Rossana Rossanda: Éloge des groupusculaires

L’été 1968 fut celui de la grande trans­mi­gra­tion. Les étu­di­ants qui étaient allés à Paris pour voir la Révo­lu­tion, et que son reflux rapi­de avait lais­sés per­plex­es, com­mençaient à recon­sid­ér­er l’expérience ital­i­enne, à se dire qu’elle repo­sait peut-être finale­ment sur des bases plus solides que cette soudaine flam­bée française, et surtout que ses enjeux restaient ouverts. Tout était encore en cours lorsqu’avait son­né l’heure de ces humiliantes vacances qui, qu’on le veuille ou non, avaient vidé les uni­ver­sités de leurs étu­di­ants et les villes de leurs habi­tants.

Pour la pre­mière fois, les jeunes décidèrent alors mas­sive­ment de par­tir ou de rester en ver­tu de logiques qui ne leur étaient pas per­son­nelles. Pour ceux qui restèrent, chaque mai­son devint une étape poten­tielle sur des routes qui par­taient de Berlin, de Paris ou de Lon­dres, et que sil­lon­nait une pop­u­la­tion légère en bagages, mais chargée d’une grande curiosité et d’expériences hale­tantes, sans oubli­er les gui­tares et les chan­sons. Résolue à vivre ensem­ble jour et nuit. On dor­mit dans les lits, sur les tapis, dans les couloirs et même dans la baig­noire de la mam­ma, laque­lle, à son retour, dut laver tous les draps de la mai­son et compter la vais­selle cassée. Dans les villes du cen­tre tran­si­taient aus­si ceux qui, depuis Milan ou Turin, par­taient à la décou­verte du Sud, en mis­sion dans la réal­ité peu bucol­ique et peu indus­trielle, fuyante, du midi.

Camp­ings et rassem­ble­ments furent autant de moyens de sor­tir des lieux et des hori­zons où l’on était né à la poli­tique, une façon de ren­con­tr­er les autres, nos sem­blables en tout; on se voy­ait dans une trans­mu­ta­tion com­mune. Times are chang­ing, partout. Cha­cun s’était d’abord con­stru­it dans sa sit­u­a­tion locale, et puis au print­emps les col­lec­tifs uni­ver­si­taires avaient com­mencé à établir entre eux de très pru­dents con­tacts, qui avaient abouti à une assem­blée à Venise aux pre­miers jours de juin, laque­lle avait appelé à une nou­velle ren­con­tre en sep­tem­bre.

Chaque fac­ulté pour­rait racon­ter, même dans ce moment de tran­si­tion, ­l’histoire qui a été la sienne. Une chose est cer­taine: après l’été allait com­mencer l’histoire des divi­sions de ce col­lec­tif de jeunes d’une même classe d’âge qui s’était for­mé depuis l’automne 1967. Et moins d’un an après, courant 1969, ces divi­sions allaient don­ner nais­sance à toute une rib­am­belle de par­tis ou de groupes de la nou­velle gauche, organ­isés à l’échelle nationale mais dis­tincts sur le plan local des matri­ces uni­taires du mou­ve­ment.

Pen­dant la pre­mière moitié de l’année 1968, c’est l’autonomie des réal­ités locales qui avait pré­valu. Elle était le reflet d’une cer­taine hési­ta­tion à pass­er de l’analyse à la propo­si­tion, de peur de figer les poten­tial­ités du mou­ve­ment qui sem­blaient ouvertes et infinies. À preuve, le suc­cès du Man­i­feste de l’Université néga­tive de Trente et la pro­por­tion­nelle infor­tune, au Palaz­zo Cam­pana, de toutes les propo­si­tions de plate-forme, même pro­vi­soires. Ce qu’on craig­nait surtout, c’était d’obtenir gain de cause, de voir la poussée con­tes­tataire absorbée par l’astucieuse élas­tic­ité du sys­tème. Les objec­tifs étaient « justes » dans la mesure où ils étaient incom­pat­i­bles, c’est-à-dire inas­sim­i­l­ables, impos­si­bles à domes­ti­quer. Mais la seule incom­pat­i­bil­ité réelle se situ­ait à l’intérieur même du mou­ve­ment. Ce fut sans doute, sur le plan théorique et poli­tique, la faib­lesse majeure des luttes étu­di­antes. C’est aus­si à cela que l’on peut mesur­er la matu­rité du mou­ve­ment ouvri­er de 1969 qui, lui, n’avait peur d’aucune plate-forme parce qu’il les con­sid­érait comme des ter­rains de con­quête, des trem­plins per­me­t­tant de repar­tir de plus belle, après avoir refait ses forces. Quoi qu’il en soit, dans les pre­miers mois de 1968, la logique du pur mou­ve­ment ren­dit super­flu tout con­tact per­ma­nent et sus­pecte toute « con­struc­tion hor­i­zon­tale ». Le mou­ve­ment, comme la grâce divine, était là où il était. L’été et surtout l’automne, avec les pre­mières luttes ouvrières, mod­i­fièrent cette per­cep­tion de soi, et c’est l’idée du mou­ve­ment comme essence de l’antagonisme qui l’emporta. Le mou­ve­ment était la poussée orig­i­naire, la « rai­son » de la masse. Au PCI aus­si, le con­cept de masse avait rem­placé celui de classe, mais avec une con­no­ta­tion inverse: la « masse » impli­quait des alliances avec la « démoc­ra­tie avancée », et jusqu’à des secteurs et des groupes de type « nation­al » ou « nation­al-pop­u­laire », ou opposés à l’autoritarisme cléri­cal per­sis­tant, etc. Pour 68, au con­traire, les mass­es étaient rich­es de nou­veaux sujets plus rad­i­caux: étu­di­ants, jeunes, mar­gin­aux, et même les femmes, qui don­naient une idée plus large de la classe, mais à gauche. L’expression « les idées justes des mass­es » se mit à sig­ni­fi­er « besoins », et les besoins dev­in­rent une alter­na­tive flu­ide, rad­i­cale, à l’immuabilité soci­ologique et au pro­gres­sisme d’une classe ouvrière objec­tive­ment exploitée mais sub­jec­tive­ment cor­rupt­ible. Autant les « besoins » ouvri­ers pou­vaient ressem­bler aux « besoins » bour­geois (davan­tage de salaire, davan­tage de loge­ments, davan­tage d’aides sociales, davan­tage d’école, etc.), autant ceux des nou­velles « mass­es » ne le pou­vaient pas

