L’aire de la contre-culture

Il y avait suff­isam­ment de vital­ité et de nou­veauté dans les romans de Ker­ouac, la poésie de Gins­berg, les écrits de Miller, pour sus­citer jusqu’en Ital­ie une forte iden­ti­fi­ca­tion à des mod­èles de vie alter­nat­ifs. C’est à par­tir de là que com­mence à émerg­er, dans les villes de la pénin­sule, une aire de la con­tre-cul­ture. Ce sont les pre­miers voy­ages en Ori­ent à la recherche d’autres cul­tures, d’autres sagess­es, en dehors des normes blanch­es et occi­den­tales. La cri­tique des insti­tu­tions gagne du ter­rain: de la famille à l’école et à la trans­mis­sion des savoirs, du refus du monde du tra­vail à l’objection de con­science, de la cri­tique du con­cept de « folie » au refus des insti­tu­tions psy­chi­a­triques, du refus de la « jus­tice bour­geoise » au mot d’ordre d’abolition des pris­ons. Autour de la cri­tique des « insti­tu­tions totales », les beat ital­iens parvien­dront à for­mer de larges alliances, y com­pris avec les intel­lectuels révo­lu­tion­naires ou démoc­rates – qui pren­dront d’ailleurs directe­ment en main la suite des batailles sur ces ques­tions.

C’est à Milan en 1965 qu’apparaissent les pre­miers indices d’un « mou­ve­ment beat » ital­ien. Un groupe de « chevelus » loue une bou­tique viale Mon­ten­ero et la trans­forme en un lieu de con­vivi­al­ité. Armés d’une poly­copieuse et de ­tech­niques pour le moins créa­tives, ils impri­ment leur pro­pre jour­nal, d’abord inti­t­ulé Mon­do beat. Pour échap­per aux lois sur la presse et à l’obligation d’avoir un directeur de pub­li­ca­tion, il paraî­tra ensuite sous dif­férents noms: Urlo beat, Gri­do beat, etc., avec la men­tion « numéro zéro en attente d’autorisation ». Dans une sin­gulière alchimie, il mêle anar­chie, philoso­phies ori­en­tales, révolte exis­ten­tielle et batailles antiracistes sous l’égide de Mal­colm X, le leader des Blacks mus­lims améri­cains.

Beau­coup de « chevelus » vien­nent de la province; pour vivre, ils se débrouil­lent en ven­dant par exem­ple de petits bijoux (sur le mod­èle de leurs homo­logues anglais et améri­cains). Quiconque arrive au local de Mon­do beat y trou­ve fra­ter­nité et sou­tien de la part de la com­mu­nauté. Les beat sont non-vio­lents, et lorsque l’un d’entre eux est arrêté par la police, ils défi­lent avec des fleurs devant la Pré­fec­ture en signe d’entente paci­fique, mais non sans ironie. Ils se retrou­vent habituelle­ment à Brera (le quarti­er des artistes), mais ils com­men­cent rapi­de­ment à ressen­tir la néces­sité d’une expéri­ence plus authen­tique et plus com­mu­nau­taire, sur le mod­èle du mou­ve­ment hip­pie. Beau­coup plus nom­breux, et plus « social­isés », les hip­pies vont inté­gr­er l’expérience cul­turelle des beat et la rad­i­calis­er en axant cen­trale­ment leur pra­tique sur la ques­tion de la « com­mune », de la vie en groupe où l’expérience poli­tique du dis­sensus est indis­so­cia­ble de la dimen­sion quo­ti­di­enne et inter­per­son­nelle. Comme on allait le dire un peu plus tard: « ceux qui par­lent de révo­lu­tion et de luttes de class­es sans se référ­er explicite­ment à la vie quo­ti­di­enne, sans com­pren­dre ce qu’il y a de sub­ver­sif dans l’amour et de posi­tif dans le refus des con­traintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre

1108. Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes généra­tions, Gal­li­mard, 1967

. »

« Parce qu’ils par­tic­i­paient d’un mou­ve­ment plus vaste de refus de la civil­i­sa­tion cap­i­tal­iste, les hip­pies com­mencèrent par essay­er de créer une réal­ité alter­na­tive dans la ville même, sur le mod­èle de la free city, autour de lieux com­mu­nau­taires d’assistance et d’entraide mutuelle

2109. Le texte qui suit est tiré de Vivere insieme (il libro delle com­mune), op. cit

[…]. Plus tard, ils aban­don­nèrent le ter­ri­toire urbain pour s’approprier une autre dimen­sion exis­ten­tielle, celle de l’environnement et de la nature. Back to nature.

Mais le phénomène com­mu­nau­taire a d’abord gran­di dans la rue. Au plan super­struc­turel, la rue est l’espace de représen­ta­tion et d’affirmation du cap­i­tal, et l’aliénation qui en résulte anni­hile toute pos­si­bil­ité de rap­port entre l’homme et son milieu. Il est cepen­dant pos­si­ble de mod­i­fi­er l’habi­tat*, y com­pris en pro­fondeur, en inter­venant sur ses struc­tures matérielles et en agis­sant sur les usages fac­tices qu’il impose. C’est ce que firent les hip­pies, et à leur suite les “poli­tiques”, avec le mot d’ordre: “Prenons la ville”

3110. « Pren­di­amo­ci la cit­tà » sera un slo­gan du groupe extra­parlemen­taire Lot­ta con­tin­ua, un « pro­gramme qui doit nous per­me­t­tre d’interpréter une phase de la lutte de classe et de lui don­ner une ori­en­ta­tion poli­tique […] L’usine est dev­enue le lieu où, à tra­vers les débrayages, les assem­blées, les défilés, l’unité de classe des ouvri­ers s’est recom­posée et organ­isée. De même “pren­dre la ville” veut dire en finir avec la désagré­ga­tion du pro­lé­tari­at, avec le con­trôle exer­cé sur les mass­es par la soli­tude, l’exploitation économique, l’idéologie bour­geoise, pour pro­duire leur con­traire, l’unité pro­lé­tari­enne com­plète, non plus seule­ment con­tre la pro­duc­tion cap­i­tal­iste, mais pour le droit de tous à une vie sociale com­mu­niste libérée du besoin, saine et heureuse. » (Lot­ta con­tin­ua n° 20, novem­bre 1970, pub­lié dans Les Temps mod­ernes n° 303, octo­bre 1971)

.

La redé­cou­verte qu’il était pos­si­ble d’enter en con­tact direct avec la com­mu­nauté urbaine, cette réal­ité qui était l’expression de la cul­ture dom­i­nante, et par con­séquent de la classe dom­i­nante, fut incroy­able­ment por­teuse d’énergies nou­velles. Vivre à tous les coins de rue, habiter les places prit un sens révo­lu­tion­naire: il fal­lait banalis­er le ter­ri­toire enne­mi, la ville, pour en faire un usage nou­veau, un usage humain. Ce que peu­vent avoir gardé pour nous de mythique les noms de Brera, Cam­po dei Fiori, Vil­lage, le Dam, Pica­dil­ly, est lié à ce sou­venir: ce sont ceux des pre­mières com­mu­nautés alter­na­tives, des pre­mières “zones libérées” […].

