isme »
  • 42
    Fer­ruc­cio Par­ri (1890–1981) est un ancien chef de la Résis­tance lié au Par­ti­to d’Azione (d’inspiration répub­li­caine et sociale-démoc­rate, l’un des sept par­tis qui com­po­saient le CLN), prési­dent du Con­seil et min­istre de l’Intérieur du gou­verne­ment d’union à l’issue de la guerre, séna­teur à vie en 1963. Il joue son pro­pre rôle en 1972 dans le film Il caso Mat­tei de Francesco Rosi. Lors de la grève du 30 juin 1960 à Gênes, il défile en tête du cortège des offi­ciels aux côtés des com­man­dants de la Résis­tance et de Lui­gi Lon­go
  • 43
    Giulio Andreot­ti (1919–2013) est une des prin­ci­pales fig­ures de la Démoc­ra­tie chré­ti­enne après guerre. Sept fois prési­dent du con­seil, huit fois min­istre, député sans inter­rup­tion de 1946 à 1991, date à laque­lle il est séna­teur à vie, il a pour­suivi son activ­ité poli­tique jusqu’à sa mort en 2013. Traduit en jus­tice en 1992 pour asso­ci­a­tion mafieuse et pour avoir com­man­dité l’assassinat d’un jour­nal­iste, il est d’abord relaxé (1999) puis con­damné en appel à 24 ans de prison (2002), avant d’être de nou­veau blanchi par la Cour de Cas­sa­tion en 2003
  • 44
    Les Cir­coli Otto­bre sont un réseau de lieux cul­turels créé par Lot­ta con­tin­ua au début des années 1970. Ils organ­isent des fes­ti­vals de théâtre ou de musique, des pro­jec­tions, des spec­ta­cles, édi­tent un bul­letin. L’auteur-interprète Pino Masi en sera le dirigeant jusqu’en 1975.
  • 45
    Comité pour la rétri­bu­tion du tra­vail domes­tique. Sur ces ques­tions, voir le chapitre 9, p. 445 sq
  • 46
    La Fed­er­azione gio­vanile comu­nisti ital­iani est l’organisation de jeunesse du PCI
  • 47
    Il a en effet fal­lu atten­dre avril 1974 pour qu’elles soient enreg­istrées, chan­tées par lui, dans son unique album, aux Dis­chi del Sole : Fab­bri­ca, galera, piaz­za (DS 1039/41) [NdCB]
  • 48
    101. Le texte de la chan­son fig­ure au chapitre 8 – La Nais­sance des Brigades rouges, p. 377. Sur la bataille du Cor­so Tra­iano, voir Nan­ni Balestri­ni, Nous voulons tout, op. cit
  • 49
    Gian­ni Bosio, Dal­la can­zone popo­lare…, op. cit., p. 284
  • 50
    Le Nuo­vo Canzionere ital­iano eut un « cor­re­spon­dant » très act­if en France, en la per­son­ne d’Aldo Vitale (décédé en 1986), fon­da­teur, en mai 68, du « Comité d’action étu­di­ants-enseignants pour la dif­fu­sion de la chan­son pop­u­laire et engagée », qui devien­dra l’année suiv­ante l’« Asso­ci­a­tion pour la dif­fu­sion de la chan­son pop­u­laire ital­i­enne », rat­tachée à l’UER d’italien et de roumain de l’université Paris III. De 1968 à 1979, cette asso­ci­a­tion organ­is­era en France, un très grand nom­bre de con­certs à la Mai­son d’Italie (dont Vitale était le directeur), où se pro­duisirent non seule­ment les nou­veaux can­tau­tori cités dans l’article, mais nom­bre de chanteurs et chanteuses pop­u­laires, jusqu’à un mémorable con­cert organ­isé au Théâtre de l’Aquarium, Car­toucherie de Vin­cennes, le 18 mars 1979, en clô­ture d’une « semaine de la cul­ture pop­u­laire ital­i­enne », où se pro­duisirent plusieurs généra­tions de chanteurs et musi­ciens de toute l’Italie.
  • 51
    104. Fondé en 1924 par Anto­nio Gram­sci, L’Unità est le jour­nal du PCI. Les fêtes de L’Unità, créées en 1945 en Lom­bardie avant de se généralis­er à l’ensemble du ter­ri­toire, sont organ­isées locale­ment par les sec­tions du par­ti dans les dif­férentes com­munes, aggloméra­tions ou provinces : con­certs, ren­con­tres, gas­tronomie, on retrou­ve dans les Fêtes de L’Unità l’ensemble des ingré­di­ents qui font la fête de l’Humanité en France, mais à une échelle locale.
  • 52
    105. Témoignage oral d’Ivan Del­la Mea recueil­li par Fab­rizio Borsel­la, Milan, 23 juil­let 1992
  • 53
    Radio Alice est une radio libre de l’Autonomie à Bologne. On peut lire la retran­scrip­tion de l’expulsion ici men­tion­née dans le n° 30 de la revue Recherch­es, Les Untorel­li, 1977
  • 54
    107. En 1980, la défaite ouvrière à la FIAT après 5 mois de con­tes­ta­tion mar­que la fin du cycle de luttes inau­guré en 1969. Voir à ce sujet les textes de Pao­lo Virno aux chapitres 6 (p. 299 sqq.) et 12 (p. 595 sqq.)