1 Sur cette con­cep­tion des besoins rad­i­caux dans la tra­di­tion marx­iste, on pour­ra se reporter à Agnès Heller, La Théorie des besoins chez Marx, op. cit. : « La ques­tion est la suiv­ante : com­ment une théorie rad­i­cale peut-elle devenir prax­is ? Com­ment peut-elle s’emparer des mass­es ? La réponse en est : “La théorie ne peut être réal­isée au sein d’un peu­ple que dans la mesure où elle est la réal­i­sa­tion des besoins de celui-ci. Une révo­lu­tion rad­i­cale ne peut être que la révo­lu­tion des besoins rad­i­caux” (Marx, Con­tri­bu­tion à la cri­tique de la philoso­phie du droit de Hegel ). »

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À la reprise du mou­ve­ment à l’automne 1968 et dans le foi­son­nement de textes qui en étaient issus, la ques­tion se posa de tiss­er des liens entre les dif­férents col­lec­tifs, par-delà la pru­dence des pre­mières réu­nions et des pre­mières ren­con­tres – toutes hor­i­zon­tales et coor­don­nées de manière informelle, toutes plus promptes à soulign­er les dif­férences qu’à dégager les bases d’une pos­si­ble unité. Et de fait, ce mou­ve­ment ne parvint jamais à s’unifier, pas même sous des formes con­sul­ta­tives et pro­vi­soires. Je ne saurais dire si cela était dû à sa nature pro­fonde et/ou à l’encombrant charisme de ses lead­ers, sou­vent perçu comme une mar­que d’hétérogénéité, comme un signe d’appartenance sym­bol­ique. Viale, Ros­tag­no, Sofri, Bob­bio, Boa­to, Cur­cio, Mor­den­ti, Flo­res, Capan­na, pour ne citer que les plus con­nus, autant de fig­ures qui résis­tent à toute ten­ta­tive d’assignation, si ce n’est qu’aucune de leurs qual­ités n’avait jamais été celles d’un leader. Ils n’étaient pas même tous de grands tri­buns, ce qui avait pour­tant été une car­ac­téris­tique com­mune à tous les lead­ers du passé.

La défense de l’autonomie des réal­ités locales du mou­ve­ment s’appuyait ­notam­ment sur deux argu­ments, qui fai­saient accord pour tous, excep­té pour les m‑l, lesquels n’avaient du reste pas atten­du 68 pour se struc­tur­er. D’une part, la con­cep­tion du mou­ve­ment comme irré­ductible aux insti­tu­tions, l’institution étant par nature figée et donc paralysante (cf. les échanges entre Jean-Paul Sartre et Il Man­i­festo sur les rap­ports entre mou­ve­ments et par­tis, qui furent essen­tiels pour l’expérience française de la Gauche pro­lé­tari­enne); de l’autre, la cri­tique de la forme-par­ti clas­sique (c’est-à-dire lénin­iste) du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, qui n’avait pas fait obsta­cle au « révi­sion­nisme » des com­mu­nistes his­toriques (quand elle ne l’avait pas favorisé).