[…] La cul­ture hip­pie, aux États-Unis, en Ital­ie et ailleurs, a été une cul­ture orale et même, pour­rait-on dire, une cul­ture visuelle: il n’y avait pas meilleur moyen pour la dif­fuser que ces com­mu­nautés urbaines qui avaient sur­gi dans les rues. Les cheveux longs expri­maient le refus, les vête­ments déchirés dis­aient le rejet du con­cept bour­geois de bien­séance […]. Un vête­ment volon­taire­ment déchiré n’a rien à voir avec un vête­ment pau­vre. Car si le sec­ond ne réfère qu’aux lois de l’économie, le pre­mier (qui est le vête­ment hip­pie) est le signe d’une richesse cul­turelle cachée […]. L’apparence extérieure deve­nait un moyen de com­mu­ni­ca­tion, qui per­me­t­tait de dis­tinguer immé­di­ate­ment l’ami de l’ennemi et, de recon­naître par con­séquent les mem­bres des pre­mières éphémères com­mu­nautés alter­na­tives […]. Si tu es sale et dépe­nail­lé, tu as peu de chance de fréquenter une mai­son bour­geoise, si tu as les cheveux telle­ment hir­sutes que tu ne peux pas les coif­fer, tu as peu de chance de trou­ver un tra­vail “respectable”. »

De fait à Milan (qui est alors une sorte de référence régionale) et dans d’autres villes, les beat-hip­pies vont chercher, par-delà la très grande frag­men­ta­tion des groupes et la diver­sité des éti­quettes, à fab­ri­quer leurs pro­pres out­ils de com­mu­ni­ca­tion. Mon­do beat, le pre­mier jour­nal under­ground ital­ien, sort en novem­bre 1966, et il devient rapi­de­ment la feuille de liai­son et d’information des dif­férents groupes act­ifs en Ital­ie. Le plus impor­tant d’entre eux est sans doute Onda Verde, qui se dis­tingue à la fois par sa grande richesse cul­turelle et par l’ampleur de son pro­jet poli­tique. Son fon­da­teur, Andrea Val­carenghi, sera ensuite l’instigateur de Re nudo

4111. Re nudo est une revue de con­tre-cul­ture fondée à Milan en novem­bre 1970. Il en sera de nou­veau ques­tion au chapitre 10 – Par­co Lam­bro ou la fin de l’idéologie de la fête, p. 487 sqq

, et restera longtemps l’une des fig­ures majeures de la con­tre-cul­ture. Le pre­mier numéro de Mon­do beat fait état de la fusion en cours entre les groupes beat, Provos et Onda Verde, act­ifs surtout à Milan. « À par­tir de ce moment, Mon­do beat s’affirme comme la voix des « chevelus » en Ital­ie: il relaie leurs man­i­fes­ta­tions presque quo­ti­di­ennes, leurs grèves de la faim, il organ­ise l’agitation au plan nation­al (con­tre le coup d’État en Grèce, le racisme, la guerre du Viet­nam, les vio­lences poli­cières, etc.). La police et la presse en font la cible de leurs attaques. Après quelques numéros, une scis­sion fait suite à la déci­sion de cer­tains rédac­teurs de faire éditer le jour­nal chez Fel­trinel­li (que les dis­si­dents qual­i­fi­aient d’« édi­teur de mes bou­tons » en référence à sa pro­duc­tion de gad­gets

5112. Fel­trinel­li com­mer­cial­i­sait des livres assor­tis de badges ornés de slo­gans. À la une du n° 4 de Mon­do beat, en mai 1967, on pou­vait lire, entre autres mots d’ordre : « Fel­trinel­li, la con­tes­ta­tion de mes bou­tons. »

). C’est ain­si que prend fin la pub­li­ca­tion de Mon­do beat, bien­tôt rem­placé par Urlo e Gri­do beat, tan­dis que dans d’autres villes les jour­naux alter­nat­ifs se mul­ti­plient

6113. Mon­do beat, n° 1, mars 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, Arcana, 1971, rééd. DeriveAp­pro­di, 2008

. »

Méthodologie provocatrice de l’Onda Verde

7114. Ibi­dem

a) Pourquoi l’Onda Verde? Le mou­ve­ment de la nou­velle généra­tion en Ital­ie doit faire face à cer­tains risques, qu’un seul terme suf­fit à désign­er: l’assimilation. Essayons d’en énon­cer quelques-uns.

1) L’importante frag­men­ta­tion des groupes. Cela peut sig­ni­fi­er une faible capac­ité à con­cen­tr­er les forces, l’éparpillement des actions, l’accumulation con­fuse des sigles, l’absence de com­mu­ni­ca­tion entre les groupes. (Mais c’est aus­si une don­née très intéres­sante qui implique le refus de l’organisation bureau­cra­tique et de la con­cen­tra­tion des pou­voirs, le choix de la respon­s­abil­ité directe et de l’autogestion dans les pris­es de déci­sion, des modes d’intervention ponctuels et situés.)

2) L’instrumentalisation par les organ­i­sa­tions poli­tiques. Une opéra­tion de ce type est spé­ciale­ment dans les cordes du PCI et des divers­es sectes para­com­mu­nistes; elle se traduit par la perte de notre autonomie de mou­ve­ment et notre ­réduc­tion au rang de pié­taille.

3) L’instrumentalisation par des groupes cul­turels et liés au pou­voir économique. Assim­i­la­tion par la cul­ture et le marché: c’est le dan­ger que nous oppose une bour­geoisie par­ti­c­ulière­ment habile et rouée en la matière.

4) La con­fu­sion dans les pro­grammes et un faible niveau de con­science des méth­odes et des résul­tats de l’action dans la société. Le risque est que le mou­ve­ment général de la jeunesse ne parvi­enne pas à con­som­mer la rup­ture avec le « vieux monde », à couper le cor­don pour libér­er un flux d’action con­tinu, qui parte d’un ensem­ble de sit­u­a­tions A pour arriv­er à un ensem­ble B, puis de B à C, etc.

b) Face à ces risques, l’Onda Verde s’est don­né pour tâche de tra­vailler à une con­science générale des méth­odes et des résul­tats; à une base méthodologique com­mune pour chaque type d’action.

Tout cela (cf. Marisa Rus­coni, Il Giorno, et toutes sortes de cul­tureux) nous a immé­di­ate­ment valu d’être taxés d’« intel­lectuels », qual­i­fi­ca­tion immé­di­ate­ment exploitée pour créer des fric­tions entre les groupes. Pour le dire plus pré­cisé­ment: tan­dis que cha­cun s’accorde sur la zoolo­gie du chevelu protes­tataire roman­tique avec des anneaux dans le nez et le cerveau ramol­li, on cherche scrupuleuse­ment à tir­er de lui tout ce qui est assim­i­l­able aux caté­gories cul­turelles et philosophiques en vigueur, à créer en somme et à faire prospér­er le « beat de salon ».

Cela nous a défini­tive­ment per­suadés de la néces­sité d’une prise de con­science générale sur la ques­tion des méth­odes. Et aus­si de la néces­sité d’un mou­ve­ment qui agit à dif­férents niveaux, de manière à empêch­er la déf­i­ni­tion, la clas­si­fi­ca­tion, l’étiquetage et l’archivage (un Fan­tô­mas qui passe naturelle­ment de la piaz­za di Spagna à la RAI-TV pour tromper la sur­veil­lance du zoo­logue et des agents de la four­rière qui le pis­tent).

c) Notre pre­mier geste a été de pren­dre con­tact avec le plus grand nom­bre pos­si­ble de groupes paci­fistes, beat, provos, pour éla­bor­er une méth­ode com­mune et un pro­gramme pré­cis. Nous avons trou­vé une pre­mière base d’accord dans le refus méthodologique de la vio­lence, men­tale et physique. Du même coup est apparu le pre­mier objec­tif con­tre lequel agir de manière cohérente: la vio­lence sous toutes ses formes, en tant qu’elle est un obsta­cle à la lib­erté de choix.

Ces deux pre­mières déf­i­ni­tions ont servi à pos­er un diag­nos­tic: le sys­tème social actuel des « bour­geois » ou des « ven­tres mous » est né de la vio­lence, il s’est fondé sur la vio­lence, laque­lle est d’autant plus funeste qu’elle est à la fois cachée et ordi­naire.

Il s’agissait dès lors de choisir les MÉTHODES pré­cis­es et OUVERTEMENT assumées sus­cep­ti­bles de pro­duire, en sit­u­a­tion, les RÉSULTATS idoines.

Tout ceci, nous allons l’exposer briève­ment; nous pré­cisons que nos propo­si­tions ont emporté jusqu’ici une large adhé­sion.

Méthodologie stratégique

Par­ler de méthodolo­gie, que cela soit dit une fois pour toutes, ne sig­ni­fie pas pour nous « tenir salon sur les méth­odes » ou éla­bor­er une « cul­ture des méth­odes ».

Nous par­lons de méth­odes parce que nous en avons ter­miné avec toutes les espèces d’idéologies axioma­tiques et de philosophades métaphoriques. DERRIÈRE, il y a toutes ces choses qui « comptent » et dont nous ne voulons pas: une généra­tion qui a sur le dos les guer­res mon­di­ales, les ghet­tos, les nazis et les stal­in­ismes en tout genre; les autorités, la famille, la répres­sion sex­uelle, la société de con­som­ma­tion, la guerre et les armées, les prêtres, les policiers, les cul­tureux, les péd­a­gogues et les dém­a­gogues.

Ce n’est même pas la peine de par­ler de tout ça. Ceux qui dis­ent quelque chose, ce sont les jeunes qui s’enfuient de chez eux, qui descen­dent dans la rue et qui provo­quent, qui déser­tent les organ­i­sa­tions de l’Église, de l’école et des par­tis. Si vous avez besoin de par­ler de cela, vous n’avez rien com­pris, vous ne savez même pas où vous êtes. Vous voulez seule­ment de nou­velles « prob­lé­ma­tiques », des « débats », c’est-à-dire de l’eau au moulin du marché, qu’il soit cul­turel ou non. Nous, nous voulons chang­er tout de suite et d’urgence les sit­u­a­tions qui nous envi­ron­nent. Pour cela il faut agir et provo­quer. Pour pou­voir le faire ensem­ble, de manière inci­sive – et que les résul­tats suiv­ent – nous devons adopter des méth­odes effi­caces, adéquates aux objec­tifs de notre action, claires et uni­vo­ques.

La vieille généra­tion, qui détient ou sou­tient ou subit le con­trôle social et la répres­sion, doit mourir avant nous. Les ven­tres mous (leurs idéolo­gies, leurs appareils, leurs méth­odes) ne doivent pas sur­vivre à leur mort naturelle, il ne faut pas que le passé revi­enne dans notre futur. L’inévitable renou­velle­ment biologique doit se muer en renou­veau général. À cette fin, nous avons adop­té la méth­ode de la provo­ca­tion.

Elle doit pro­duire deux résul­tats: r) « rompre » avec la vieille généra­tion. Celle-ci doit être désori­en­tée, ridi­culisée, con­trainte à déballer son linge sale, à laiss­er appa­raître la vio­lence sur laque­lle elle s’appuie de manière plus ou moins dis­simulée. La sépa­ra­tion crée la provo­ca­tion, la provo­ca­tion accentue la sépa­ra­tion entre les respon­s­abil­ités; rr) fab­ri­quer un tam-tam per­ma­nent, un émet­teur, un sig­nal qui soit vis­i­ble de partout.

Tous les jeunes doivent réalis­er que nous vivrons après (= il est pos­si­ble de créer une sit­u­a­tion rad­i­cale­ment dif­férente, c’est à nous de la con­stru­ire, de la vouloir, d’avoir une con­science claire des méth­odes pour y par­venir, pour la ren­dre con­crète). Il faut qu’on sache que nous sommes ici, ce que nous faisons et com­ment; on pour­ra tou­jours dis­cuter de ce qu’on peut faire de plus et de com­ment le faire mieux.

Méthodologie tactique

Il s’agit avant tout, de four­bir nos armes pour agir, d’établir les points d’appui à par­tir desquels provo­quer et trans­former. Par con­séquent (et on s’en occupe déjà) : un organe d’information aut­o­fi­nancé, un quarti­er et des lieux occupés pour se retrou­ver en fonc­tion des objec­tifs.

Opéra­tions pro­gram­mées:

A) Des man­i­fes­ta­tions de masse avec usage de la désobéis­sance civile et de la résis­tance pas­sive. Des méth­odes de provo­ca­tion ironiques ou sar­cas­tiques, des­tinées à met­tre en évi­dence des réac­tions hys­tériques ou vio­lentes. Rap­pelons sim­ple­ment la « man­i­fes­ta­tion des fleurs », quand la police a chargé des jeunes qui rendaient des hom­mages flo­raux.

B) Des man­i­fes­ta­tions per­ma­nentes, des man­i­fes­ta­tions-spec­ta­cles, comme celle qui aura lieu dans quelques jours. À l’heure de pointe, des indi­vidus tra­verseront le cen­tre-ville en ordre dis­per­sé. Sur leurs vête­ments seront inscrits des slo­gans comme: Ren­trez vite à la mai­son, Carosel­lo va com­mencer; Le pdt Moro est amu­sant et assez bon pour la san­té; Ami, la guerre c’est une bonne affaire: investis ton fils; Le prési­dent John­son vous offre des vacances gra­tu­ites au Viet­nam: émo­tions garanties.

En d’autres ter­mes, le ven­tre mou ne doit plus pou­voir se dérober aux stim­uli: il doit être désori­en­té et tra­vail­lé de biais. C’est encore mieux si la chose est amu­sante (pour ceux qui la font) et devient une mode.

C) L’appel en direc­tion de la jeunesse doit être mené dans les écoles et dans les lieux que fréquentent les jeunes, en util­isant des méth­odes nou­velles comme le mes­sage télé­phonique, le tract-enquête, le hap­pen­ing poli­tique, la fête-con­grès.

D) On pro­gramme le sab­o­tage, avec l’infiltration provo­ca­trice des organ­i­sa­tions de jeunesse de l’école, de l’Église ou des par­tis qui utilisent les jeunes comme masse de manœu­vre et inhibent leur action autonome.

E) Propo­si­tion de « Plans Blancs » à dif­fuser large­ment et à impos­er à l’attention générale par la provo­ca­tion directe. Ils abor­dent des ques­tions qui sont de fait nég­ligées, et pas par hasard. Exem­ples: PB pour l’« âge blanc »: nou­velle lég­is­la­tion sur les mineurs; PB pour les « chem­inées blanch­es »: con­tre la pol­lu­tion; PB pour « l’homme blanc »: pour la con­tra­cep­tion et la lib­erté sex­uelle; PB pour « les bicy­clettes blanch­es »: inter­dic­tion de la voiture dans le cen­tre his­torique.

i) Quand une société indus­tri­al­isée atteint un stade avancé de développe­ment économique et tech­nologique, la con­som­ma­tion s’accroît et chaque classe ou groupe social est grat­i­fié d’une part de la Grande Tarte à la Crème.

Ceux qui cri­ent le plus fort et sont supérieurs en nom­bre parvi­en­nent à obtenir une plus grande part de marchan­dis­es. Dans ce cas, les forces qui pour­raient saper l’organisation sociale des activ­ités men­tales et trans­for­ma­tri­ces sont élim­inées. Plus le niveau de con­som­ma­tion est élevé, plus les ouvri­ers et les paysans sont absorbés par le sys­tème, dont ils se retrou­vent les défenseurs et les gar­di­ens.

C’est de cette sit­u­a­tion que naît le mou­ve­ment des jeunes. Ce sont des beat, il s’agit donc d’un mou­ve­ment étu­di­ant de type améri­cain, mais ils con­stituent L’UNIQUE FORCE SOCIALE RÉELLEMENT AGISSANTE POUR COMBATTRE LES MODÈLES SOCIAUX ÉTABLIS À DIFFÉRENTS NIVEAUX (PSYCHOLOGIQUE, ÉCONOMIQUE, CULTUREL, SEXUEL), POUR COMBATTRE LES GROUPES DE POUVOIR ET LES HIÉRARCHIES AUTORITAIRES QUI, DANS LES FAITS, SOUTIENNENT CES MODÈLES.