L’efflorescence des dis­cours sur les « con­seils », la décou­verte de Rosa Lux­em­burg, qui n’était con­nue jusque-là en Ital­ie que par le tra­vail de per­son­nages sin­guliers comme Lelio Bas­so ou Luciano Amodio

2  De Lelio Bas­so il a été ques­tion au chapitre 2 (note 62, p. 91). Luciano Amodio (1926–2001), qui avait col­laboré avec Fran­co For­ti­ni à l’importante revue poli­tique et cul­turelle Il Politec­ni­co (1945–1947) fondée par Elio Vit­tori­ni, est l’auteur de l’introduction à l’édition ital­i­enne des Œuvres choisies de Rosa Lux­em­burg (Scrit­ti scelti, Avan­ti !, 1963). En 1965, il pub­lie dans les Quaderni pia­cen­ti­ni, n° 21, « Il con­trasto Lenin-Lux­em­burg sull’organizzazione del par­ti­to »

, et même le regain d’intérêt pour Pan­nekoek

3 Anton Pan­nekoek (1873–1960), auteur de Con­seils ouvri­ers [1946], Spar­ta­cus, 1982, avait dévelop­pé la thèse selon laque­lle le régime sovié­tique n’était pas une forme de social­isme, même défor­mée, mais un cap­i­tal­isme d’État. Voir égale­ment His­toire cri­tique de l’ultra-gauche, op. cit

(qui s’accommodait d’ailleurs fort bien du silence ou de l’inattention qui entourait les con­seils gram­sciens, ou même ce super-con­seil que fut la Com­mune de Paris, ignorée en Ital­ie autant qu’elle fut exaltée par la Révo­lu­tion cul­turelle chi­noise), furent la con­séquence de la seule « forme » dans laque­lle le mou­ve­ment se recon­nût: la démoc­ra­tie directe fondée sur le sys­tème des assem­blées et le man­dat direct, pro­vi­soire, con­traig­nant et révo­ca­ble.

Ce choix anti-insti­tu­tion­nel (au sens où il était con­traire à tout type de for­mal­i­sa­tion) avait deux prémiss­es ana­lyti­co-théoriques. Tout d’abord, l’expression directe et immé­di­ate des sujets devait être d’emblée con­sid­érée comme mûre, comme ne néces­si­tant aucune forme de médi­a­tion cul­turelle, et comme alter­na­tive en tous points. Et cette matu­rité des sujets rendait non néces­saire aus­si bien la dic­tature du pro­lé­tari­at que son corol­laire, le par­ti comme guide, qui venait se « surim­pos­er » au mou­ve­ment. Car le mou­ve­ment, dans son affir­ma­tion et dans son être même, sapait le fonde­ment de tous les pou­voirs con­sti­tués. Le com­mu­nisme deve­nait immé­di­ate explic­i­ta­tion de soi, sans médi­a­tions, il était le fruit d’une société cap­i­tal­iste avancée où la révo­lu­tion sociale pou­vait même se pass­er de la révo­lu­tion poli­tique. Je reprends ici, en forçant un peu le trait, un court arti­cle que j’avais écrit en 1969, « De Marx à Marx » (Il Man­i­festo, n°4, 1969), à un moment où cette posi­tion était d’ailleurs dev­enue tout à fait minori­taire. L’ensemble des mou­ve­ments furent de fait con­fron­tés au prob­lème de l’organisation, ou de la forme-par­ti, quel que soit le nom qu’on lui ait don­né. Ils se sen­taient por­teurs de valeurs qui réson­naient partout dans le monde, comme jamais cela ne s’était pro­duit sur une aus­si vaste échelle. Mais nulle part au monde le mou­ve­ment n’avait, à lui seul, réus­si à rem­plac­er l’existant. Au mieux il avait occupé un ter­rain, celui de l’enseignement supérieur en Ital­ie ou à la Freie Uni­ver­sität de Berlin – ten­ta­tive qui allait con­naître une réplique brève mais vio­lente dans les lycées à l’automne 1968. Le pou­voir, dans une manœu­vre presque géniale, s’était retiré de l’école, l’abandonnant à lui-même. Les uni­ver­sités et les lycées vécurent douloureuse­ment le retourne­ment de 1969 et se replièrent rapi­de­ment sur des objec­tifs aus­si mod­estes que fra­cas­sants: le 30 pour tous, les étu­di­ants provin­ci­aux, et plus tard la mini-réforme4 La « mini-réforme » de l’université qui fit suite aux mobil­i­sa­tions étu­di­antes de 1968–69 prévoy­ait notam­ment la sup­pres­sion de l’examen d’entrée et une mod­i­fi­ca­tion des cur­sus étu­di­ants, autant de sujets que, dans l’optique de 1968, on n’aurait pas hésité à qual­i­fi­er de syn­di­caux. Et en effet, ils étaient surtout portés par Potere operaio, qui voy­ait égale­ment dans la lutte pour le salaire un levi­er sus­cep­ti­ble de rompre les équili­bres du cap­i­tal (pour ne pas par­ler du salaire min­i­mum garan­ti, qui refleu­rit aujourd’hui dans l’aile droite de la social-démoc­ra­tie européenne5 Rossana Rossan­da ébauche ici une cri­tique du salaire garan­ti en tant que stricte vari­able des poli­tiques libérales, reprenant ain­si cer­tains argu­ments du PCI con­tre les reven­di­ca­tions du salaire garan­ti issues du pro­lé­tari­at non-garan­ti – dont il sera ques­tion notam­ment au chapitre 8).