En Ital­ie coex­is­tent plusieurs réal­ités dont les dif­férences tien­nent moins à leur méth­ode d’action qu’à leur niveau de con­science: du yé-yé au « chevelu », du protes­tataire générique au groupe agis­sant selon des méth­odes claires et con­scientes. Tous ces stades sont néces­saires au mou­ve­ment général.

ii) Les méth­odes des beat­niks et celles des Provos ne sont pas très éloignées et sont tou­jours com­plé­men­taires dans la sit­u­a­tion qui est la nôtre.

Les beat sont des jeunes qui s’enfuient de chez eux, des inadap­tés qui refusent de vivre comme le pre­scrit la société du bien-être. Et cela est néces­saire.

Les Provos s’attachent, par la « provo­ca­tion », à main­tenir une « tem­péra­ture sociale » élevée. C’est ain­si qu’on évit­era au mou­ve­ment des jeunes de tourn­er en vase clos, et de se laiss­er facile­ment isol­er, ignor­er et digér­er par la société. Et cela aus­si est néces­saire.

L’Onda Verde aus­si a adop­té la méth­ode de la provo­ca­tion. Mais « en sit­u­a­tion », elle a deux autres objec­tifs:

– dévelop­per la réflex­ion sur les méth­odes et sur la con­science générale de ces méth­odes pour éviter des oppo­si­tions stu­pides, dues à des dif­férences nom­i­nales et à des diver­gences d’« idées » plus qu’à des désac­cords sur les actions con­crètes et les méth­odes;

– occu­per l’espace lais­sé vacant dans les écoles par l’absence d’un mou­ve­ment étu­di­ant réelle­ment offen­sif et libéré de l’influence des par­tis. Et cela aus­si est néces­saire.

iii) Oubli­er ces points fon­da­men­taux c’est n’avoir rien com­pris, c’est réduire le mou­ve­ment à un phénomène provin­cial, à une série de « faits per­son­nels » sans aucune sig­ni­fi­ca­tion opéra­toire.

(Mar­co Daniele, Onda Verde Pro­vo)

Naturelle­ment, les espaces libérés que les beat-hip­pies ten­taient d’organiser furent partout l’objet de vio­lentes attaques de la part de la presse bour­geoise (Il Cor­riere del­la Sera, notam­ment, leur a livré une bataille aus­si vul­gaire que forcenée) ; ils sont regardés avec méfi­ance et intolérance par les bien-pen­sants (on se sou­vient de l’épisode où des chevelus furent « ton­dus » par des para­chutistes dans les rues de Novara sous les applaud­isse­ments des pas­sants) et dure­ment réprimés par la ­police (avec de fréquents pas­sages à tabac, des cen­taines d’interdictions du ter­ri­toire, des nuits au poste et en prison). Les beat répon­dent par la non-vio­lence: ils offrent des fleurs aux policiers, s’enchaînent dans la rue, com­men­cent à écrire des slo­gans sur leurs blousons et leurs t‑shirts (une pra­tique qui, par-delà toutes les entre­pris­es com­mer­ciales, se per­pétuera jusqu’à aujourd’hui) ; ils fab­riquent des out­ils d’analyse con­tre-cul­turelle de plus en plus élaborés, se mêlent à la con­tes­ta­tion étu­di­ante nais­sante (un long entre­tien don­né à la Zan­zara, le jour­nal du lycée Pari­ni, est cen­suré par la direc­tion) et rad­i­calisent une oppo­si­tion déjà pro­fonde à un « sys­tème des par­tis » totale­ment inca­pable de com­pren­dre leur révolte exis­ten­tielle.

Lettre au parti

8115. Mon­do beat, n° 1, mars 1967

Cher Par­ti,

il est par­faite­ment inutile que Vous per­sistiez à déclar­er à droite à gauche que Vous êtes du bord qui s’oppose à la droite, à la gauche, au cen­tre, au cen­tre-droit, au cen­tre-gauche, à la gauche-gauche, à la droite-droite. Vous ne menez qu’une seule poli­tique, celle de la col­lab­o­ra­tion pour la con­ser­va­tion du « trône ».

Il y a longtemps, alors que nous venions tout juste de naître, Vous vous êtes jeté tête bais­sée con­tre nous. Vous aus­si, et Vous surtout, vous aviez votre mot à dire. Alors, nous étions des cra­dos, des pouilleux, des par­a­sites, des exhi­bi­tion­nistes, des débiles, des inver­tis, des fainéants. Tout cela, vous l’avez abon­dam­ment répété, en bleu, en rouge, en blanc, en noir, en tri­col­ore, avec la fau­cille, avec le boucli­er, avec le flam­beau, avec les dra­peaux, avec le soleil, avec le marteau, avec la couronne. Tout cela ne nous plai­sait guère et pour­tant nous restions bouche cousue, bien sages et bien gen­tils. Mais à ce qu’il sem­ble, c’était encore trop. Humil­i­a­tions pour tout le monde, raclées pour les autres, lavage de cerveau pour le plus grand nom­bre. Les bas-fonds com­mencèrent à trans­met­tre cer­taines pul­sa­tions au cerveau, que celui-ci réper­cu­ta aux mains. Et nous avons ­com­mencé à penser. À Vous, cela va sem­bler bizarre, mais nous avons com­mencé à penser. Et nous avons com­mencé, à votre grand émer­veille­ment, à écrire; à écrire sur les blousons et sur les t‑shirts.

À ce stade, Vous vous êtes aperçu qu’il nous man­quait une véri­ta­ble cul­ture. Une cul­ture fondée sur l’expérience directe, selon les nou­veaux critères en vigueur. Et c’est ain­si que vous nous avez amenés dans ces pièces gril­lagées où l’on pou­vait ren­con­tr­er des pros­ti­tuées et des délin­quants. Et c’est ain­si que nous avons appris. Alors, nous avons fini par décoller de nos march­es, et nous sommes allés nous promen­er avec des pan­car­tes bras dessus bras dessous, quand elles n’étaient pas pen­dues à notre cou. En toute logique, nous avions demandé Votre per­mis­sion. Mais Vous, gros méchant, vous ne vouliez pas nous la don­ner: pour notre bien, naturelle­ment. Recon­nais­sants mais désobéis­sants comme tous les enfants, nous sommes quand même par­tis faire un tour avec nos braves ­pan­car­tes.

Vous, en bon père de famille, vous nous avez punis, enfer­més sans manger, sans piss­er; et puis s’il y en avait un qu’il valait mieux met­tre au pen­sion­nat, comme Vous êtes prévoy­ant, vous vous en êtes occupé. Ain­si, il ne fut plus notre cama­rade. Mais Vous, mal­heureuse­ment pour Vous, Vous ne vous aperce­viez pas que Vous accouch­iez sans cesse de nou­veaux enfants. Et les enfants sont devenus de plus en plus nom­breux et de plus en plus tur­bu­lents. Et vous n’arriviez plus à les con­tenir et à les édu­quer selon vos mod­èles. Main­tenant, les cra­dos com­men­cent à avoir l’air moins cra­do, main­tenant les pouilleux ne sont plus si pouilleux, main­tenant les par­a­sites com­men­cent à dis­paraître, main­tenant les exhi­bi­tion­nistes sont moins exhi­bi­tion­nistes, main­tenant les débiles ne sem­blent pas si malades, main­tenant les inver­tis sem­blent réin­té­gr­er leur sexe orig­inel, main­tenant les fainéants com­men­cent à se remuer. Et quand vien­dra le temps de trac­er une croix sur des petits bouts de papiers

9116. En Ital­ie, on vote en cochant

qui res­teront tout blancs, tous les cra­dos, les pouilleux, les par­a­sites, les exhi­bi­tion­nistes, les débiles, les inver­tis, les fainéants devien­dront tous de braves fis­tons, ils devien­dront tous de braves et de bons petits anges. Con­clu­sion: Vous, cher Par­ti, nous Vous fig­urons sous la forme d’un chau­dron, un chau­dron émail­lé de caca, odor­ant de caca, plein de caca. En clair, ce que nous voulons dire, étant don­né que Vous êtes dur à la com­prenette, c’est qu’avec nous ça ne prend pas. Vous jouez à un jeu, mais Vous n’avez per­son­ne avec qui jouer.