Les lead­ers du mou­ve­ment sen­tirent donc, en cette fin d’année, qu’il fal­lait sor­tir de l’école et que, pour sor­tir de l’école, il fal­lait dépass­er l’éparpillement des dif­férentes uni­ver­sités et ouvrir un hori­zon plus vaste, sous peine de ne per­turber aucun équili­bre de fond (un « ghet­to doré dans un monde de merde » selon le mot de Ros­tag­no). Cette néces­sité de se rassem­bler sur un front com­mun, autour d’un même pro­jet, allait remet­tre en cause l’élément fon­da­teur de l’expérience du pre­mier 68: l’assomption de soi comme sujet capa­ble de lever le voile sur le sys­tème de l’homologation. Cette évo­lu­tion dure de l’automne 1968 jusqu’en 1969, quand, dans un con­texte social ren­du explosif par l’émergence du nou­veau mou­ve­ment ouvri­er, le mou­ve­ment étu­di­ant, loin de s’y jeter en bloc, se divisa au con­traire pour se dis­soudre dans les groupes de la nou­velle gauche. L’histoire de cha­cune de ces tra­jec­toires mérit­erait d’être minu­tieuse­ment décrite. On se con­tentera d’en rap­pel­er som­maire­ment quelques prob­lé­ma­tiques com­munes, et que l’on peut tenir pour essen­tielles:

a) la réflex­ion poli­tique et un cer­tain ancrage théorique devaient per­me­t­tre d’échapper à un mor­celle­ment destruc­teur sur le plan de l’organisation interne. Le mou­ve­ment n’était pas une don­née absolue, il pou­vait être inter­prété, situé, analysé, et dans une cer­taine mesure ordon­né et com­mandé, pour ne pas s’étouffer lui-même. Le pas­sage aux groupes devait per­me­t­tre non pas de per­dre mais de sauver l’existant. Le proces­sus révo­lu­tion­naire oblig­eait à un dia­logue entre mou­ve­ment et organ­i­sa­tion qui devait per­me­t­tre de dépass­er les lim­ites de l’un comme de l’autre.

b) l’organisation sig­nifi­ait en pre­mier lieu pass­er du sub­jec­tivisme pur à la « ligne », avant même d’inventer les règles de l’être-ensemble. Cet aspect con­stituera un point de cli­vage durant toutes les années 1970 entre les par­tis d’une part, et le « mou­ve­men­tisme », ou les mou­ve­ments nais­sants ou renais­sants, de l’autre. Ces derniers n’auront en effet de cesse de point­er la « manière d’être », la « manière de faire de la poli­tique » comme étant l’élément déter­mi­nant, plus ou moins vis­i­ble, de la for­ma­tion et des trans­for­ma­tions de la « ligne ». Beau­coup de rup­tures poli­tiques se jouèrent sur « la manière », et le fémin­isme en pre­mier lieu cri­ti­qua de façon rad­i­cale l’existence même d’une ligne. Néan­moins, fin 1968 et pen­dant l’année 1969, la ques­tion de la ligne fut l’occasion d’une réflex­ion foi­son­nante, elle apparut comme une « forme » de crois­sance des poten­tial­ités du mou­ve­ment, qui sem­blaient alors ­dif­férentes. Naturelle­ment, on par­lait là d’une « ligne » qui serait capa­ble de déjouer les pièges des lignes précé­dentes, d’une « ligne » rad­i­cale, ant­i­cap­i­tal­iste, haute­ment con­flictuelle, qui serait en elle-même la forme la plus mûre du con­flit. Les groupes éprou­vaient autant de défi­ance envers la « médi­a­tion » que ne l’avait fait le mou­ve­ment dans ses phas­es les plus spon­tanées, mais ils lui opposèrent la « ligne révo­lu­tion­naire ». Et c’étaient des exi­gences de cette ligne que découlaient naturelle­ment les struc­tures et les règles d’organisation pro­pre­ment dites, et non l’inverse.

La « ligne », à son tour, trou­vait sa légiti­ma­tion dans ce que la sit­u­a­tion avait d’objectivement révo­lu­tion­naire, dans le fait qu’une forme inédite de con­flit était déjà en train de se jouer con­tre le sys­tème et con­tre l’État. Sur cette ques­tion, les groupes se divisèrent, pour le dire sim­ple­ment, autour des prémiss­es du Que faire? de Lénine, c’est-à-dire sur la con­cep­tion de la ligne comme con­science induite au sein des mass­es, ou de la classe, par une intel­li­gentsia plus aver­tie, une avant-garde éclairée ou du moins mieux for­mée

6 « L’organisation des ouvri­ers doit être, en pre­mier lieu, pro­fes­sion­nelle ; en sec­ond lieu, la plus large pos­si­ble ; en troisième lieu, la moins con­spir­a­tive pos­si­ble […]. Au con­traire, l’organisation des révo­lu­tion­naires doit englober avant tout et prin­ci­pale­ment des hommes dont la pro­fes­sion est l’action révo­lu­tion­naire […]. Néces­saire­ment, cette organ­i­sa­tion ne doit pas être très éten­due, et il faut qu’elle soit la plus clan­des­tine pos­si­ble. […] Et je sou­tiendrai cette thèse quoi que vous fassiez pour exciter la foule con­tre mon “anti­dé­moc­ra­tisme”, etc. Par “têtes intel­li­gentes”, en matière d’organisation, il faut enten­dre unique­ment, comme je l’ai indiqué maintes fois, les révo­lu­tion­naires pro­fes­sion­nels, étu­di­ants ou ouvri­ers d’origine, peu importe », Vladimir Ilitch Lénine, « L’organisation des ouvri­ers et l’organisation des révo­lu­tion­naires », Que Faire ? [1902], Seuil, 1966

. Les groupes les plus récents, de Potere ­operaio à Lot­ta con­tin­ua, refusèrent l’idée d’une avant-garde extérieure au mou­ve­ment (ou si l’on veut, ils n’eurent pas la sincérité de Lénine), même s’ils furent tou­jours dirigés par une avant-garde qui, sans le dire, mar­chait dans les pas du Que faire? Ce phénomène s’accrut de manière inverse­ment pro­por­tion­nelle à l’implication des mass­es dans la dynamique d’expansion révo­lu­tion­naire, et c’est ain­si que la « vraie ligne » se retrou­va finale­ment le pat­ri­moine de fort peu de gens et pour ce qui con­cerne les groupes armés, de quelques clan­des­tins, c’est-à-dire de per­son­nes qu’unissaient de puis­sants liens émo­tion­nels, mais de faibles liens numériques. Le lénin­isme ne fut jamais admis non plus par les chefs charis­ma­tiques des groupes qui se revendiquèrent le plus longtemps de l’informalité du refus, comme Lot­ta con­tin­ua – où, pour ce que j’en sais, les rap­ports entre l’avant-garde et le reste des mil­i­tants étaient réelle­ment moins rigides qu’ailleurs.

c) la ligne pou­vait aus­si sig­ni­fi­er un retour aux « véri­ta­bles sources de la pen­sée révo­lu­tion­naire ». C’est sur ce point que les dis­sen­sions furent les plus fortes: elles oppo­saient cette fois non pas les mou­ve­ments aux groupes, mais les groupes entre eux. Cer­tains groupes réfutèrent l’utilité, et la valid­ité même de cette idée du retour aux orig­ines, parce qu’ils priv­ilé­giaient la nou­veauté des sujets – comme Lot­ta con­tin­ua – ou la nou­veauté des sit­u­a­tions dans lesquelles se trou­vaient les anciens sujets – comme Potere operaio, dont le clas­sisme n’admettait pas d’antécédent sinon une cer­taine lec­ture de Marx, qui con­damnait chez Lénine la col­lu­sion avec le pro­gres­sisme et qui, je pense, igno­rait tout de Rosa Lux­em­burg et de Mao. Ceux qui au con­traire se con­fron­tèrent à cette ques­tion des sources, et se mirent en quête de références pré-togli­at­ti­ennes et pré-stal­in­i­ennes, étaient en général issus du Par­ti ou de la jeunesse com­mu­niste. Ce fut le cas de la mou­vance trot­skyste, dont l’expansion en 1968 fut plus forte en France qu’en Ital­ie, ou de groupes comme Avan­guardia opera­ia. Ce fut aus­si bien sûr le cas de toutes les branch­es du mou­ve­ment marx­iste-lénin­iste et de ses dérivés, comme par exem­ple le Movi­men­to stu­den­tesco de Milan. Le retour au lux­em­bur­gisme fut plus souter­rain: aucun groupe ne s’en récla­ma jamais en tant que tel, et s’il fut large­ment représen­té au Man­i­festo, il n’y fit jamais l’unanimité, loin de là.

d) de la ligne découlait l’idée de l’organisation comme sys­tème de trans­mis­sion, con­ti­nu­ité et effi­cac­ité. L’organisation avait eu, dans le mou­ve­ment, encore plus mau­vaise répu­ta­tion que la ligne: elle sem­blait rigoureuse­ment inca­pable d’en traduire ou d’en exprimer quoi que ce soit, elle s’opposait à sa nature la plus intime. L’organisation, cela voulait dire la fin de l’assemblée sou­veraine, la représen­ta­tion, des man­dats moins pro­vi­soires et moins révo­ca­bles, une direc­tion cen­tral­isée dans une cer­taine mesure, des comités cen­traux, des con­grès, des majorités et des minorités, le cen­tral­isme démoc­ra­tique ou les courants, tout ce qu’on con­nais­sait en somme. Tout ce qu’on détes­tait.