(The beatnik’s Clan, Mon­za)

La pra­tique des espaces libérés (com­munes urbaines, occu­pa­tion des rues et des places) con­tin­ue de se répan­dre mal­gré la répres­sion. Alors qu’à Rome, dans le quarti­er Tiburtino, les beat-hip­pies ten­tent une expéri­ence de free shop (un mag­a­sin où l’on peut s’échanger libre­ment des objets de tous les jours), à Milan ils louent un ter­rain au bout de la via Ripa­mon­ti pour y installer une com­mune à ciel ouvert. Nous sommes à l’été 1967. Le Cor­riere del­la Sera et les autres jour­naux la surnom­ment aus­sitôt « Bar­bo­nia City10117. Que l’on pour­rait traduire en sub­stance par « Clodoville » » et divaguent sur les « noces sac­rilèges » entre très jeunes gens, les drogues et les orgies sup­posées infester ce foy­er de mal­adies, ce refuge pour mineurs en fugue. Il n’en fal­lait pas davan­tage pour que la police se déplace, et c’est en effet ce qui arri­va. Le numéro 5 de Mon­do beat donne, en juil­let 1967, un long réc­it de l’expérience de « Bar­bo­nia City », à com­mencer par la ­descrip­tion du cli­mat qui règne en ville:

Milan en état de siège

11118. Mon­do beat, n° 5, juil­let 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, op. cit

Descente du SID

12119. SID est l’acronyme à la fois de Servizio infor­mazioni dife­sa, corps des ser­vices secrets ital­iens et, on le ver­ra dans la suite de ce texte, de Servizi immon­dizia domes­ti­ca, le ser­vice com­mu­nal des ordures ménagères à Milan

Postes de con­trôle sur les autoroutes qui mènent à Milan et à la gare Cen­trale, voitures de police patrouil­lant sans dis­con­tin­uer via Ripa­mon­ti, là où s’élevait la ville de tentes de « Mon­do beat », policiers en civ­il, policiers en tenue à tous les coins de rue, prêts à tomber sur QUICONQUE aurait les cheveux un peu longs et ne porterait PAS de cra­vate, quiconque serait en mini­jupe et SANS veste, inter­roga­toires sur les trot­toirs, inqui­si­tions: – qu’est-ce que tu as là? ouvre. Ils sont soupçon­neux, surtout quand ils voient des LIVRES et des PAPIERS, notes, cartes d’identité, cartes de la poste13120. Les « cartes de la poste », intro­duites en 1923, ser­vaient au guichet de la poste pour divers­es opéra­tions, mais fai­saient aus­si office de doc­u­ment d’identité. : pourquoi tu traînes? tu as une RAISON PARTICULIÈRE? – MILAN AUX MAINS DE LA POLICE C’EST C‑E-L‑A QUI SE PASSE AUJOURD’HUI.

COUP D’ÉTAT DU CORRIERE

il excite l’opinion publique la monte con­tre nous depuis des mois la crée l’interprète nous infor­mons avec des pan­neaux au camp­ing: BONNES GENS LE CORRIERE DELLA SERA RACONTE DES MENSONGES

(ingénus saints naïfs que nous sommes)

les révéla­tions et les arti­cles sur les « SCÉLÉRATESSES » qui se com­met­tent « AUX ABORDS DE L’IMPUDIQUE BIVOUAC » se suc­cè­dent à grand ren­fort de titres énormes et ridicules à base d’INDÉCENCE PATRIE DIGNITÉ ARROGANCE VIOLS IMPUDEUR SACRILÈGE ITALIE

il défend les mères d’Italie il se fait le porte-parole de leur « stu­peur » et de leur « effroi ». Les mamans déclar­ent en chœur avec les papas et les grands frères: « Ils affichent leurs pêchés » « Une maman n’aura jamais l’âme en paix tant qu’il y aura des gens comme ça ». Ceux qui s’agglutinaient par cen­taines à la clô­ture pour nous voir jouer au bal­lon avec l’espoir de voir la décence poussée hors de ses lim­ites et des cou­ples enlacés toute la journée « même entre hommes, vous savez… il faudrait vrai­ment les lynch­er, vous savez ». Le Cor­riere del­la Sep­pia

14121. Lit­térale­ment : le Cour­ri­er de la seiche. Mon­do beat mul­ti­pli­era les défor­ma­tions ironiques du titre du quo­ti­di­en du soir : Il Cor­riere del­la ser­va (de la ser­vante), Il Cor­riere del­la serpe (du ser­pent), etc

donne des nou­velles de plus en plus alar­mantes des « NUITS DE SANG SACRILÈGES » des « ARRESTATIONS DE VIOLEURS À L’IMMORAL CAMPING DES ­CHEVEUX LONGS » […].

Pen­dant ce temps l’air devient incan­des­cent. La société de con­som­ma­tion se défend et secrète des anti­corps pour nous expulser nous détru­ire NE PAS NOUS VOIR. Elle fait usage de tout l’arsenal du con­ser­vatisme: opin­ion publique jour­naux aux ordres jour­nal­istes de mau­vaise foi ou débiles (ils sont aus­si utiles, peut-être plus que les jour­nal­istes esclaves) police policiers intel­li­gents qui cog­nent et policiers intel­li­gents qui noti­fient la feuille de route l’interdiction du ter­ri­toire milanais et policiers très intel­li­gents qui souri­ent te VOUVOIENT et ne FONT pas BEAUCOUP DE BÊTISES.

Pen­dant ce temps quelqu’un se fait tabass­er et revient au camp­ing la tête en sang fra­cassée dans un bar dit-il où ils N’ONT PAS VOULU LE SERVIR PARCE QU’IL A LES CHEVEUX LONGS et PARCE QU’IL EST DU CAMPING. Il se passe des choses angéliques.

Et encore un élu social­iste inter­pelle Mon­sieur le Maire pour savoir « quelles mesures il entend adopter pour sauve­g­arder la DIGNITÉ et la MORALITÉ de Milan ». Les jour­naux font à cet événe­ment une pub­lic­ité énorme. LA NOTTE en tire glo­ri­ole et écrit que c’est grâce à ses bons ser­vices et à ses enquêtes que la ques­tion a été posée.

DEUX JOURS AVANT LA DESCENTE

Une ving­taine de voitures de police arrivent l’une après l’autre au camp­ing avec la croix verte et la police munic­i­pale une mère EXCITÉE fait du foin les policiers arrivent sur les dents ils vio­lent la pro­priété privée sur laque­lle s’élevait le camp­ing et que nous avons louée dans les formes la cir­cu­la­tion blo­quée des filles en robes à fleurs la foule applau­dit l’étroite Ital­ie se révèle. Inutile de dire qu’il n’y avait aucune rai­son d’entrer dans le campe­ment et de tir­er des coups de pis­to­let pour récupér­er un garçon qui s’est enfui de chez lui étant don­né que des cen­taines de mères sont venues de toute l’Italie et qu’à chaque fois on les a fait entr­er et qu’à chaque fois on les a aidées comme on a pu À RETROUVER LEURS ENFANTS PARCE QU’AU FOND ON SAVAIT BIEN QU’UNE MAMAN ÇA NE DONNE PAS LE CANCER et qu’une fois ren­tré à la mai­son il est tou­jours pos­si­ble de s’enfuir à nou­veau.

DEUX JOURS PLUS TARD

OPÉRATION EXTERMINATION

LA DESCENTE DU SID (ser­vice des ordures ménagères) EST SUR LE POINT D’ÊTRE DÉCLENCHÉE

HEURE X:

Cent policiers armés age­nouil­lés dans l’herbe et fidèles pour les siè­cles15122. « Nei sec­oli fedeli » est la devise des Cara­binieri atten­dent en retenant leur souf­fle ils encer­clent les ordres sont don­nés par radio ils FONT IRRUPTION ils abat­tent les tentes ils mal­trait­ent ils enquê­tent ils trans­portent ils insul­tent four­gons cel­lu­laires voitures de police sirènes cara­biniers unités homi­cides sym­pa­thiques agents mérid­ionaux hys­térie.

NOUS séraphins ensom­meil­lés ennuyés les suiv­ons. Quelqu’un se jette par terre il n’entend pas il ne voit pas il est traîné jusqu’au four­gon cel­lu­laire.

VIA FATEBENEFRATELLI16123. Cette rue abrite la Pré­fec­ture de police de Milan

des volées de milanais cri­ent pour encour­ager applaudir bénir con­seiller

AMOUR DE LA PATRIE

ILS APPLAUDISSENT

MORALITÉ PUBLIQUE

C’est la fête de l’hypocrisie de l’horreur du sexe du racisme du fas­cisme de la mau­vaise foi et de la bêtise.

ET PUIS

CELLULES DE GARDE À VUE

GRANDES SALLES

EN RANGS

MISES EN DEMEURE

ARRESTATIONS

INTERDICTION DU TERRITOIRE

DÉTENTION

SAN VITTORE BEAT17124. San Vit­tore est la plus impor­tante prison de Milan. Bec­ca­ria, dont il sera ques­tion plus loin, est la prison pour mineurs

DES DIZAINES DE BEAT À SAN VITTORE

DES LETTRES DE PRISON ARRIVENT À LA RÉDACTION

LES JEUNES MONTRENT LES BLEUS ET LES PANTALONS CROÛTEUX PELÉS D’AVOIR ÉTÉ TRAÎNÉS À TERRE

ALERTE!

N’EST-IL PAS POSSIBLE DE VIVRE EN DEHORS DE LA SOCIÉTÉ MARCHANDISE FRIC SANS CONSOMMER ET SANS SE FAIRE SUCER L’ÂME ET SANS QU’ON NOUS IMPOSE UN DÉGUISEMENT NON-­HUMAIN?

CE QUI A DÉCHAÎNÉ LE BRAS ARMÉ DU CONSERVATISME C’EST LE REFUS AFFICHÉ DE LA NORME LE MÉPRIS DES FAUSSES VALEURS CRÉÉES PAR LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION.

Les jour­naux exul­tent « RASÉ DE LA CARTE LE HONTEUX VILLAGE DE TOILE DES CHEVELUS OPÉRATION TERRE BRULÉE DU SERVICE DES ORDURES ET DU BUREAU D’HYGIÈNE SUR L’IMMORAL ­CAMPING »

[…]

REVENDICATIONS

1) JE VEUX POUVOIR VIVRE SOUS UNE TENTE sans que pour autant se déchaîne une ville entière sans que pour cela se névro­tisent les plus gros jour­naux d’Italie (vive l’Italie) la pré­fec­ture la télévi­sion et peut-être le min­istère de l’intérieur.

2) JE VEUX PRENDRE MA DOUCHE EN SLIP comme j’ai fait jusqu’aujourd’hui AU CAMPING DE MONDO BEAT.

3) JE VEUX FAIRE L’AMOUR DANS LA TENTE sans que pour cela des mil­liers de milanais s’amassent aux bor­ds du campe­ment pour nous sur­pren­dre à la sor­tie nous regarder excités par quelque chose que JE NE COMPRENDS PAS JE NE COMPRENDS PAS pourquoi ça impres­sionne telle­ment LA PLUS GRANDE ÉVOLUTION PRODUCTIVE MODERNE VILLE D’ITALIE VILLE DU PANETTONE ET DES CHAÎNES DE MONTAGE VILLE RICHE ET LABORIEUSE AVEC DES ASILES BEAUX COMME DES BUREAUX ET DES BUREAUX PROPRES AVEC DU CARRELAGE COMME LES ASILES AVEC DES JARDINETS COMME DES COURS DE PRISON ET DES COURS DE PRISON COMME DES CABINETS LA VILLE DE CAROSELLO ET DE BRAMIERI GINO ET DES GENS AU VISAGE VIOLACÉ ET L’INFARCTUS DANS LA MACHINE À LAVER ET LES ENFANTS CRÉTINISÉS DANS LES RUES ENFERMÉS À CLÉ DANS DES CUBES DE CIMENT VILLE DE JEUNES GAILLARDS ÉTUDES ET TRAVAIL RENDUS IDIOTS PAR LES SLOGANS PAR LES MÈRES PAR LES FIANCÉES PAR LES FEMMES NUES ET PAR LA FIAT 500 ET PAR LE SIX DE CONDUITE PAR LE PIPER ET PAR LE JOB QU’IL NE FAUT PAS RATER OU QU’IL FAUT ATTRAPER AU PLUS VITE PARCE QUE SANS ARGENT ON N’EST RIEN

VILLE D’ÉDITEURS QUI VENDENT DES LIVRES COMME DES SAVONNETTES ET DES SAVONNETTES COMME DES LAISSER-PASSER POUR L’ÉTERNITÉ VILLE DE PEINTRES ET DE POÈTES ET DE JOURNALISTES ENTASSÉS À BRERA OU DANS N’IMPORTE QUEL AUTRE ENDROIT TOUS AVEC UNE FLEUR DANS LE CUL VILLE DE JEUNES PROTESTATAIRES DE JEUNES REBELLES PERDUS DANS LES MOTS ET DANS LES RECHERCHES MÉTHODOLOGIQUES DE LUTTE TU LES VOIS BRANLEURS MENTAUX AVEC LEUR PISSE AU CUL ET LA PRAXIS ET LA CULTURE QUI FONT LES LÈCHE-CULS DE BIDET DE LIEUX CULTURELS

que pou­vons-nous revendi­quer nous qui avons quit­té les écoles et les familles et qui allons par l’Europe et par le monde avec un sac à dos et un sac de couchage et un slip de rechange, que pou­vons-nous deman­der à une ville comme celle-là à une Ital­ie comme celle-là à un monde comme celui-là? si ce n’est le droit DE PRENDRE SA DOUCHE EN SLIP.

Le reste ne nous vient que de nous-mêmes: l’Esprit est à l’intérieur de nous à l’intérieur de nous est la vraie lib­erté et DEHORS il n’y a que vide ou OBSTACLES à la réal­i­sa­tion de la CLARTÉ. Puisque la société ne craint qu’un seul adver­saire: L’HOMME, l’homme rare qui fait seule­ment CE QU’IL VEUT et À L’HEURE QU’IL CHOISIT, l’homme libre, l’homme qui veut rester en dehors de l’engrenage et qui est prêt à pay­er de sa soli­tude ou de sa pau­vreté un témoignage intérieur auquel il accorde une immense valeur, l’homme qui PORTE À L’INTÉRIEUR DE LUI LA MERVEILLE D’EXISTER, L’HOMME ALICE AU PAYS DES MERVEILLES INCAPABLE DE PRODUIRE ET DE CONSOMMER SELON UNE LOGIQUE ABSURDE ET ALIÉNANTE.