Et pour­tant on était en train d’en redé­cou­vrir les enjeux. Avant tout pour des raisons internes. Fin 1968, le mou­ve­ment était passé par des proces­sus dont il était sor­ti morcelé, dis­per­sé. Les assem­blées, à force de met­tre en cause la prési­dence, l’ordre du jour et le rap­por­teur, couraient tou­jours le risque de ne jamais com­mencer. Il fal­lait tou­jours tout repren­dre à zéro, et comme la légitim­ité des déci­sions finales était tout aus­si con­testée que celle des propo­si­tions ini­tiales, les résul­tats étaient mai­gres. Les par­tic­i­pants les moins vigoureux, ou les moins capa­bles de vocif­éra­tion s’en allaient, déçus, et l’assemblée s’amenuisait plutôt que de s’élargir. Et à moins de l’intervention de quelque leader charis­ma­tique, ou d’une sol­lic­i­ta­tion extérieure, les assem­blées réu­nis­saient de moins en moins de monde. Beau­coup de con­tre-cours périrent ain­si d’épuisement. C’est de cette mort-là que mou­rut l’assembléisme pur. Il fal­lait par con­séquent s’organiser pour se don­ner non pas un « com­man­de­ment » mais une colonne vertébrale, un réseau, un axe por­tant, une con­ti­nu­ité, moins frag­ile et moins fébrile.

e) ligne et organ­i­sa­tion étaient néces­saires pour sor­tir des spé­ci­ficités locales, pour éten­dre le mou­ve­ment là où il n’existait pas mais où il aurait pu exis­ter, là où il était en train de sur­gir et où il fal­lait entr­er en con­tact avec lui. L’université avait tombé le masque, elle était claire­ment apparue comme la for­ma­trice du con­sen­sus, comme la fab­rique des fig­ures du com­man­de­ment cap­i­tal­iste. Et l’usine, le cœur de l’exploitation et de l’aliénation, ne se met­tait pas en mou­ve­ment? Et lorsque l’usine se mit en mou­ve­ment, ne fal­lait-il pas s’agréger à cette classe anci­enne mais déci­sive, dont on avait beau­coup à appren­dre et à laque­lle on apporterait la fraîcheur de forces nou­velles et la mer­veilleuse expéri­ence de la sub­jec­tiv­ité vic­to­rieuse? Mais com­ment allait-il y aller, le « mou­ve­ment », dans les usines, sinon en se struc­turant? En créant des com­mis­sions d’étude pour jeter les bases d’une analyse, d’une pen­sée, d’une ligne en somme; en for­mant des groupes d’intervention devant les por­tails, en créant des instances de coor­di­na­tion où les rap­ports ne seraient plus fondés sur la com­mu­nauté de l’expérience uni­ver­si­taire? Le mou­ve­ment est à la fois total­isant et indis­so­cia­ble du ter­rain sur lequel il se développe. S’il se dif­fuse, on a affaire à plusieurs mou­ve­ments. S’il s’est général­isé, et qu’il cherche à com­mu­ni­quer, il faut qu’il se donne cer­taines « formes ». Des formes d’organisation. Ligne et organ­i­sa­tion dev­in­rent donc les con­di­tions de la crois­sance, de la sor­tie de soi, de ce ter­rain qu’on avait occupé si facile­ment et où l’on avait à présent ­l’impression d’être enfer­mé.

f) ligne et organ­i­sa­tion pour se défendre con­tre le pou­voir, pour le vain­cre. Dans le pas­sage du mou­ve­ment aux groupes se dévelop­pa une cer­taine per­cep­tion de la com­plex­ité sociale et, plus con­fusé­ment, des pou­voirs. Là aus­si la spé­ci­ficité des mou­ve­ments s’érigea en lim­ite – et quand ces derniers voulurent réaf­firmer leur pri­mauté, ils refusèrent le principe même de l’analyse ou de l’intervention « générale », au nom des « par­tic­u­lar­ités » qui risquaient d’être noyées ou jugulées par une mon­tée en général­ité. Dans les années 1970, cet aspect con­sti­tua un point fon­da­men­tal de crise. Mais en cette fin d’année 1968, après l’été, la ques­tion de l’intervention dans la société, hors des uni­ver­sités, ouvrait une per­spec­tive immense, un univers qui con­te­nait en germe, bien qu’encore endormie, sa pro­pre trans­for­ma­tion. Mais on ne pou­vait atten­dre qu’elle s’éveille d’elle-même, il fal­lait accélér­er le rythme, bris­er l’isolement et – on n’aurait pas, à l’époque, util­isé ce terme, mais le sens était celui-là – le cor­po­ratisme.