EN ITALIE COMME DÉJÀ DANS D’AUTRES PARTIES DU MONDE SURGISSENT CES NOUVELLES CONSCIENCES OU CES NOUVELLES INCONSCIENCES.

Au Camp­ing de Mon­do beat nous sommes venus de Rome de la Sicile de Son­drio de Bey­routh de la France de Naples d’Amsterdam de Berlin d’Athènes BEAUCOUP s’y sont arrêtés un ou deux jours puis sont repar­tis QUI SAIT OÙ À LA RECHERCHE DE QUELQUE CHOSE cer­tains sont restés plus longtemps dans l’espoir de POUVOIR DIRE le fond de leur pen­sÉÉ pour que LES AUTRES les con­tes­tataires cul­turels de la dernière heure ne dis­ent pas d’autres bêtis­es sur leur compte NE SPÉCULENT PAS sur leurs couilles en sueur sur leur cerveau cal­ci­fié sur leur méfi­ance envers les mots sur leurs menottes aux poignets sur leurs cheveux longs sur leur revon­al18Ou méthaquanol : drogue récréa­tive aux effets aphro­disi­aques qui pro­cure une sen­sa­tion de transe et d’euphorie sur leurs chaudes-piss­es sur leurs culs cassés sur leur feinte igno­rance sur leurs per­fu­sions à l’hôpital psy­chi­a­trique sur leurs nuits dans les chantiers merdeux ser­rés l’un con­tre l’autre sur leurs après-midi dans les pré­fec­tures ou dans les cel­lules de San Vit­tore sur leurs vom­is et sur leur faim d’amour et d’autoroutes.

C’EST LA RAISON POUR LAQUELLE SORT

CE NOUVEAU NUMERO DE

MONDO BEAT

PARCE QUE NOUS SOMMES DES CHEVELUS BEAT

agneaux errants anges fou­tus

Mon­tée en puis­sance des jeunes en Ital­ie

19126. S, n° 3, juin 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, op. cit

(n. b. : les don­nées qui suiv­ent sont tirées d’un fonds d’archives sur les activ­ités des jeunes en Ital­ie, que nous sommes en train de con­stituer. Il est prob­a­ble que quelques faits, y com­pris impor­tants, man­quent à notre recense­ment. Nous seri­ons heureux que l’on nous per­me­tte d’en combler les lacunes.)

1966

4 novem­bre: (Milan) Provos et beat appa­rais­sent pour la pre­mière fois dans la rue à l’occasion d’une man­i­fes­ta­tion anti­mil­i­tariste. Vit­to­rio Di Rus­so déchire publique­ment son passe­port en se déclarant « citoyen du monde ». Il écope d’une inter­dic­tion du ter­ri­toire.

pre­miers jours de novem­bre: début de l’activité d’Onda Verde.

10 novem­bre: un man­i­feste provo­ca­teur d’Onda Verde est dis­tribué à la sor­tie des écoles milanais­es. Une enquête effec­tuée peu de temps après dans les col­lèges et lycées de la ville établit que sur 500 élèves, 32% sont favor­ables à une poli­tique entière­ment admin­istrée par les jeunes.

15 novem­bre: Vit­to­rio Di Rus­so et « Pao­lo » Gerbino pub­lient le pre­mier numéro (poly­copié) de Mon­do beat (Milan).

fin novem­bre: les trois groupes milanais Provos, Onda Verde et Mon­do beat déci­dent d’agir ensem­ble sur la base de la méth­ode non-vio­lente.

À Turin, les étu­di­ants déci­dent d’exclure les asso­ci­a­tions des insti­tuts et se met­tent mas­sive­ment en grève

20127. Pour un éclairage sur les rap­ports entre les asso­ci­a­tions étu­di­antes et le mou­ve­ment, voir le chapitre 4 de ce livre, p. 173 sqq

.

28 novem­bre: les groupes milanais désor­mais alliés défi­lent à San Babi­la et s’enchaînent aux bar­rières du métro.

5 décem­bre: ces mêmes groupes offrent des fleurs aux policiers et aux pas­sants. La police frappe ceux qui dis­tribuent des fleurs.

17 décem­bre: (Milan) Provos et Onda Verde entrent à la Pré­fec­ture les mains en l’air. Beau­coup sont arrêtés et frap­pés dans les locaux de la Pré­fec­ture. Giu­liano Mod­esti d’Onda Verde finit à l’hôpital Fatebene­fratel­li.

18 décem­bre: les trois groupes milanais accor­dent à Paese sera leur pre­mière inter­view à la presse.

Nuit de noël: (Milan) man­i­fes­ta­tion uni­taire pour la paix. La police charge.

derniers jours de 1966: sor­tie du deux­ième numéro de Mon­do beat. Onda Verde y par­ticipe. Elle fait égale­ment cir­culer l’opuscule Méthodolo­gie provo­ca­trice.

À Rome la police com­mence son œuvre de bien­fai­sance en faveur des beat de la piaz­za di Spagna. Le groupe pro­vo Roma 1 s’est con­sti­tué.

1967

jan­vi­er: (Rome) Roma 1 dis­tribue le pre­mier numéro d’un jour­nal ronéo­typé. Le groupe ini­tie une série d’opérations qui cul­mineront avec l’arrivée de Wil­son à Rome. Le 24 décem­bre, un groupe de jeunes avait man­i­festé pour la fer­me­ture du Piper par la police.

8 jan­vi­er: (Milan) Provos et Onda Verde man­i­fes­tent con­tre l’agression mil­i­taire améri­caine au Viet­nam et déclar­ent la guerre aux États-Unis.

7–11 jan­vi­er: (Pise) les étu­di­ants se con­stituent en « front autonome » et occu­pent l’université.

27 jan­vi­er: les trois groupes milanais énon­cent leur pro­gramme devant des cen­taines de per­son­nes au cours d’un débat-fleuve à la Mai­son de la Cul­ture.

1er mars: sor­tie du troisième numéro (autorisé) de Mon­do beat, tou­jours avec la col­lab­o­ra­tion d’Onda Verde. Pub­li­ca­tion de Méthodolo­gie provo­ca­trice. 5000 exem­plaires sont dif­fusés lors d’une vente de rue. Les Provos con­tin­u­ent d’imprimer une feuille ronéo­typée à péri­od­ic­ité vari­able.

6–7 mars: grève de la faim de Mon­do beat con­tre la poli­tique du min­istère de l’intérieur et son bras armé polici­er. Tous les groupes man­i­fes­tent dans le cen­tre de Milan.

15 mars: Onda Verde pour­suit dans un cer­cle social­iste une longue série d’interventions dans des locaux poli­tiques et cul­turels. Sor­tie du qua­trième numéro de Mon­do beat-Onda Verde.

Par­tis, organ­i­sa­tions pro-chi­nois­es, pro-cas­tristes, indus­triels, soci­o­logues, psy­cho­logues, prêtres, con­tin­u­ent à faire des « propo­si­tions » à des fins de récupéra­tion.

dernières semaines de mars: les jeunes d’Onda Verde com­men­cent à déam­buler dans le cen­tre de Milan tous les jours à heure fixe, vêtus d’imperméables trans­par­ents sur lesquels sont inscrits des slo­gans provo­ca­teurs (« Le Prési­dent Moro est mignon et plutôt bon pour la san­té », « Allez Maman »). C’est ce qu’on appelle la « man­i­fes­ta­tion per­ma­nente ».

8 avril: tous les groupes milanais défi­lent dans les rues du cen­tre-ville pour l’interdiction de la guerre et l’abrogation des lois fas­cistes. La man­i­fes­ta­tion réu­nit 500 jeunes.

avril: (Rome) après Wil­son et Pod­gorni, Humphrey reçoit les tomates des Provos-Roma 1. Pinky, ani­ma­teur de Roma 1, est exilé à Fer­rare.