Ou pire encore, la défaite. Bien sûr, la ques­tion de la « recom­po­si­tion de classe », qui allait domin­er le débat à par­tir de 1969, avait pour revers le con­stat de la force de l’adversaire. Ce point restait déli­cat dans la pen­sée du mou­ve­ment puis des groupes. Les pou­voirs étaient con­sid­érés alter­na­tive­ment comme frag­iles – ne s’étaient-ils pas évanouis en France aux pre­miers feux de l’imagination au pou­voir*? – et omnipo­tents, omniprésents, inflex­i­bles autori­tarismes, rocs fas­cistes. Très vite, cer­tains groupes allaient vivre la con­tra­dic­tion fort peu dialec­tique entre la finesse de cer­taines analy­ses du pou­voir et la pau­vreté des mots d’ordre qui en découlaient. La « mil­i­tari­sa­tion » (qui fut l’objet d’une crim­i­nal­i­sa­tion hors de pro­pos de la part des pro­cureurs des années 1980, d’abord parce que l’organisation mil­i­taire était le fait de fort peu de monde, ensuite parce que même en ce cas, les mil­i­tants étaient plutôt « armés » que « mil­i­taire­ment organ­isés », si les mots ont un sens) fut une extrême sim­pli­fi­ca­tion de ce qu’était le con­flit, dans une société dont on voy­ait bien du reste la nou­veauté des sujets et des sit­u­a­tions

7 Voir à ce sujet Mario Moret­ti (avec Rossana Rossan­da et Car­la Mosca), Brigate rosse, une his­toire ital­i­enne, Ams­ter­dam, 2010

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Le mou­ve­ment étu­di­ant romain fut de ce point de vue le plus grossière­ment sim­plifi­ca­teur, mais partout l’affrontement avec la police fut por­teur des mêmes facil­ités sym­bol­iques qu’allait lui ren­voy­er la par­tie adverse.

Seule une his­toire des années 1970 pour­rait ren­dre compte des fluc­tu­a­tions du prob­lème qui se posa au mou­ve­ment de 68 et qui devint à la fois la rai­son d’être et la préoc­cu­pa­tion cen­trale des groupes. Mais à l’origine, tous, sans excep­tion, avaient à l’esprit que ce mod­èle d’organisation, qui sem­blait pour­tant néces­saire si on voulait se don­ner une chance de survie, était intrin­sèque­ment réduc­teur. Les nou­veaux groupes ou les nou­veaux par­tis se voulaient sincère­ment, généreuse­ment, « dif­férents ». Non for­mal­istes, non bureau­cra­tiques, non autori­taires – spec­tre d’une nou­velle classe à un moment où il s’agissait de tout vivre en com­mun. Le charisme n’est pas l’autorité: il peut à l’occasion être bien pire, mais à ce moment-là il fut un mieux, parce qu’on y vit la man­i­fes­ta­tion de l’être poten­tiel qui dort en cha­cun de nous, chrysalides d’immatures papil­lons. L’organisation allait exal­ter les indi­vidus: elle n’avait pas besoin d’êtres gré­gaires mais de per­son­nes sin­gulières, et ses insti­tu­tions devaient rester flex­i­bles. La con­ti­nu­ité des liens avec le mou­ve­ment dont elle était née devait la préserv­er de la cal­ci­fi­ca­tion et de la bureau­crati­sa­tion. Et il y avait bien en effet un cer­tain « mou­ve­men­tisme » dans ces groupes qui étaient en train de se struc­tur­er. Tous crurent réelle­ment à la rota­tion des charges, à la révo­ca­tion des man­dats, tout le monde don­nait volon­tiers sa démis­sion qui n’était jamais suiv­ie d’effet, mais qui n’en était pas feinte pour autant. Ils étaient tous, on peut le dire aujourd’hui, assez can­dide­ment igno­rants des mécan­ismes psy­chologiques – davan­tage encore que poli­tiques et soci­ologiques – du groupe. Ils s’étaient voulus dif­férents et ils le furent au moins sur un point essen­tiel: ils n’imaginèrent pas un instant que l’on puisse « sépar­er le poli­tique », que la poli­tique puisse être conçue comme une pro­fes­sion ou une « tech­nique ». Il sem­ble que c’était il y a cent ans. En 1975, la sit­u­a­tion avait déjà changé. Sept ans plus tard, Lot­ta con­tin­ua avait dis­paru, Potere operaio avait été le pre­mier à s’auto-dissoudre, les m‑l n’avaient même pas poussé jusqu’à ce geste. La géo­gra­phie poli­tique de la nou­velle gauche s’était pro­fondé­ment mod­i­fiée. C’est à l’automne 1968 que, pour la dernière fois peut-être, la ques­tion mou­ve­ment-ligne-organ­i­sa­tion fut reposée dans ses fonde­ments mêmes, qu’elle fut mise en pra­tique de manière prob­lé­ma­tique et con­tra­dic­toire, entre passé et présent. Plus tard, on la réglerait, de manière pas tou­jours très limpi­de. Mais il y a 20 ans c’était encore un devenir sur­gis­sant. Il nous faut net­toy­er notre mémoire mal cica­trisée pour en ressen­tir le rythme.

dans ce chapitre« Le temps des groupes extra­parlemen­tairesAndrea Colom­bo: les prin­ci­paux groupes »
  • 1
    Sur cette con­cep­tion des besoins rad­i­caux dans la tra­di­tion marx­iste, on pour­ra se reporter à Agnès Heller, La Théorie des besoins chez Marx, op. cit. : « La ques­tion est la suiv­ante : com­ment une théorie rad­i­cale peut-elle devenir prax­is ? Com­ment peut-elle s’emparer des mass­es ? La réponse en est : “La théorie ne peut être réal­isée au sein d’un peu­ple que dans la mesure où elle est la réal­i­sa­tion des besoins de celui-ci. Une révo­lu­tion rad­i­cale ne peut être que la révo­lu­tion des besoins rad­i­caux” (Marx, Con­tri­bu­tion à la cri­tique de la philoso­phie du droit de Hegel ). »
  • 2
     De Lelio Bas­so il a été ques­tion au chapitre 2 (note 62, p. 91). Luciano Amodio (1926–2001), qui avait col­laboré avec Fran­co For­ti­ni à l’importante revue poli­tique et cul­turelle Il Politec­ni­co (1945–1947) fondée par Elio Vit­tori­ni, est l’auteur de l’introduction à l’édition ital­i­enne des Œuvres choisies de Rosa Lux­em­burg (Scrit­ti scelti, Avan­ti !, 1963). En 1965, il pub­lie dans les Quaderni pia­cen­ti­ni, n° 21, « Il con­trasto Lenin-Lux­em­burg sull’organizzazione del par­ti­to »
  • 3
    Anton Pan­nekoek (1873–1960), auteur de Con­seils ouvri­ers [1946], Spar­ta­cus, 1982, avait dévelop­pé la thèse selon laque­lle le régime sovié­tique n’était pas une forme de social­isme, même défor­mée, mais un cap­i­tal­isme d’État. Voir égale­ment His­toire cri­tique de l’ultra-gauche, op. cit
  • 4
    La « mini-réforme » de l’université qui fit suite aux mobil­i­sa­tions étu­di­antes de 1968–69 prévoy­ait notam­ment la sup­pres­sion de l’examen d’entrée et une mod­i­fi­ca­tion des cur­sus étu­di­ants
  • 5
    Rossana Rossan­da ébauche ici une cri­tique du salaire garan­ti en tant que stricte vari­able des poli­tiques libérales, reprenant ain­si cer­tains argu­ments du PCI con­tre les reven­di­ca­tions du salaire garan­ti issues du pro­lé­tari­at non-garan­ti – dont il sera ques­tion notam­ment au chapitre 8
  • 6
    « L’organisation des ouvri­ers doit être, en pre­mier lieu, pro­fes­sion­nelle ; en sec­ond lieu, la plus large pos­si­ble ; en troisième lieu, la moins con­spir­a­tive pos­si­ble […]. Au con­traire, l’organisation des révo­lu­tion­naires doit englober avant tout et prin­ci­pale­ment des hommes dont la pro­fes­sion est l’action révo­lu­tion­naire […]. Néces­saire­ment, cette organ­i­sa­tion ne doit pas être très éten­due, et il faut qu’elle soit la plus clan­des­tine pos­si­ble. […] Et je sou­tiendrai cette thèse quoi que vous fassiez pour exciter la foule con­tre mon “anti­dé­moc­ra­tisme”, etc. Par “têtes intel­li­gentes”, en matière d’organisation, il faut enten­dre unique­ment, comme je l’ai indiqué maintes fois, les révo­lu­tion­naires pro­fes­sion­nels, étu­di­ants ou ouvri­ers d’origine, peu importe », Vladimir Ilitch Lénine, « L’organisation des ouvri­ers et l’organisation des révo­lu­tion­naires », Que Faire ? [1902], Seuil, 1966
  • 7
    Voir à ce sujet Mario Moret­ti (avec Rossana Rossan­da et Car­la Mosca), Brigate rosse, une his­toire ital­i­enne, Ams­ter­dam, 2010