23 avril: en con­clu­sion d’une mal­heureuse série d’articles, L’Espresso pub­lie le texte remanié d’une longue inter­view qu’Onda Verde avait don­née à la Zan­zara et que la direc­tion du lycée avait aus­sitôt cen­surée.

26 avril: (Milan) man­i­fes­ta­tion con­tre la dic­tature grecque.

Le Cor­riere del­la Sera s’est d’ores et déjà engagé dans une cam­pagne de presse visant à obtenir la destruc­tion vio­lente des groupes paci­fistes. Une note de l’AIGA

21128. L’Asso­ci­azione ital­iana gio­vani avvo­cati, l’Association ital­i­enne des jeunes avo­cats

con­firme qu’il existe à cette fin des direc­tives pré­cis­es du gou­verne­ment de cen­tre-gauche.

6 mai: (Milan) Onda Verde et Provos défi­lent en por­tant des cer­cueils blancs et des chaînes dans les rues de Milan pour pro­test­er con­tre la guerre du Viet­nam.

Le Cor­riere inten­si­fie sa cam­pagne. La police com­mence à inter­venir dans le sens souhaité par le groupe Crespi

22129. La famille Crespi est pro­prié­taire de la société d’édition du Cor­riere del­la Sera

.

1er juin: (Milan) Andrea Val­carenghi d’Onda Verde expose publique­ment les motifs poli­tiques de son refus de porter l’uniforme.

2 juin: Onda Verde tente à l’improviste de détourn­er le défilé des voitures des sup­port­ers de la Juven­tus qui fêtent leur vic­toire au cham­pi­onnat, vers l’Arco del­la Pace où, durant la nuit, les chars de l’armée et les troupes sont rassem­blés pour la parade mil­i­taire. Andrea Val­caranghi, « Ombra », et Ali­gi Taschera sont arrêtés et incar­cérés dans la mat­inée pour avoir dis­tribué des tracts « exal­tant » les ver­tus civiques et poli­tiques de l’armée.

10 juin: la police fait une incur­sion dans le camp­ing de Mon­do beat. Les jour­naux « indépen­dants » jubi­lent.

12 juin: la police rase le camp­ing à 5 heures du matin. La chas­se au chevelu se pour­suit les jours suiv­ants. Grâce à Bec­ca­ria, à San Vit­tore et aux « inter­dic­tions du ter­ri­toire », Milan est net­toyée de ses beat, de ses Provos et de tous ceux qui auraient oublié de se met­tre en règle avec les dis­po­si­tions de la police en faveur des coif­feurs.

16 juin: seule Onda Verde est encore en mesure de descen­dre dans la rue. De grands pan­neaux défen­dant l’objection de con­science de Val­carenghi et Vas­sa­lo sont instal­lés piaz­za Duo­mo. La police inter­vient. Un cer­tain nom­bre de man­i­fes­tants entrent au siège du Cor­riere del­la Sera et dis­tribuent les « dix com­man­de­ments » du « bon jour­nal ». Andrea Val­carenghi se présente à la caserne de Cosen­za et refuse de porter l’uniforme. Peu après, il est trans­féré avec Vas­sa­lo à la prison de Gae­ta.

fin juin: les rescapés du mou­ve­ment beat essayent de relancer le jour­nal.

dans ce chapitre« Cesare Bermani: Il Nuo­vo Can­zoniere ital­iano, la chan­son sociale et « le mou­ve­ment »Under­ground et oppo­si­tion »
  • 1
    108. Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes généra­tions, Gal­li­mard, 1967
  • 2
    109. Le texte qui suit est tiré de Vivere insieme (il libro delle com­mune), op. cit
  • 3
    110. « Pren­di­amo­ci la cit­tà » sera un slo­gan du groupe extra­parlemen­taire Lot­ta con­tin­ua, un « pro­gramme qui doit nous per­me­t­tre d’interpréter une phase de la lutte de classe et de lui don­ner une ori­en­ta­tion poli­tique […] L’usine est dev­enue le lieu où, à tra­vers les débrayages, les assem­blées, les défilés, l’unité de classe des ouvri­ers s’est recom­posée et organ­isée. De même “pren­dre la ville” veut dire en finir avec la désagré­ga­tion du pro­lé­tari­at, avec le con­trôle exer­cé sur les mass­es par la soli­tude, l’exploitation économique, l’idéologie bour­geoise, pour pro­duire leur con­traire, l’unité pro­lé­tari­enne com­plète, non plus seule­ment con­tre la pro­duc­tion cap­i­tal­iste, mais pour le droit de tous à une vie sociale com­mu­niste libérée du besoin, saine et heureuse. » (Lot­ta con­tin­ua n° 20, novem­bre 1970, pub­lié dans Les Temps mod­ernes n° 303, octo­bre 1971)
  • 4
    111. Re nudo est une revue de con­tre-cul­ture fondée à Milan en novem­bre 1970. Il en sera de nou­veau ques­tion au chapitre 10 – Par­co Lam­bro ou la fin de l’idéologie de la fête, p. 487 sqq
  • 5
    112. Fel­trinel­li com­mer­cial­i­sait des livres assor­tis de badges ornés de slo­gans. À la une du n° 4 de Mon­do beat, en mai 1967, on pou­vait lire, entre autres mots d’ordre : « Fel­trinel­li, la con­tes­ta­tion de mes bou­tons. »
  • 6
    113. Mon­do beat, n° 1, mars 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, Arcana, 1971, rééd. DeriveAp­pro­di, 2008
  • 7
    114. Ibi­dem
  • 8
    115. Mon­do beat, n° 1, mars 1967
  • 9
    116. En Ital­ie, on vote en cochant
  • 10
    117. Que l’on pour­rait traduire en sub­stance par « Clodoville »
  • 11
    118. Mon­do beat, n° 5, juil­let 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, op. cit
  • 12
    119. SID est l’acronyme à la fois de Servizio infor­mazioni dife­sa, corps des ser­vices secrets ital­iens et, on le ver­ra dans la suite de ce texte, de Servizi immon­dizia domes­ti­ca, le ser­vice com­mu­nal des ordures ménagères à Milan
  • 13
    120. Les « cartes de la poste », intro­duites en 1923, ser­vaient au guichet de la poste pour divers­es opéra­tions, mais fai­saient aus­si office de doc­u­ment d’identité.
  • 14
    121. Lit­térale­ment : le Cour­ri­er de la seiche. Mon­do beat mul­ti­pli­era les défor­ma­tions ironiques du titre du quo­ti­di­en du soir : Il Cor­riere del­la ser­va (de la ser­vante), Il Cor­riere del­la serpe (du ser­pent), etc
  • 15
    122. « Nei sec­oli fedeli » est la devise des Cara­binieri
  • 16
    123. Cette rue abrite la Pré­fec­ture de police de Milan
  • 17
    124. San Vit­tore est la plus impor­tante prison de Milan. Bec­ca­ria, dont il sera ques­tion plus loin, est la prison pour mineurs
  • 18
    Ou méthaquanol : drogue récréa­tive aux effets aphro­disi­aques qui pro­cure une sen­sa­tion de transe et d’euphorie
  • 19
    126. S, n° 3, juin 1967, cité dans Ma l’amor mio non muore, op. cit
  • 20
    127. Pour un éclairage sur les rap­ports entre les asso­ci­a­tions étu­di­antes et le mou­ve­ment, voir le chapitre 4 de ce livre, p. 173 sqq
  • 21
    128. L’Asso­ci­azione ital­iana gio­vani avvo­cati, l’Association ital­i­enne des jeunes avo­cats
  • 22
    129. La famille Crespi est pro­prié­taire de la société d’édition du Cor­riere del­la Sera